1 - Contexte
2 - Objectifs de la recherche de H. pylori
3 - Méthodes de recherche de H. pylori
4 - Antibiogramme
Contexte : rôle de H. pylori dans les maladies gastriques
Helicobacter pylori (Hp) est un bacille hélicoïdal à Gram négatif caractérisé en 1983. Il est mobile par une ciliature polaire, microaérophile et croît lentement. Il appartient au groupe des bactéries adaptées aux mucus digestifs (Helicobacter, Campylobacter, Wolinella, Arcobacter).
H. pylori est strictement inféodé à la muqueuse gastrique humaine. La contamination est
inter-humaine, et se fait sans doute sur le mode oro-oral.
Les sujets infectés ont tous une réaction inflammatoire de la muqueuse (gastrite) et une
réponse immunitaire humorale et cellulaire dirigée contre la bactérie. Un à deux % d'entre eux
seulement présentent suffisamment de symptômes pour consulter. L'éradication spontanée est rare
et l'état inflammatoire persiste aussi longtemps que la bactérie est présente (souvent plusieurs
décennies). La gastrite à Helicobacter peut rester stable ou évoluer, soit vers une maladie
ulcéreuse, soit vers une atrophie de la muqueuse pouvant aboutir à un adénocarcinome. Le tissu
lymphoïde associé à la muqueuse gastrique (mucosa associated lymphoid tissu ou MALT) qui apparaît
lors de l'infection gastrique à H. pylori peut être à l'origine de lymphomes. Les facteurs qui
conditionnent ces différents modes évolutifs sont encore peu connus mais on peut penser qu'ils
sont à la fois liés à la souche infectante et à la réponse de l'hôte.
L'éradication des bactéries fait régresser l'inflammation, diminue fortement le risque de
récidive des maladies ulcéreuses et le risque d'évolution carcinomateuse.
Les lymphomes à H. pylori régressent également après éradication de l'infection.
2 - Objectifs de la recherche de H. pylori
La mise en évidence de H. pylori sur la muqueuse gastrique se justifie pour documenter une dyspepsie, pour évaluer l'efficacité d'un traitement d'éradication de la bactérie et pour évaluer le risque de développement d'une maladie gastrique associée à H. pylori.
En 1995, une conférence de consensus organisée par l'ANDEM a fait les recommandations
suivantes :
H. pylori doit être recherché chaque fois que son éradication apporte un bénéfice au malade.
D'une façon générale, le problème se pose chez des patients ayant une symptomatologie digestive
haute suffisamment importante pour justifier une endoscopie oeso-gastro-duodénale.
En cas d'ulcère duodènal, la recherche de H. pylori doit être faite dans une ou deux biopsies
pratiquées dans l'antre au cours de l'endoscopie initiale.
Le consensus admet implicitement qu'une simple gastrite constatée à l'endoscopie ne justifie
pas la recherche de H. pylori.
En cas d'ulcère gastrique le risque de méconnaître un adénocarcinome oblige à pratiquer une biopsie.
La recherche de H. pylori est alors recommandée dans les biopsies pratiquées au niveau de l'antre
et de la partie fundique haute de la grande courbure.
Après une tentative thérapeutique, le consensus recommande de vérifier l'éradication de
H. pylori par des tests non invasifs et notamment par le test respiratoire (voir plus bas). En cas
d'échec de l'éradication, il est recommandé de chercher à isoler la souche dans une nouvelle biopsie
pour pratiquer un antibiogramme.
Les méthodes recommandées pour identifier H. pylori sont les suivantes :
- Lors de l'endoscopie initiale, on met en évidence les bactéries spiralées au cours de l'examen
anatomo-pathologique des pièces biopsiques et on pratique un test à 1'ur,ase (voir plus
bas) en salle d'endoscopie.
- Pour contrôler l'éradication de la bactérie, le test respiratoire est pratiqué 4 à 6 semaines
après l'arrêt du traitement.
Ce consensus n'est pas satisfaisant sur tous les points. En particulier, les recours à l'isolement
de la souche par culture et à l'antibiogramme ne sont pas suffisants. En effet, le test à 1'uréase
est peu sensible et la recherche de H. pylori lors de l'examen anatomo-pathologique a des performances
très différentes d'un laboratoire à l'autre, avec des possibilités de confusion avec d'autres bactéries
spiralées comme H. heilmanii.
