URTICAIRE
ET ANGIO-OEDEME (UA)
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EPIDEMIOLOGIE

On peut faire une crise d’UA à n’importe quel âge bien que ce soit plus fréquent à partir de l’adolescence, avec une plus grande incidence chez les adultes jeunes. Il n’y a pas de prédilection de sexe; cependant, les poussées récurrentes survenant pendant plus de 12 semaines sont surtout prévalentes chez les femmes.

L’U et l’A peuvent survenir séparément ou bien en association. Des études ont montré que 50% des patients ont présenté une urticaire associée à un angio-oedème; 10% avaient un angiooedème seul, et 40% une urticaire seule.

MANIFESTATIONS CLINIQUES

La papule ou le placard urticarien représente une zone de peau boursouflée plus ou moins large, érythémateuse, surélevée, trés bien circonscrite et prurigineuse. L’oedème intéresse la partie superficielle du derme. Quand l’oedème occupe des parties plus profondes du derme ou le tissu sous-cutané, c’est alors ce qu’on appelle un angio-oedème. La topographie la plus habituelle de l’angio-oedème est la face et/ou une partie des extrémités.

La durée de chaque lésion urticarienne ne dépasse pas les 24 à 48 heures. Les poussées peuvent être itératives. Quand elles surviennent pendant plus de 6 semaines, l’urticaire est dite alors chronique.

Céphalées, voix rauque, nausées-vomissements, douleurs abdominales, diarrhées et arthralgies, quand ils existent, peuvent représenter des manifestations systémiques de l’angio-oedème, avec ou sans urticaire associé.

PATHOGENIE

Les premières explications physio-pathogéniques ont été proposées par Sir Thomas Lewis avec sa fameuse triade. Après frottement de la peau ou bien après scarification et application d’histamine, on pourrait assister à la formation d’une lésion tout à fait identique à celle de l’urticaire, reproduisant :

- 1. Une vasodilatation responsable de l’érythème clinique.

- 2. Une accentuation de la perméabilité vasculaire aboutissant à l’oedème.

- 3. Un réflexe d’axone conduisant à la dilatation artériolaire avoisinante donc à l’érythème plus étalé.

Suite à ces découvertes, Lewis proposait la présence de médiateurs chimiques responsables du trouble vasomoteur observé au cours d’une crise d’urticaire-angio-oedème. Depuis ce temps-là les études n’ont cessé de se multiplier pour expliquer les mécanismes mis en jeu.

Les principales cellules responsables de la réaction allergique sont les mastocytes et les basophiles. Elles se trouvent en grande quantité dans la muqueuse respiratoire, la muqueuse du tube digestif, la peau, et le système cardio-vasculaire. Ceci explique l’atteinte élective de ces tissus dans l’UA. Il est bon de rappeler que l’atteinte peut n’intéresser qu’un seul ou n’importe quelle combinaison de deux ou plusieurs de ces tissus.

Différents mécanismes peuvent aboutir à la dégranulation des mastocytes et des basophiles. Certains sont d’ordre immunologiques, la réaction aura lieu en la présence d’un antigène et elle peut être alors soit de type I (IgE-dépendante), de Type II (cytotoxique) ou de Type III ( à complexe immun circulant ); et d’autres sont d’ordre non-immunologiques, libérant les médiateurs soit par action directe sur les mastocytes/basophiles ou par le biais de troubles de la voie du complément ou du métabolisme de l’acide arachidonique.

D’autres médiateurs existent qu’il serait plus juste d’appeler modulateurs, car leur action consiste à amplifier ou à amenuiser la réponse inflammatoire. On peut citer en premier la Sérotonine, secrétée par les plaquettes sous l’action du PAF ( platelet activating factor ) libéré par les mastocytes, la Bradykinine qui constitue un puissant vasodilatateur, l’ECF-A ( eosinophilic chemotactic factor ) et la Kallikréine qui représentent des substances chimiotactiques des éosinophiles pour le premier et des neutrophiles, basophiles et cellules mononucléées pour le second.

Plusieurs étapes biochimiques ont lieu depuis l’exposition antigénique jusqu’à la libération des médiateurs. Des altérations aussi bien du potentiel de membrane que des concentrations des nucléotides cycliques, ou des flux ioniques, ainsi que d’autres réactions encore mal définies se produisent. Il est bien établi qu’une augmentation du cAMP intracellulaire entraînerait une diminution de la libération des médiateurs; ainsi, et de par leur action sur la synthèse du cAMP, les agents b-adrénergiques (i.e éphédrine) et les inhibiteurs de la phosphodiestérase (i.e théophylline) auront une action sur l’allergie. Les premiers activeraient l’adénylate cyclase, enzyme responsable de la synthétèse du cAMP; et les seconds inhiberaient la phosphodiestérase, l’enzyme responsable de sa dégradation. A noter qu’en plus de leur effet sur la libération des médiateurs, ces agents présentent une certaine action sur la réponse des organes cible.

