I LES LIPOPROTEINES

a) Structure

Les acides gras et les lipides jouent un rôle fondamental dans le fonctionnement des êtres vivants : ils sont les composants principaux des membranes cellulaires, jouent un rôle dans la transmission nerveuse et certains lipides sont utilisés comme précurseurs d'hormones.

Une grande partie de ces lipides est apportée par l'alimentation. Ils sont distribués par voie sanguine et lymphatique à tous les organes du corps humain.

Un lipide est un ester (combinaison d'un acide gras et d'un alcool). Il possède donc dans sa formule chimique de longues chaînes carbonées peu ou pas polarisées. Cette structure explique l'effet hydrophobe des lipides : ceux-ci sont insolubles dans l'eau.
Or, le sang est le tissu qui contient la plus grande proportion d'eau de tout le corps humain. Comment un milieu aqueux pourrait-il transporter des molécules hydrophobes (insolubles dans l'eau ) ?

La solution réside dans la présence dans le sang de complexes macromoléculaires appelés lipoprotéines. Ces lipoprotéines sont constituées d'une association lipide-protéine. Ces protéines sont constituées d'acides aminés (AA) dont le résidu peut être très hydrophile. Dans le cas de certains AA le résidu peut même être ionisé (aspartate, asparagine, glutamate, glutamine, lysine, arginine). Ces AA présentent une grande affinité pour l'eau qui est une molécule polaire.
Les lipides, en association avec ces protéines (appelées apolipoprotéines ou plus simplement, apoprotéines) peuvent ainsi être aisément transportées dans le sang.

La disposition spatiale des divers composants des lipoprotéines est déterminée par la polarité de ces composants : plus une molécule est polaire, plus elle sera située à la périphérie de la lipoprotéine c'est à dire en contact avec l'eau. Par contre, les molécules hydrophobes se retrouvent au centre.


Schéma de la configuration moléculaire d'une lipoprotéine (HDL en l'occurence)

Dans une lipoprotéine, on trouve :
des phospholipides
Ce sont des esters d'acide phosphorique et de diglycérides.

Ils se situent à la périphérie de la lipoprotéine. Leur partie hydrophile est tournée vers l'extérieur. Les phospholipides sont d'importants éléments structuraux de la membrane cellulaire. Ils n'interviennent pas directement dans les manifestations cliniques des dyslipoprotéinémies.
 

des triglycérides
Formule générale :

Leur caractère franchement apolaire les relègue au centre des lipoprotéines. Les triglycérides semblent n'être pas directement un facteur de risque cardio-vasculaire. Toutefois, une hypertriglycéridémie pourrait constituer un fait aggravant d'autres facteurs de risque reconnus (alcool , tabac , diabète...).

Le cholestérol non estérifié (CL)
 

A cause de sa fonction alcool faiblement hydrophile, le cholestérol libre se situe à la surface de la lipoprotéine. Dans le règne animal, le cholestérol est le stérol le plus abondant et aussi le plus important au plan métabolique en tant que précurseur des hormones stéroïdes (progestérone, aldostérone, cortisol et cortisone, testostérone, oestradiol et oestrone ).
L'hypercholestérolémie est la cause de la genèse de l'athérome artériel.

Le cholestérol estérifié (CE)
La fonction OH est liée à un acide gras supprimant ainsi tout caractère hydrophile. Le CE se situe donc au centre de la lipoprotéine.

Acides gras non estérifiés

Comme nous l'avons vu, ces apoprotéines ont un rôle structural important. Elles se situent à la surface des lipoprotéines grâce à leurs AA hydrophiles. La partie hydrophobe de ces protéines est tournée vers l'intérieur.

Ces apoprotéines ont une deuxième fonction : certaines jouent le rôle de liguant, d'autres d'activateurs ou d'inhibiteurs enzymatiques (Voir  section c, le métabolisme des lipoprotéines ).

CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES ET FONCTIONS DES APOLIPOPROTEINES MAJEURES


Apoprotéines
Acides aminés
Poids moléculaire
Lieu de synthèse
VLDL
LDL
HDL
concentration plasmatique
(g/l)
Fonction
apo A1
245
23 300
foie, intestin
4%
 
67%
1,00 à 1,20
activateur LCAT. Efflux de cholestérol
apo AII
77x2
17 000
foie, intestin
   
22%
0,4
structure des HDL
apo AIV
?
45 000
intestin
     
0,15
efflux de cholestérol
apo B100
?
540 000
foie
35%
90%
 
0,70 à 1,00
sécrétion des VLDL. ligand du récepteur LDL
apo B48
?
275 000
intestin
     
0,03 à 0,05
sécrétion des chylomicrons
apo C1
57
7 000
foie
+
 
+
0,04 à 0,06
activateur LCAT in vitro
apo C2
78
8 900
foie
40%
 
5-9%
0,03 à 0,05
activateur LPL, VLDL, HDL
apo C3
79
8 700
foie
+
 
+
0,12 à 0,14
inhibiteur LPL
apo D
169
33 000
gonades, rein , foie, placenta, intestin
+
 
+
0,06 à 0,07
métabolisme des esters du cholestérol
apo E
299
38 000
foie, intestin, surrénales, macrophages
13%
   
0,03 à 0,05
ligand du 'récepteur LDL' et du récepteur des chylomicrons résiduels

 

b) Classification :

Il existe plusieurs sortes de lipoprotéines. On peut classer celles-ci selon :
leur composition chimique (quantité et nature des lipides et des protéines) .
leur réactivité chimique vis à vis des polyanions et des lectines (Réaction de précipitation).
leur réactivité immunologique vis à vis d'immuns sérums spécifiques (sérums anti-apoprotéines)
leur origine ou devenir métabolique
leur pouvoir pathogène (pathogénie des lipidoses)
leurs propriétés physiques (dimension, mobilité élèctrophorétique , densité )

A l'heure actuelle, le classement est basé sur la densité des lipoprotéines par ultracentrifugation de flottation.

On distingue les lipoprotéines suivantes :
Lipoprotéines
Densité (g/ml)
chylomicrons
<0,94
VLDL
0,94 à 1,006
LDL1 (IDL)
1,006 à 1,019
LDL2
1,019 à 1,063
HDL1
<1,063
HDL2
1,063 à 1,125
HDL3
1,125 à 1,21
VHDL
1,21 à 1,25
Lp(a)
1,055 à 1,085

Plus la fraction protéique est importante , plus la densité sera élevée.
Toutefois, les lipoprotéines de haute densité (HDL), par exemple, n'ont pas la même composition lipidique que les lipoprotéines de basse densité. Cependant, ce n'est pas la densité des lipoprotéines qui nous indique le rôle de chacune. En effet, les lipoprotéines séparées en fonction de leur densité sont hétérogènes et leurs métabolismes très différents au sein d'une même catégorie.
Nous avons vu que les apoprotéines jouent un rôle important dans le métabolisme de ces lipoprotéines. Il serait donc plus judicieux pour évaluer le risque athérogène de baser la classification sur la teneur en apoprotéines. Toutefois, il y a quand même une certaine corrélation entre la fonction et la densité des lipoprotéines.

c) Métabolisme
Le cholestérol a deux origines chez l'homme :
une origine exogène (alimentation) et une origine endogène (biosynthèse).
 

La biosynthèse du cholestérol est, chez les vertébrés, microsomale. Elle est régulée par un mécanisme de rétroinhibition par un métabolite du cholestérol (le 25 hydroxycholestérol) au niveau de la Bêta-hydroxy-bêta-méthyl-glutaryl-stérol coenzyme A réductase. Cette rétroinhibition n'est jamais totale pour permettre la synthèse de polyisoprénoïdes importants pour d'autres métabolismes comme les dolichols. En effet, un précurseur du cholestérol peut également être métabolisé en dolichol.
Le foie est l'un des principaux sites de synthèse mais toutes les cellules du corps humain peuvent synthétiser le cholestérol. Cependant, dans les conditions physiologiques, l'apport exogène du cholestérol hépatique aux divers tissus est suffisant pour que la synthèse endogène dans ces tissus soit inhibée.
  Au cours d'un repas, des matières grasses riches en triglycérides sont totalement ou partiellement hydrolysées sous l'action de la lipase pancréatique en acides gras, glycérol, mono et diglycérides .
Le glycérol et les acides gras libres à courte chaîne (jusqu'à 10 atomes de carbone) vont aller vers le foie par la voie sanguine (en particulier par la veine porte).
Tous les autres acides gras à longue chaîne ainsi que les mono et diglycérides servent à la reconstitution de triglycérides au niveau de la muqueuse intestinale.