Par ailleurs, on ne peut plus considérer que les souches de H. pylori ont un profil de résistance
aux antibiotiques constant. La fréquence des résistances primaires aux traitements habituellement
utilisés est maintenant suffisamment élevée pour que l'isolement et l'antibiogramme des souches
soient justifiés lors de l'examen initial.
La sérologie, qui n'est recommandée par le consensus que pour les études de séroprévalence,
est, elle aussi, sous-utilisée. Cet examen est actuellement l'un de ceux qui a les meilleures performances
en terme de sensibilité et de spécificité. Il est simple, ne nécessitant qu'un prélèvement sanguin,
peu onéreux et il est remboursé par la sécurit, sociale.
Dans de nombreux cas, la sérologie mériterait d'être utilisée en dépistage avant l'endoscopie.
Par ailleurs l'éradication de l'infection s'accompagne d'une chute significative en 4 à 6 mois, du taux
d'anticorps sériques qui peut être utilisée pour vérifier à distance le succès d'un traitement.
3 - Méthodes de recherche de H. pylori
Ces méthodes sont classées en "invasives" ou "non invasives", selon qu'elles nécessitent ou non une fibroscopie gastro-duodénale.
1 - Méthodes directes invasives
Elles consistent à pratiquer plusieurs biopsies de la muqueuse antrale ou fundique au cours d'un examen endoscopique et à rechercher les bactéries dans ces prélèvements biopsiques.
* Prélèvement pour un examen bactériologique
Au cours d'une endoscopie gastrique, prélever plusieurs biopsies dans l'antre à environ 3 cm du pylore. Pour un contrôle d'éradication, prélever en plus au niveau du tiers supérieur du fundus.
Les prélèvements doivent être adressés au laboratoire de bactériologie dans les trois heures
qui suivent en conservant les biopsies dans un récipient stérile contenant 0,5 ml de bouillon
thioglycolate ou d'eau physiologique stérile. Si le délai avant examen est compris entre 3 heures et
24 heures, il faut utiliser un milieu de transport de type Stuart.
Si ce délai est supérieur à 24 heures, la biopsie doit être acheminée congelée dans un tube sec.
On doit adresser également des biopsies en anatomopathologie.
La recherche de H. pylori a pu être également proposée dans le suc gastrique obtenu par
tubage, dans la salive ou dans les selles. Ces méthodes sont jusqu'à présent non validées pour le
diagnostic standard.
* Mise en évidence des germes
Recherche de l'activité uréasique
Cette méthode est adaptée à une recherche rapide en salle d'endoscopie dès le prélèvement effectué. Elle consiste à rechercher l'activité uréasique des germes dans un fragment de biopsie. Un fragment de biopsie est placé dans un liquide tamponné à pH 6,4 - 6,8 faiblement gélosé et contenant de l'urée 5 à 10 mMolaire avec un indicateur de pH (le plus souvent le rouge de phénol). Beaucoup de tests contiennent également un agent bactériostatique pour inhiber la croissance des bactéries uréase positive comme les Klebsiella ou les Proteus. En présence de 1'uréase préformée provenant des cellules de H. pylori, l'urée est hydrolysée en ammoniac et C02 en quelques minutes à quelques heures. La réaction s'accompagne de l'alcalinisation du milieu et du virage de l'indicateur. La réaction est possible à température ordinaire mais la sensibilité est supérieure à 37'C. Il existe de nombreux kits diagnostiques commerciaux adaptés à un usage en salle d'endoscopie.
Examen direct
La recherche de H. pylori par examen direct peut se pratiquer au laboratoire de bactériologie ou au laboratoire d'anatomopathologie.
- Au laboratoire de bactériologie
Les biopsies sont, soit broyées, soit dilacérées stérilement au scalpel dans une boite de Pétri. Le produit est étalé sur une lame et classiquement coloré par la méthode de Gram. Les H. pylori apparaissent comme des germes spiralés à Gram négatif. Ils sont parfois rares ou groupés en "bancs de poissons". La recherche à fort grossissement doit être suffisamment complète (observer 20 à 50 champs au moins). Des colorations spéciales peuvent être réalisées comme la coloration à l'acridine orange.