CLASSIFICATION

Une classification étiologique de l’UA est proposée dans le tableau 1 dépendant des mécanismes physio-pathogéniques incriminés. Cette classification serait plus utile pour la compréhension des mécanismes mis en jeu, cependant elle le serait beaucoup moins cliniquement lorsqu’on voudrait rechercher la cause. C’est pourquoi une autre classification basée sur des considérations purement étiologiques est proposée dans le tableau 2.

ETIOLOGIES

Médicaments

Ils représentent la cause la plus commune de l’urticaire et de l’angio-oedème. Quelque soit la forme galénique du médicament, une réaction allergique peut en résulter. Cette réaction peut survenir dans un délai allant de quelques minutes à quelques jours après l’exposition, suivant le mécanisme mis en jeu.

(1) La réaction peut être de type I immédiate comme par exemple avec la pénicilline;

(2) elle peut être de type III avec formation de complexes immuns circulants, activation du complément et par la suite libération d’histamine, comme c’est le cas dans la maladie sérique;

(3) elle peut se produire par dégranulation directe des mastocytes, comme après exposition aux analgésiques opiacés;

(4) ou par activation du complément indépendemment d’un anticorps, comme à la suite d’une exposition à un produit de contraste;

(5) par trouble du métabolisme de l’acide arachidonique, comme c’est le cas après exposition à des inhibiteurs de la prostaglandine synthétase tel l’aspirine.

L’interrogatoire est essentiel et doit rechercher n’importe quelle exposition médicamenteuse. Les patients ne signalent pas généralement des médicaments tels les antalgiques, les laxatifs, les vitamines ou bien omettent de dévoiler la prise de certaines drogues; c’est dire combien il faudrait être patient à vouloir retrouver le médicament éventuellement responsable. Ce qui rend encore la tâche plus difficile, c’est quand le patient est poly-médicamenté. D’où l’importance de connaître les médicaments le plus fréquemment impliqués (tableau 3) afin de pouvoir procéder à leur élimination suivant une étude de probabilité.

Les examens diagnostiques mis à notre disposition, tel les tests épicutanés d’une part, et les tests sérologiques d’autre part comme le RAST (radioallergosorbent test) dont le but est de mesurer le taux d’IgE spécifique, ne peuvent constituer qu’un appoint au diagnostic étiologique étant donné le manque de sensibilité et de spécificité qu’ils peuvent avoir.

Produits sanguins

Ils peuvent être la cause d’une UA par le biais de plusieurs mécanismes, suivant le facteur contre lequel l’allergie est dirigée. Dans les réactions transfusionnelles habituelles où il existe une incompatibilité ABO, c’est une réaction de type II cytotoxique à médiation du complément. Les réactions de type I et III sont causées par des constituants du plasma frais, le facteur 8 et des cryoprécipités. Des réactions peuvent même être dirigées contre des contaminants ou des métabolites médicamenteux dans le sang transfusé, quand ils existent.

Aliments

L’UA peut survenir théoriquement à la suite de l’ingestion de n’importe quelle sorte d’aliment. L’intervalle de temps jusqu’à l’apparition des symptômes peut varier de quelques minutes à quelques heures. Cet intervalle peut dépendre de la dose ingérée et du degré de sensibilité d’une part, et d’autre part de la réaction allergique suivant qu’elle soit dirigée contre un produit de digestion de l’aliment en question ou bien contre la protéine alimentaire initiale.

La réaction de type I est celle qui est le plus souvent retrouvée; elle peut se déclarer aprés ingestion de cachauètes, de poissons ou d’autre type de fruits de mer, d’oeufs, de fraises, et d’aldéhydes aliphatiques ( comme l’ail ou les produits utilisés dans les fritures ). D’autres produits tels les céréales, le lait, les oeufs, les pommes de terre, la viande de boeuf et de porc, les légumes et les oranges peuvent engendrer une réaction de type I mais qui surviendrait généralement aprés plusieurs heures.

Certains aliments ont un effet de dégranulation directe des mastocytes, et l’allergie est alors dose-dépendante. Parmi ces aliments, il faudrait citer les fraises, le blanc d’oeuf, les homards et les crabes.

Dans l’impossibilité d’incriminer un aliment bien particulier au cours d’une réaction allergique, un régime hypoallergénique est alors proposé au patient, avec réintroduction, et par paliers, des aliments usuels afin de pouvoir nommer l’aliment en cause. Ce régime hypoallergénique, qui ne peut être poursuivi que pour une courte période de temps à cause de ses qualités nutritionelles déficitaires, est constitué de riz, viande d’agneau, épinards, céleri, laitue, sel, et sucre de canne.

