SITUATION DES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES EN VILLE ET NOUVELLES APPROCHES DIAGNOSTIQUES

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RESUME

Malgré la décroissance progressive des MST depuis les années 90, celles ci demeurent un sujet d'actualité, en particulier au sein de la population jeune. Les techniques de diagnostic sont elles aussi sans cesse en évolution dans nos laboratoires. La biologie moléculaire, dont l'application la plus utilisée est la PCR permet à ce jour de détecter avec une extrème sensibilité de nombreux agents pathogènes. Ces techniques permettent par ailleurs, de résoudre quelques problèmes dans notre pratique quotidienne. Que ce soit dans le domaine des Chlamydiae, de l'Herpes, de l'HPV, ou d'autres agents, la biologie moléculaire a trouvé aujourd'hui une place de choix dans le diagnostic des MST, place originale et pertinente pour chacune de ses applications en pratique de ville.


I) SITUATION DES MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES EN PRATIQUE DE VILLE

Depuis 1987, on observe une diminution spectaculaire des MST, tout particulièrement Syphilis et Gonococcie. Cette diminution est liée à différents facteurs dont l'évolution des comportements sexuels, la prévention, l'utilisation du préservatif, un meilleur suivi et des traitements bien standardisés. Le paysage européen est légèrement différent du paysage américain où toutes les MST prédominent dans certaines minorités ou cités à bas niveau socioéconomique.

En France, la syphilis est devenue rare en ville et la majorité des cas sont des cas importés.

La chute de la prévalence du gonocoque au sein des différentes populations étudiées est spectaculaire depuis 1986. En effet le pourcentage d'isolement du gonocoque au laboratoire est passé de 8% en 1986 à 1.9% en 1994 pour les hommes et de 0.48% en 1986 à 0.03% en 1994 pour les femmes (source = réseau RENAGO). La tranche d'age la plus touchée est la tranche 20-29 ans. Le nombre de cas importés de l'étranger semble en progression depuis les années 90.

La fréquence d'isolement de l'Herpes dans la population qui consulte reste stable depuis une dizaine d'années.

L'une des principales MST rencontrée est à ce jour l'infection à Chlamydiae.On note depuis les années 90 une légère diminution des isolements de Chlamydiae de 4.2% en 1991 à 3.4% en 1994. Cette tendance a l'air de se confirmer , surtout en pratique de ville où le taux d'isolement ne semble pas dépasser 2% en 1995. La tranche d'age15-25 ans est la plus touchée; cette infection est particulièrement fréquente chez les adolescentes; l'isolement des Chlamydiae est corrélée au nombre de partenaires, à la précocité des premières relations sexuelles et à la présence de l'ectropion cervical physiologique chez la jeune fille et qui semble être un facteur de permissivité de certains agents infectieux. C'est donc à cette tranche d'age qu'il faut porter une attention particulière et chez laquelle une recherche directe sera à privilégier tant la sérologie est peu informative d'une infection aigue.

Si la préoccupation qui prévaut dans le dépistage d'une infection à HPV n'est pas de l'ordre des MST, il est primordial de ne pas oublier que l'HPV est un agent de MST et que sa dissémination dans la population est préjudiciable surtout pour les sujets à risques.


2) NOUVELLES APPROCHES DIAGNOSTIQUES EN PRATIQUE DE VILLE

Les techniques de diagnostic sont en pleine évolution depuis l'arrivée de la biologie moléculaire dans nos laboratoires. La détection d'un agent infectieux directement dans le prélèvement par la recherche de son gène a été rapidement appliquée dans le domaine des MST. Les contraintes des méthodes classiques nous ont conduit tout naturellement à choisir ces méthodes dans le cadre de notre pratique quotidienne. Notre objectif est de mettre à disposition des praticiens des tests fiables, sensibles, faciles à mettre en oeuvre tant en cabinet médical qu'en laboratoire et de cout modéré. Nous avons donc choisi de développer des paramètres dont certains sont applicables entre autres au diagnostic des MST; Chlamydiae, Herpes, HPV, CMV... Si ces techniques ne sont pas encore à ce jour universellement répandues dans nos laboratoires, elles devraient être, dans les années à venir grâce à l'automatisation et la standardisation, des techniques de routine; la recherche de Chlamydiae en est un exemple en 1996.

