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LA PNEUMOCYSTOSE
Cette page de parasitologie est provisoirement dans cette rubrique en réponse à une question.
INTRODUCTION
Dans l'histoire naturelle de l'infection par le VIH, la pneumocystose inaugure en France 35 % des passages au stade SIDA et survient chez 60 % des patients dans le cours de la maladie ; la léthalité du ler épisode se situe entre 5 et 30 %. En absence de prophylaxie efficace, le nombre prévisible de patients atteints de pneumocystose sera en France de 2 000 en 1990, 2 500 en 1991 et 3 000 en 1992. De ce fait, la pneumocystose pose dès aujourd'hui et plus encore demain des problèmes de santé publique. En ce qui conceme le diagnostic, les efforts doivent tendre vers le développement de méthodes fiables et peu invasives. Les efforts de thérapeutique curative doivent tendre a réduire la mortalité liée à l'insuffisance respiratoire, d'autant qu'il existe une prophylaxie efficace qui devrait être généralisée à tous les patients susceptibles de développer une pneumocystose.
lère QUESTION
Quelles sont les indications, les impératifs techniques, la sensibilité et le bénéfice de l'expectoration induite dans le diagnostic de la pneumopathie à Pneumocystis carinii (PPC) ?
Le diagnostic de pneumocystose doit être de certitude. Il est actuellement obtenu en France par la mise en évidence du parasite dans le produit de lavage broncho-alvéolaire (LBA), geste relativement invasif dont la demande croissante risque de dépasser les possibilités des centres d'endoscopie.
L'expectoration induite vise a obtenir du matériel d'origine alvéolaire en déclenchant un phénomène de toux par inhalation de soluté hypertonique. Elle autorise, lorsqu'elle retrouve le pneumocystis, a éviter le LBA, en sachant qu'elle peut méconnaître un éventuel agent infectieux associé.
Sa réalisation nécessite une méthodologie rigoureuse qui passe par des étapes incontournables. L'induction est indispensable, réalisée a l'aide d'un aérosol obtenu par un nébuliseur le plus souvent de type ultrasonique. Elle nécessite le concours d'un personnel formé intervenant aussi dans le recueil de l'expectoration qui doit être traitée rapidement au laboratoire : fluidification, centrifugation, coloration (Giemsa, Musto ou bleu de toluidine) et/ou anticorps monoclonaux en immunofluorescence. La réponse doit être rapide car si la lecture montre le parasite elle affirme le diagnostic et légitime le traitement; à l'inverse si l'examen est négatif il faut réaliser le LBA.
Les résultats de la littérature évalués par rapport à ceux du LBA donnent une spécificité de 100 % pour les équipes entraînées et une sensibilité qui varie selon les colorations utilisées et l'expérience des auteurs de 29 à plus de 95 %. Il apparaît que les pourcentages de LBA ainsi évités dans 2 séries françaises seraient respectivement de 19% et 31%. Il faut rappeler qu'une expectoration induite négative n'élimine en aucun cas le diagnostic de pneumocystose et nécessite donc la réalisation du LBA.
Il nous semble que l'expectoration induite est intéressante a réaliser sous certaines conditions :
- Indications strictement limitées aux malades suspects de pneumocystose chez lesquels un LBA serait de toute façon réalisé.
- Absence de contre-indication: épanchement pleural, antécédent de pneumothorax, insuffisance respiratoire sévère, asthénie importante, trouble de la conscience.
- Infrastructure performante permettant de réaliser le prélèvement, son traitement et le LBA en cas de négativité, donc une structure lourde de type hospitalier bénéficiant d'un personnel disponible et formé, toutes les études soulignant le lien étroit unissant la sensibilité et l'expérience pratique.
Compte tenu des contraintes l'exportabilité de la technique ne
se conçoit que pour les centres traitant
un nombre important de patients.
Pour l'avenir la promotion de l'expectoration induite sera subordonnée à 2 éléments :
- le nombre de pneumocystoses à venir qui dépendra de l'efficacité de la prophylaxie ;
- sa sensibilité au cours des échecs de la prophylaxie
où tout laisse présager un moindre parasitisme et
un risque accru d'infection(s) associée(s).
2ème QUESTION
Quels sont les facteurs de gravité initiaux et secondaires, quelles sont les indications du transfert en réanimation, selon quelles modalités modifie-t-on le traitement ?
La pneumocystose est une maladie mortelle chez un quart des patients par insuffisance respiratoire. Disposer de critères de gravité initiale utilisables par tous les médecins permettrait une orientation précoce des patients vers les structures médicales adaptées à la gravité de leur état. Les principaux critères utilisables en pratique sont la fréquence respiratoire et la gazométrie artérielle en air ambiant. La grande dispersion des valeurs individuelles de ces paramètres n'autorise pas au plan du pronostic une prédiction pour un patient donné, toutefois lorsqu'elles sont peu perturbées et que le cliché thoracique est normal leur principal intérêt est de prédire une évolution favorable. Il est indispendable de construire et d'évaluer un indice de gravité adapté à la spécificité de la pneumocystose dans le cadre de I'infection VIH.