Urticaire solaire

C’est une entité qu’on retrouve surtout durant la troisième et la quatrième décennie. Elle est caractérisée par la survenue de lésions urticariennes sur les zones exposées au soleil généralement dans les minutes suivant l’exposition, mais peuvent parfois être d’apparition plus tardives c’est à dire dans les 18 à 36 heures. On distingue 6 types d’urticaire solaire suivant la longueur d’onde mise en cause. Le type VI n’est autre que la protoporphyrie érythropoïétique qui constitue un trouble métabolique héréditaire.

Devant toute éruption provoquée par le soleil, il faudrait toujours penser éliminer une maladie phototoxique post-médicamenteuse ( phénothiazines, déméclocycline ) qui peut tout à fait ressembler à une urticaire solaire.

Urticaire au froid

L’urticaire au froid est déclanché par un changement de température plutôt que par des températures absolues. L’urticaire se trouve manifestée lors du réchauffement de la partie exposée au froid.

Elle peut être primitive, ou secondaire à d’autres maladies telle une cryoglobulinémie, une cryofibrinogénémie, une hémoglobinémie paroxystique type Donath-Landsteiner, ou avec le syndrôme des agglutinines froides. Il existe aussi une forme familiale pouvant être à manifestation immédiate ( 30 min aprés exposition ) ou bien retardée ( 9 à 18 heures ).

Infections et infestations

Nombreux sont les cas rapportés où il y a association d’UA avec tout type d’infection: virale, bactérienne, fungique ou parasitaire. Les mécanismes peuvent être de type I mais sont surtout de type III, comme par exemple l’urticaire qui surviendrait dans 25% des cas avant toute manifesatation clinique d’une hépatite virale, et dans 6% des cas au cours d’une mononucléose infectieuse.

Dans tout bilan d’urticaire on devrait rechercher un foyer infectieux mycosique ou bactérien ( abcès dentaire, sinusite, infection intra-abdominale…).

Maladies systémiques

Les collagénoses peuvent être associées à une urticaire-angiooedème. 7% des patients ayant un lupus érythémateux systémique développeraient une urticaire à un certain moment de leur maladie.

Les patients ayant un rhumatisme articulaire aigu ou une arthrite rhumatoïde juvénile, peuvent présenter des lésions urticariennes, généralement non prurigineuse. Il existe un syndrôme actuellement assez bien individualisé, où les lésions urticariennes sont associées à une vascularite leucocytoclasique cutanée avec hypocomplémentémie.

L’UA peut être associé aux carcinomes ou à des néopladies du système lympho-réticulaire. Parmi les plus fréquents: Les dysprotéinémies, la polycythemia vera, la maladie de Hodgkin, la leucémie lymphocytaire chronique, ainsi que les carcinomes des poumons, du colon et du rectum.

Il existe une entité où l’UA est associé à un lymphôme; cet état se manifeste cliniquement par un angiooedème pouvant parfois être associé à une urticaire. Il est dû à un déficit acquis de l’inhibiteur de la C1 estérase. Le diagnostic sera confirmé par la diminution aussi bien du C1 que du C4.

Parmi les troubles endocriniens signalés comme pouvant être associés à un UA, on cite la thyrotoxicose, et le cycle menstruel.

Maladies génétiques

La plus importante à connaître est l’angiooedème héréditaire. Non fréquente. Si elle doit être connue c’est parceque ses taux de morbidité-mortalité sont considérables et que son traitement reste particulier. C’est un angiooedème, qui contrairement à l’angiooedème acquis, se présente sans lésions urticariennes associées. L’oedème est non douloureux, non prurigineux. L’atteinte cutanée peut être associée dans 50% des cas à une atteinte digestive. L’atteinte laryngée est assez fréquente (70%).

Cette maladie débute dans l’enfance avec une accentuation des crises à l’âge adulte. Son hérédité étant à caractère dominant, on retrouve toujours une histoire familiale. Elle est due à un déficit congénital de l’inhibiteur de la C1 estérase. C’est donc devant un C4 très diminué et un C1 normal que la maladie est presque confirmée. Son traitement est particulier du fait de la réponse positive aux androgènes et aux agents antifibrinolytiques.

D’autres maladies héréditaires peut-être encore plus rares ne seront que citées: tel le déficit en inactivateur du C3b qui entraînerait l’activation de la voie alterne du complément. Les crises urticariennes sont associées à des infections à répétition avec un Coombs positif. Le déficit en carboxypeptidase B, enzyme responsable de l’inactivation du C3a et C5a, qui semble être héréditaire et pouvant être la cause d’une urticaire-angiooedème chronique.

