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Place de l'antibiothérapie dans le traitement des arthrites réactionnelles.


résumé - texte intégral - tableau - bibliographie

 

Résumé :

La mise en évidence de bactéries dans les prélèvements articulaires au cours des arthrites réactionnelles pose la question de la justification d'une antibiothérapie dans le traitement de ces arthrites. Peu d'études ont jusqu'à présent été menées. Il semble néanmoins qu'une antibiothérapie suffisamment prolongée diminue l'intensité et la durée de l'arthrite réactionnelle post-vénérienne, ainsi que le nombre de récidives. Ces travaux ont porté jusqu'à présent sur l'utilisation des cyclines. D'autres études évaluent actuellement l'efficacité d'un macrolide.

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Mots clés : arthrite réactionnelle - antibiothérapie - cycline - macrolide - quinolones


Pourquoi une antibiothérapie ?

L'arthrite réactionnelle est classiquement considérée comme étant inflammatoire, déclenchée à distance par une infection bactérienne digestive ou génitale. Le terme même de "réactionnelle" suppose que le germe ne soit pas présent dans l'articulation, tout au moins sous forme viable.

Cependant, de nombreux travaux ont permis de mettre en évidence différents constituants bactériens dans les prélèvements synoviaux de patients atteints d'arthrite réactionnelle : antigènes protéiques, ADN et plus récemment ARN (1).

Deux théories s'opposent pour expliquer la pérennisation de la réaction inflammatoire articulaire :

On peut opposer à la première théorie le fait qu'il paraît difficilement admissible que des protéines ou des acides nucléiques d'origine bactérienne puissent persister de façon prolongée dans le milieu articulaire, compte tenu notamment de l'abondance de protéases et de nucléases contenues dans le liquide synovial inflammatoire. La détection d'ARN ribosomial constitue à ce titre un argument de poids, compte tenu de la brièveté de la demi-vie des ARNs.

Néanmoins, en l'absence d'isolement de micro-organismes vivants, il n'y a pas eu jusqu'à présent de preuve formelle de la viabilité des bactéries incriminées dans l'articulation.

Quoi qu'il en soit, le rôle évident d'agents bactériens dans le déclenchement, et vraisemblablement la pérennisation de l'arthrite pose la question de l'utilité d'un traitement antibiotique.

 

Les essais thérapeutiques publiés

Les premières publications mentionnant l'utilisation d'antibiotiques dans le traitement de l'arthrite reiterienne sont anciennes, certaines datant de la fin des années 40.

Il s'agit toujours d'études ouvertes. Ces travaux concluent le plus souvent à l'absence d'effet de l'antibiothérapie, mais les produits utilisés sont très divers (pénicilline, sulfonamides, streptomycineÉ), et ont généralement été prescrits sur de courtes périodes.

La première étude prospective consacrée à l'effet d'une cycline dans le traitement du syndrome de Reiter a été conduite en 64. Là encore, l'auteur conclut à l'inefficacité de l'antibiothérapie. Cependant, le protocole ne comportait que 5 jours d'antibiotiques, associés à des massages prostatiques ! Un autre essai étudiant l'effet d'une antibiothérapie courte (10 à 14 jours) sur des arthrites réactionnelles post-dysentériques montre l'inefficacité d'une antibiothérapie courte sur l'évolution de ces arthrites.

D'autres travaux concluent au contraire à l'efficacité du traitement antibiotique. Dans le travail de Bardin, seuls 10 % des patients soumis à un traitement par tetracycline ou érythromycine (10 jours au moins, et traitement des partenaires) présentent une récidive de l'arthrite, contre 37% des sujets n'ayant pas reçu d'antibiotiques, ou traités par pénicilline (2). Lauhio montre, dans un essai contrôlé, qu'une cycline prescrite pendant 3 mois diminue de façon significative l'intensité et la durée d'évolution de l'arthrite réactionnelle post-chlamydienne, mais ne modifie pas l'évolution des arthrites post-dysentériques (3). Horowitz montre que l'éradication du portage génital d'Ureaplasma urealyticum est associée à la rémission de l'arthrite réactionnelle chez 4 patients sur 6 traités par ciprofloxacine (4).

 

Il semble ainsi qu'une antibiothérapie adaptée aux organismes habituellement incriminés dans les arthrites réactionnelles puisse diminuer la durée d'évolution et la fréquence des récidives des arthrites post-vénériennes. Rien n'est démontré en ce qui concerne l'arthrite post-dysentérique.