- Au laboratoire d'anatomopathologie
Les coupes sont colorées par diverses colorations, la plus répandue étant le Giemsa modifié (méthode de Romanovsky) ou la coloration argentique (méthode de Warthin et Stary).
* Culture
C'est la méthode de référence. Elle est très spécifique mais peu sensible du fait du caractère "capricieux" des primo-cultures et des faux négatifs par erreur d'échantillonnage.
La biopsie dilacérée ou broyée est ensemencée de préférence en milieu solide.
Le milieu est constitué d'une base gélosée (milieu Brucella, coeur-cervelle, Columbia, Wilkins-Chalgren ou Mueller-Hinton) additionnée de 10 % de sang de cheval, mouton ou humain. Certains auteurs ont proposé de remplacer le sang par du sérum (de veau, de cheval ou humain). D'autres suppléments de croissance ou de détoxification ont été proposés (8-cyclodextrine, charbon, amidon etc.). Les bases Columbia, Wilkins-Chalgren ou Mueller-Hinton additionnées de 10 % de sang de mouton conviennent à la plupart des souches.
Des mélanges sélectifs peuvent être utilisés pour inhiber la croissance des contaminants occasionnels (flore buccale surtout). Le mélange de Skirrow proposé pour isoler les Campylobacter dans les selles peut être utilisé ainsi que le mélange de Dent et Mc Nulty à la cefsulodine.
L'atmosphère d'incubation doit être appauvrie en oxygène par rapport à l'air. En pratique, une concentration de 5 % d'oxygène convient à la plupart des souches. Cette tension réduite en oxygène peut être obtenue dans des enceintes closes (jarres) avec des générateurs de C02 ou de C02 et 3 d'hydrogène (gas-pack). En subculture, beaucoup de souches peuvent croître en atmosphère simplement enrichie en C02 à 10 %. L'atmosphère doit être humidifiée.
La température optimale de culture est de 37'C. En primo-culture, les colonies
apparaissent en 3 à 12 jours sur gélose au sang. En subculture, la croissance est plus rapide
(2 à 4 jours). Les primo-cultures doivent donc être incubées 12 jours et examinées chaque jour à partir
du 3e. Certaines cultures dégénèrent rapidement. Il convient donc de dérnarrer les subcultures dès que
les colonies sont visibles. Dans le cas de cultures pauvres, une subculture peut être tentée sur une
petite surface de gélose (culture "en spot"). On également "réétaler les colonies" dans une autre zone
du même milieu (à condition qu'il ne contienne aucun contaminant).
Ces procédés favorisent la culture des souches difficiles.
Une subculture en milieu liquide est possible dans un milieu à 10 % de sérum additionné de 1 % de
6-cyclodextrine. La culture en milieu diphasique avec une phase gélosée et une phase liquide
supplémentées en sérum donne de bons résultats notamment pour mettre en évidence la mobilité, pour
obtenir une masse bactérienne importante ou des produits bactériens relargués dans le milieu
(toxine vacuolisante).
Identirication
- Les colonies de H. pylori sont petites (0,5 mm) ou en nappes, brillantes, non hémolytiques, oxydase
et uréase positives.
Elles poussent lentement en microaérophilie.
- A l'examen direct, les bactéries sont Gram négatif, spiralées ou arquées ou en forme de U ou de 0.
Dans les cultures âgées des formes coccoïdes non subcultivables apparaissent.
- H. pylori possède une oxydase, une catalase et une uréase très actives. Cette dernière enzyme peut être recherchée en milieu urée-indole de Ferguson; la mise en suspension d'une pointe de pipette de colonies dans quelques gouttes de milieu fait virer le milieu au rouge en quelques minutes.
- Aucun diagnostic différentiel n'est à envisager. H. pylori est la seule bactérie retrouvée dans l'estomac humain avec H. heilmannii qui ne pousse pas dans ces conditions. De façon exceptionnelle, le diagnostic différentiel peut se poser avec des Campylobacter mais ces derniers sont uréase négative (à l'exception de C. lari biovar UPTC).