EVALUATION DU PATIENT AYANT URTICAIRE-ANGIOOEDEME

Une évaluation non guidée serait d’un coût excessif au patient et ne lui emmènerait, dans la plupart des cas, que frustration. C’est pourquoi, l’interrogatoire devrait être minutieux et le plus exhaustif possible; il doit être suivi d’un examen clinique général afin d’éliminer une maladie sous-jacente éventuelle.

Les tests de laboratoire de routine, faits pour un patient présentant une UA, devront inclure une formule numération avec vitesse de sédimentation, un examen des urines, des tests hépatiques et rénaux de routine, et une radiographie pulmonaire.

Des tests plus spécifiques seront demandés suivant les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Un antigène Australia dans le cas de suspicion d’une hépatite; des anticorps anti-nucléaires, avec facteur rhumatoïde, complexes immuns circulant, CH50, C3 et C4, et les cryoglobulines seront demandés pour diagnostiquer et évaluer une collagénose. Parfois une biopsie cutanée sera demandée pour étude histologique et en immunofluorescence, pour confirmer une possible vascularite urticarienne.

Pour les urticaires induites par le froid, une recherche de cryofibrinogènes, cryoglobulines, complexes immuns, agglutinines froides et une sérologie syphilitique seront à demander. Pour les urticaires héréditaires et acquis, il faudrait demander en premier le taux du C4 et de C1, et dépendemment des résultats le taux de l’inhibiteur de la C1 estérase.

CONDUITE A TENIR

Après avoir recherché la cause de l’urticaire, le traitement consistera bien sûr en premier à éliminer le facteur responsable. Dans le cas d’une UA idiopathique, on passerait alors directement au traitement symptomatique.

Le protocole thérapeutique suivi, propose d’utiliser en premier les antihistaminiques H1 aux doses pharmacologiques recommandées suivant le groupe d’appartenance de chaque médicament. Devant l’inefficacité, on passera à la deuxième étape du protocole, consistant à associer deux anti-H1, de préférence appartenant à des classes différentes.

La troisième étape consistera à associer un anti-H1 à un inhibiteur de la phosphodiestérase ( i.e Théophylline ) ou bien à un b-adrénergique ( terbutaline ou éphedrine ). La quatrième étape associera un anti-H1 et un anti-H2.

Dans de rares cas on aboutira à la cinquième étape et prescriront des corticostéroïdes à des doses généralement variant de 0.5 à 1 mg/Kg/j.

L’adrénaline, en sous-cutané, ne sera indiquée que dans les crises aigues, où il y a laryngospasme et bronchospasme.

TABLEAU 1

 CLASSIFICATION PHYSIO-PATHOGENIQUE

DE L’URTICAIRE-ANGIOOEDEME

I Mécanismes immunologiques

A/ IgE-dépendant

    1. Atopie
    2. Sensibilité antigénique spécifique (aliments, médicaments, aéroallergènes, helminthes, etc…)
    3. Physique
      * Dermographisme
      * Vibratoire
      * Froid
      * Lumière
      * Cholinergique
    1. Contact
    2.  

B/ A médiation du Complément

    1. Angiooedème héréditaire
    2. Angiooedème acquis (prolifération maligne, autoanticorps)
    3. Vascularite nécrosante
    4. Maladie sérique
    5. Réactions aux produits plasmatiques

II Mécanismes non-immunologiques

A/ Dégranulation directe des mastocytes

    1. Opiacés
    2. Antibiotiques
    3. Curare
    4. Produits de contraste

B/ Agents qui altéreraient le métabolisme de l’acide arachidonique

    1. Aspirine, Anti-inflammatoires non stéroïdiens
    2. Colorants Azo et benzoates

III Idiopathique

 TABLEAU 2

Considérations étiologiques de l’urticaire/angiooedème

Agents chimiques
    médicaments
    produits sanguins
    aliments
Agents physiques
    froid
    chaleur
    pression
    solaire
    vibratoire
    aquagénique
Infections/Infestations Divers
    aéroallergènes/contactants
    piqûres d’insectes
Maladies systémiques
    collagénoses
    tumeurs malignes
    endocrinopathies
    mastocytose
Maladies génétiques
    angiooedème héréditaire
    déficit en carboxypeptidase
    amyloidose avec surdité et douleur d’un membre
    certaines urticaires physiques
    protoporphyrie erythropoïetique
Idiopathique
 

TABLEAU 3

Principaux médicaments mis en cause dans l’UA

Pénicillines et dérivés ( allergie croisée avec les céphalosporines )
Sulfamidés (allergie croisée avec les aminiglycosides et certains anesthésiques locaux )
Dérivés de protéines animales ( i.e insuline, ACTH, extraits thyroïdiens, parathormone, et antisérums spécifiques )
Diurétiques
Aspirine et autres anti-inflammatoires non stéroïdiens
Opiacés telle la codéine, demerol et morphine
Produits de contraste
coproweb@free.fr
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