Il faut également rappeler que l'efficacité d'une cycline n'est pas nécessairement à mettre au crédit de son activité anti-infectieuse. Les cyclines ont en effet une action anti-collagénase qui pourrait participer à la réduction des phénomènes inflammatoires articulaires.

 

Quels antibiotiques choisir ?

Compte tenu des germes habituellement incriminés, 3 familles d'antibiotiques peuvent prétendre à une efficacité dans les arthrites réactionnelles : les cyclines, les macrolides et apparentés, et les quinolones. Il paraît cependant délicat de proposer, dans une arthrite inflammatoire, un produit dont l'un des effets secondaires est d'induire des douleurs articulaires ou tendineuses, la survenue d'un tel effet pouvant prêter à confusion. Les cyclines et les macrolides paraîssent ainsi constituer le meilleur choix. Des études sont actuellement menées pour évaluer l'efficacité de macrolides dans cette indication.

 

Monothérapie ? bithérapie ?

Les rares travaux actuellement consacrés à l'efficacité de l'antibiothérapie dans les arthrites réactionnelles n'ont été consacrés qu'à l'étude de monothérapies. Aucune bithérapie n'a été rapportée dans la littérature, bien que le principe d'une double ou triple antibiothérapie soit habituellement retenu dans les situations d'infection prolongée.

 

Combien de temps ?

La durée du traitement constitue peut-être le nÏud du problème. Aucun travail ne permet de définir la durée optimale de l'antibiothérapie dans l es arthrites réactionnelles. Il semble cependant préférable de proposer un traitement long, de l'ordre de trois mois.

 

Conclusion

Ainsi, le principe d'une antibiothérapie, associée au traitement anti-inflammatoire, semble justifié par les notions physiopathologiques récentes et par les rares études cliniques publiées. Le choix de l'antibiotique est restreint à l'emploi de cyclines ou de macrolides. La durée du traitement doit être prolongée, vraisemblablement au moins 3 mois. Enfin, il paraît nécessaire de traiter conjointement le ou les partenaires en cas d'arthrite réactionnelle post-vénérienne.

 

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Sensibilité aux macrolides et aux cyclines des germes habituellement incriminés

dans les arthrites réactionnelles

sensible

modérément sensible

inconstam- ment sensible

DCI

présentation

posologie adulte

Macrolides

Chlamydia

Gonocoques

a

Erythromycine

cp 500 mg

2 g / j

Mycoplasmes

U. urealyticum

a

Roxithromycine

cp 150 mg

300 mg / j

Borrelia burgdorferi

a

a

Josamycine

cp 500 mg

1-2 g / j

C.jejuni

a

a

Clarithromycine

cp 250 mg

500 mg / j

Propionibac- terium acnes

a

a

Dirithromycine

cp 250 mg

500 mg / j

a

a

a

Azithromycine

cp 250 mg

1 g / sem

Cyclines

Yersinia

a

Gonocoques

Doxycycline

cp 100 mg

100-200 mg / j

Chlamydia

a

a

Minocycline

gel 100 mg

200 mg / j

mycoplasmes

a

a

a

a

a

U. urealyticum

a

a

a

a

a

Borrelia burgdorferi

a

a

a

a

a

Propionibact- erium acnes

a

a

a

a

a

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Bibliographie

1. Hughes RA, Keat AC. Reiter's syndrome and reactive arthritis : a current view. Sem Arthitis Rheum 1994; 24: 190-210

2. Bardin T, Enel C, Cornelis F, Salski C, Jorgensen C, Ward R, Lathrop M. Antibiotic treatment of venereal disease and Reiter's syndrome in a Greenland population. Arthritis Rheum 1992; 35: 190-4

3. Lauhio A, Leirisalo-Repo M, Lahdevirta J, Saikku P, Repo H. Double-blind, placebo-controlled study of three month treatment with lymecycline in reactive arthritis, with special reference to chlamydia arthritis. Arthritis Rheum 1991; 34: 6-14

4. Horowitz S., Horowitz J., Taylor-Robinson D., Sukenik S., Apte R.N., Bar-David J., Thomas B., Gilroy C. &emdash; Ureaplasma urealyticum in Reiter's syndrome. J. Rheumatol., 1994, 21, 877-82

 

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