C. TRACHOMATIS

Pour le diagnostic d'une infection à C.trachomatis, la recherche directe endocervicale par culture cellulaire est la technique de référence; sensible et très spécifique, elle était avant le developpement de la PCR la meilleure technique. En pratique de ville, c'est une méthode relativement lourde, necessitant un prélèvement riche en cellules donc en bactéries, pauvre en mucus et donc de bonne qualité pour éviter les problèmes de cytotoxicité à l'égard du tapis cellulaire utilisé pour la technique. Ces problèmes de cytotoxicité ont d'ailleurs empêché son utilisation pour certains types de prélèvements (sperme, liquides péritonéaux,...).Par ailleurs le prélèvement doit être amené dans les meilleurs délais au laboratoire, dans un milieu de transport spécifique et transporté à 4°C pour maintenir les bactéries vivantes jusqu'à la réalisation de la culture. Toutes les études, sans même prendre en compte ces problèmes de variabilité dans la qualité du prélèvement liés, montre une sensibilité supérieure de la PCR par rapport à la culture.

L'immunofluorescence directe est une méthode très sensible, lorsqu'elle est pratiquée dans les règles de l'art et avec de bons réactifs; elle necessite un personnel expérimenté car cette technique expose à de nombreux faux positifs, liés entre autres à la qualité du prélèvement qui doit être lui aussi riche en cellules et pauvre en mucus.

Les techniques immunoenzymatiques (ELISA) qui détecte l'antigène chlamydiae, ont permis de résoudre le problème de la viabilité de la bactérie, mais ces techniques ont une sensibilité très variable selon les réactifs utilisés et dans tous les cas toujours moins bonne que les techniques précédantes.

Quelle que soit la technique utilisée, le prélèvement est très important: il associe chez la femme, pour une sensibilité optimale, un prélèvement des cellules endocervicales et un prélèvement uréthral; tous deux sont traités simultanément dans la même réaction (la présence de mucus ou de sang perturbent plus ou moins les dosages). La recherche dans l'urine seule chez la femme ne semble pas encore suffisamment performante contrairement à ce qui est préconisé chez l'homme.

La sérologie Chlamydiae, associe à ce jour un dosage des IgG et des IgA ou IgM. Il est important de noter que malgré une sérologie est spécifique de C.trachomatis, on observe des réactions croisées avec C.pneumoniae, agent respiratoire, ceci pouvant conduire à une interprétation erronée; certains laboratoires font en parallèle une sérologie C.pneumoniae et signale s'il existe une réaction croisée; il faut donc être attentif à ce point.

Outre ce problème de réaction croisée, l'interprétation est parfois délicate. Seule une séroconversion ou un taux très élevé d'anticorps (>1/128) peut être en faveur d'une infection active à C.trachomatis et doit inciter à une recherche directe par PCR. Les taux les plus difficiles à interpréter sont ceux à <=1/128 avec présence d'IgA qui persistent lors d'un second prélèvement à 15 j d'intervalle. Seule un surveillance voir une exploration approfondie en présence d'un contexte clinique évocateur permettra de poser avec certitude le diagnostic d'infection active aigue ou chronique.

Les applications de ces méthodes pour le diagnostic des infections à C.trachomatis, doivent donc tenir compte du contexte clinique, de l'age et du profil du patient:

- Chez l'adolescente et la jeune femme (15-25ans), le dépistage d'une infection à Chlamydiae est primordial pour la prévention des MST. Que cette infection soit symptomatique ou asymptomatique , la recherche directe de Chlamydiae au niveau endocervical par PCR permettra de détecter de très faibles taux de bactéries et ce jusqu'à deux semaines en moyenne après la prise éventuelle d'un traitement. La sérologie dans cette classe d'age n'est pas un bon test de dépistage d'infection aigue et doit être réservée aux patientes symptomatiques en faveur d'une infection haute.