Le passage en réanimation des pneumocystoses graves est aujourd'hui justifié par l'amélioration du pronostic immédiat. Il suppose deux préalables: son acceptation par un patient informé et l'appréciation du pronostic à court terme de l'infection VIH ; seul un passage précoce permet au patient de bénéficier au mieux des différentes modalités techniques d'amélioration de l'hématose.
Une cause extrapulmonaire étant exclue, le facteur de gravité secondaire de la PPC est l'absence de contrôle durable de l'insuffisance respiratoire. La non-décroissance d'un taux de LDH initialement élevé ou son ascension apparaît comme un élément de mauvais pronostic. Une modification thérapeutique sera envisagée lorsque la pneumocystose n'évolue pas favorablement dans un délai de 7 +/- 2 jours. Les hypothèses principales sont une infection associée ( essentiellement à cytomégalovirus ) une évolution fibrosante précoce ou un échec microbiologique, plus difficile à apprécier. La démarche diagnostique est dominée par la réalisation d'un LBA associé à un prélèvement bronchique distal protégé. S'il affirme de façon non équivoque la responsabilité d'un microorganisme associé, celui-ci doit être traité. En son absence une modification du traitement antipneumocystis peut être proposée ; elle est discutée et habituellement peu efficace. Si l'on remplace le cotrimoxazole par la pentamidine parentérale, celui-ci doit être maintenu pendant 5 jours.
3ème QUESTION
Quelle est la place de la corticothérapie dans le traitement de la pneumocystose ?*
Dans la PPC de nombreuses études ont été consacrées à l'utilisation des corticoïdes dans les formes avec insuffisance respiratoire modérée ou majeure. Actuellement aucune d'entre elles ne permet de conclure sur l'intérêt et la place de ce traitement, toutefois les corticoïdes ne semblent pas aggraver l'évolution de la maladie.
Dans les formes avec insuffisance respiratoire majeure (PaO2 <= 50 torr en air ambiant) une étude ouverte utilisant la methyl-prednisolone par voie intraveineuse à la dose de 240 mg par jour pendant trois jours, puis 120 mg par jour pendant trois jours et 60 mg par jour pendant trois jours, indique un
abaissement du taux de mortalité à 33 %. Par contre une étude randomisée à double insu, réalisée dans les mêmes conditions, ne retrouve pas de différence avec le groupe témoin.
Dans les formes avec insuffisance respiratoire modérée (PaO2 entre 50 et 70 torr en air ambiant), deux études randomisées à double insu (60 mg de prednisolone ou équivalent per os par jour pendant 7 jours) suggèrent que les patients recevant une corticothérapie évoluent moins souvent vers une insuffisance respiratoire majeure mais elles ne permettent pas d'évaluer la réduction de la mortalité.
Compte tenu du risque infectieux potentiel, les corticoïdes ne peuvent se justifier, même au stade d'insuffisance respiratoire aiguë, qu'au cours d'une pathologie pulmonaire identifiée et sur un temps très court chez des patients dont on aurait établi les critères de gravité.
En attendant les résultats des travaux en cours, il paraît souhaitable que l'utilisation de la corticothérapie surtout dans des formes avec insuffisance respiratoire modérée, fasse l'objet d'une évaluation, éthiquement acceptable, qui soit rapidement coordonnée à l'échelon national. En cas de pneumocystose non hypoxémiante (PaO2 > 70 torr en air ambiant) l'utilisation des corticoïdes n'est pas justifiée.
4 ème QUESTION
Quelles sont les indications de la prophylaxie de la pneumocystose, quelles en sont les méthodes et comment les choisir ?
L'intérêt de la prophylaxie de la PPC tant primaire que secondaire ne se discute pas. La prophylaxie primaire vise a prévenir la manifestation infectieuse inaugurale la plus fréquente du SIDA et ses conséquences vitales et à en déjouer les incidences néfastes sur l'insertion socio-professionnelle et le vécu psychologique.
Une étude prospective portant sur plus de 1 500 patients a permis de corréler l'incidence de la PPC au nombre absolu de lymphocytes T4 et a leur pourcentage par rapport au nombre total de lymphocytes : pour les patients ayant moins de 200 lymphocytes T4/mm3 elle est de 8 % dans les 6 mois, de 18 % dans l'année et de 33 % dans les trois ans a venir. ll en découle l'indication d'une prophylaxie primaire chez les patients dont le nombre de lymphocytes T4 est égal ou inférieur a 200/mm3 ou dont le pourcentage est égal ou inférieur a 15 % des lymphocytes totaux, chiffre que nous proposons, cela en dehors de toute infection intercurrente et dans la mesure où le nombre absolu de lymphocytes T4 est inférieur a 350/mm3. Il est souhaitable de disposer de deux examens successifs a un mois d'intervalle.