Autres méthodes de diagnostic direct
La détection par PCR de gènes de H. pylori a été proposée et des kits commerciaux sont en cours d'évaluation.
Caractères | H. pylori | H cynediae | H. fennelliae | H. heilmannii |
---|---|---|---|---|
2 - Méthodes indirectes non invasives
Test respiratoire à l'urée marquée (Breath test)
Cette méthode consiste à mettre en évidence l'activité uréasique de la bactérie en faisant
ingérer au patient de l'urée marquée au 13 C (isotope non radioactif), puis à détecter le C02 marqué
dans l'air expiré. Le 13 C est un isotope stable non radioactif du carbone. Il est donc inoffensif
et peut être utilisé sans autorisation spéciale.
Cette méthode est simple mais nécessite une connexion avec un laboratoire capable de
doser le 13 CO2 par spectrographie de masse.
Sérodiagnostic
Cette méthode est simple et à la portée de tous les laboratoires.
Prélèvement
Deux ml de sang dans un tube sec. Le sérum décanté, aliquoté et congelé à - 20'C peut
être conservé plusieurs mois.
Méthode
Un assez grand nombre de kits diagnostiques basés sur des ELISA ou des Westem-blots
sont à la disposition des biologistes pour la réalisation de ces méthodes sérologiques.
Après l'infection, les IgG sériques sont détectables en 10 à 20 jours selon les sujets.
Elles atteignent rapidement un maximum et restent élevées tant que l'infection persiste.
Après l'éradication de la bactérie par un traitement antibiotique, le taux d'IgG diminue
pour devenir, en 4 à 6 mois, comparable à celui des sujets non infectés.
En cas d'échec thérapeutique, il peut rester élevé ou diminuer, puis réaugmenter.
Le diagnostic de colonisation par H. pylori peut être porté par une seule sérologie si elle est
franchement positive.
En cas de résultat douteux ou de discordance avec une autre méthode de diagnostic,
il est sage de pratiquer une seconde sérologie 15 à 30 jours plus tard avec le même ELISA
(cas d'une infection récente ou d'un patient ayant une réponse faible), ou/et de pratiquer
un second test utilisant un antigène différent (cas d'une souche infectante ayant un profil
antigénique très différent de la préparation antigénique utilisée).
Les deux méthodes indirectes ont l'avantage de ne pas nécessiter d'endoscopie et d'être
des méthodes dites "globales" c'est-à-dire qui explorent la totalité de la muqueuse gastrique.
Elles sont sensibles et spécifiques et permettent un suivi de l'infection. Elles
ont l'inconvénient d'être des méthodes indirectes qui ne permettent pas l'isolement des bactéries.
Performances des méthodes de diagnostic
Il n'existe pas de véritable méthode de référence pour le diagnostic de l'infection gastrique par
H. pylori.
La culture est la méthode la plus spécifique mais manque de sensibilité.
Les méthodes indirectes qui ont considérablement amélioré leurs performances sont probablement
les plus performantes mais elles ne permettent pas l'isolement de la souche et la réalisation d'un
antibiogramme. Nous préconisons, pour l'instant, d'utiliser simultanément deux méthodes
pour le diagnostic initial de l'infection.
Une méthode directe (culture ou examen direct) et une méthode indirecte (sérologie ou test
respiratoire).
4 - Antibiogramme * La méthode d'antibiogramme standard par diffusion n'est pas adaptée à H. pylori. On peut réaliser des CMI par dilution en gélose ou par "E-test" sur gélose de Mueller-Hinton supplémentée par 10 % de sang de mouton. Le E-test donne les résultats les plus reproductibles.
* Il faut étudier le métronidazole (30 % de souches résistantes), la clarithromycine (20 % de souches résistantes), les tétracyclines et l'ampicilline qui sont les antibiotiques habituellement utilisés.
* Noter que les corrélations clinico-biologiques qui permettent d'établir les CMI critiques
n'ont pas été établies. Il s'ensuit de grandes incertitudes dans l'interprétation des résultats
de CMI.
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