Le cholestérol alimentaire subit une première transformation dans les cellules de l'intestin, les entérocytes, où il est estérifié par l'acyl-coenzyme A transférase (ACAT).
Dans les entérocytes, le cholestérol estérifié est associé à des triglycérides, à des phospholipides et à diverses apoprotéines dont l'APO B48 pour former de grosses lipoprotéines désignées sous le nom de chylomicrons. L'APO B48 est appelée ainsi car sa masse moléculaire est 48% celle de l ' APO B100.

Les APO C sont cédées par les HDL aux chylomicrons. Les APO C existent sous trois formes: Cl, C2, C3. Ces APO C ont peu de rôle structural et leur activité est surtout métabolique :
La forme C1 active la lecithine-cholestérol acyltransferase.
La forme C2 est activatrice de la lipoprotéine lipase.
La forme C3 inhibe cette même lipoprotéine lipase.
Ce sont principalement des APO C2 que les chylomicrons acquièrent .

L'APO E est un ligand pour le récepteur hépatique à APO E.

Les chylomicrons gagnent rapidement la circulation lymphatique puis la circulation générale par l'intermédiaire du canal thoracique. Là, ils subissent l'action de la lipoprotéine lipase (LPL) attachée à l'endothélium vasculaire des muscles et du tissu adipeux. Cette action est rendue possible, rappelons-le, par l'APO C3. L'action de la LPL confère aux chylomicrons une demie-vie très brève (30 minutes) ce qui fait qu'on ne les trouve dans le sang qu'après un repas. Cette enzyme hydrolyse les triglycérides des chylomicrons en mono et diglycérides ainsi qu'en acides gras qui sont utilisés pour la production immédiate d'énergie ou mis en réserve.

Parallèlement, sous l'action d'une protéine de transfert spécifique (CETP), le cholestérol estérifié est transporté vers les particules résiduelles formées lors du métabolisme des chylomicrons, appelés chylomicrons remnants. Il s'agit là d'un échange puisque les triglycérides qui restent dans les chylomicrons sont, en même temps, transférés aux lipoprotéines de haute densité.

Il y a également un échange d'apoprotéines: nous avons vu que les HDL cédaient des APO C et E aux chylomicrons. Ces chylomicrons libèrent des phospholipides et des APO A qui sont récupérés par les HDL.

Les APO E des chylomicrons se lient ensuite aux récepteurs APO E du foie et le cholestérol est récupéré par les hépatocytes. C'est la fin des chylomicrons.

Hors des périodes de digestion, les lipoprotéines synthétisées par le foie contenant l'APO B100 transportent à nouveau le cholestérol dans les tissus. L'APO B100 est un ligand des récepteurs à LDL ou encore appelés récepteurs B,E ou bien récepteurs de Goldstein et Brown.

La majorité de ces lipoprotéines sont de grosses particules de très faible densité (VLDL) contenant en plus des APO B100 et des APO C et E . Ces VLDL, riches en triglycérides, subissent l'action dans les tissus périphériques de la LPL et de la CETP. Leur densité augmente. Elles deviennent des lipoprotéines de densité intermédiaire (IDL) contenant APO B et E. Puis, sous l'action d'une triglycéride lipase hépatique, des LDL ne contenant plus que de l'APO B. Cependant, une partie de ces IDL se lie au foie par des récepteurs BE et libèrent leur cholestérol dans les hépatocytes.

 Index général.

Index des analyses.