De telles conclusions justifient un suivi régulier des sujets séropositifs et sont une motivation individuelle supplémentaire a se faire dépister; elles exigent une mesure fiable des lymphocytes T4 en veillant spécialement à l'effet délétère du délai compris entre le prélèvement et l'examen par suite de transfert d'un laboratoire à un autre.
La survenue d'une autre infection opportuniste doit faire débuter une prophylaxie primaire de la pneumocystose. Pour des taux de lyphocytes T4 voisins de 200/mm3 ou discordants, devant une chute rapide du nombre des lymphocytes T4, il faut prendre en compte les données cliniques : fièvre prolongée, candidose buccale résistante (et non seulement linguale), un amaigrissement de 10 %, une impression clinique d'évolutivité constatée par le même praticien par exemple pour débuter plus tôt la prophylaxie. Une prophylaxie primaire doit également être proposée au patient atteint de sarcome de Kaposi ou de lymphome soumis a une chimiothérapie antitumorale ainsi qu'à ceux devant recevoir une corticothérapie.
METHODES
La voie locale utilise les aérosols d'iséthionate de pentamidine (Pentacarinat®) réalisés avec un aérosoliseur pneumatique type Respirgard II qui donne une pénétration alvéolaire de 6,5 a 10 % de la dose en évitant au mieux les dépôts au niveau des voies aériennes supérieures. Tout nouvel appareil de nébulisation ultrasonique ou pneumatique devra être validé en clinique. Pour prétendre à une efficacité optimum, la technique doit être rigoureuse : 300 mg de pentamidine dans 6 ml d'eau distillée avec un débit minimum de 61/min en 30 minutes assuré par prise murale ou à domicile par un compresseur dont les performances ont été validées. Le malade dont l'éducation permet grace à la position assise, puis en décubitus dorsal et latéral, la bonne distribution du produit, sait interrompre le traitement sans diffusion dans l'environnement. L'aérosol de 300 mg chaque mois à une efficacité démontrée, les incidents sont rares et les bêta 2 mimétiques peuvent éviter le bronchospasme. Les contre-indications sont la tuberculose, l'asthme traité, l'allergie au produit. Le taux d'échec de cette prophylaxie n'est pas négligeable (9 a 24 %) a 10 mois, en prophylaxie secondaire. Il n'est pas évalué en prophylaxie primaire. Les avantages sont importants avec une bonne observance qui ne doit pas être compromise par des impératifs d'horaires incompatibles avec l'activité professionnelle ; les effets secondaires sont peu fréquents et il n'y a pas d'interférences médicamenteuses.
La voie orale utilise surtout le cotrimoxazole qui a prouvé son efficacité en prophylaxie primaire et secondaire à la dose de 1 600 mg de SMX et 320 mg de TMP par 24 h soit deux comprimés de cotrimoxazole dans son dosage fort. Il semble qu'une diminution de la posologie à 1 comprimé/jour soit sans conséquence sur l'efficacité et puisse réduire la toxicité. Les effets secondaires sont en effet fréquents (17 a 50 %) mais imposent rarement l'arrêt définitif du traitement. L'inconvénient majeur reste la leuconeutropénie qui peut interférer avec l'AZT et les complications hématopoïétiques liées au VIH. Mais la méthode a pour elle sa simplicité, son faible coût et son efficacité.
D'autres molécules ont été proposées. Parmi elles la dapsone (50-100 mg/j) semble efficace, serait moins toxique que la cotrimoxazole et aurait l'avantage d'être également active sur Toxoplasma gondii et Mycobacterium avium. Une étude randomisée est nécessaire.
CHOIX DU MODE DE PROPHYLAXIE
En prophylaxie secondaire, le choix est conditionné par l'état clinique ou biologique du patient pouvant entraîner une mauvaise compliance aux aérosols, une mauvaise tolérance au cotrimoxazole. L'association adiazine-pyriméthamine prescrite pour une prophylaxie secondaire de la toxoplasmose prévient probablement la PPC. Elle interdit le cotrimoxazole et rend probablement inutiles les aérosols prophylactiques.
En prophylaxie primaire, le choix dépend :
- de la préférence du patient,
- des contre-indications respectives des méthodes,
- des contingences techniques liées aux aérosols,
- des thérapeutiques associées, notamment antirétrovirales.
Il sera sans doute nécessaire de moduler le traitement en fonction de l'évolution de la maladie chez un patient donné, de changer les indications si apparaissent de nouvelles formes cliniques non prévenues par l'un des modes de prophylaxie, et de prendre en compte toute étude d'un traitement susceptible d'assurer la prophylaxie simultanée de plusieurs infections opportunistes.