- Chez les femmes de plus de 35 ans, un dépistage endocervical à la recherche d'une infection à C.trachomatis est indiquée, outre le contexte d'environnement de la patiente, en présence de signes cliniques ou cytologiques de cervicite (inflammation, fragilité du col....). La sérologie trouve sa place dans l'exploration d'un contexte d'infertilité ou en première intention lors d'une suspicion d'infection haute. Dans ce cas la recherche de Chlamydiae par PCR au niveau du col sera peu informative car souvent négative; seuls les prélèvements obtenus par voie haute contribueront au diagnostic.

- La recherche de Chlamydiae par PCR est particulièrement interessante pour le diagnostic des uréthrites chez l'homme. Ce diagnostic peut être fait à partir du premier jet d'urine et les résultats sont aussi bons voir meilleurs qu'à partir d'un prélèvement uréthral. Les études entre sperme et urines ont également montré de meilleurs résultats à partir du premier jet d'urines.On peut noter par ailleurs que la présence de Chlamydiae dans les urines est très souvent associée à la présence de leucocytes urinaires. Il s'agit donc d'un test fiable, simple à réaliser et non douloureux pour le patient,

Dans toutes les situations, n'oubliez jamais le partenaire !

HERPES VIRUS

Le diagnostic d'infection herpétique est bien souvent clinique et la recherche virale ne vient que conforter ce diagnostic. Les techniques actuellement disponibles sont les mêmes que pour C.trachomatis: culture cellulaire, immunofluorescence directe, technique immunoenzymatiques, PCR, sérologie, mais l'utilisation de ces outils est légèrement différente. En effet:

La sérologie Herpes n'a aucun intérêt pour le diagnostic d'un herpes génital et n'a pas sa place dans le suivi des MST.

La recherche directe, à partir d'un prélèvement endocervical ou d'une lésion vulvaire, peut se faire soit par immunofluorescence directe à partir d'un frottis, soit par culture cellulaire si le prélèvement est déchargé dans un milieu de transport et amené au laboratoire à 4°C; le virus Herpes souvent présent en grande quantité, se maintient quelques heures à 4°C. La culture cellulaire qui est la technique de référence et dont le délai de réponse est de 48 heures a une sensibilité supérieure à l'immunofluorescence.

Culture et PCR ont une sensibilité équivalente en matière de diagnostic d'herpes génital dans notre pratique de ville; c'est la raison pour laquelle la culture est choisie comme technique de routine et la PCR dont les véritables applications sont neurologiques , sera réservée lorsque le prélèvement est inadéquate à la culture ( écouvillon sec, mauvais milieu de transport, prélèvement confié à la patiente, délai d'acheminement trop long...).


CONCLUSION


Une nouvelle approche du diagnostic des MST doit prendre en compte d'une part le facteur épidémiologique et la répartition dans les différentes populations , d'autre part l'aspect pratique qui aboutit à un diagnostic fiable et qui s'affranchit des contraintes liées aux techniques traditionnelles. Enfin cette approche doit prendre en compte la maîtrise des couts de santé. La biologie moléculaire apporte une technologie de haut niveau, très utile en pratique de ville. L' axe de développement, choisi par notre laboratoire est une PCR multiplex associant la recherche conjointe à partir d'un seul prélèvement de Chlamydiae, HPV, Herpes, voir gonocoque ou CMV..Il faut encore en poser les indications précises en fonction de facteurs notamment épidémiologiques. Ce test unique, qui permet de répondre à tous les impératifs modernes, permettrait un dépistage et une surveillance des principales MST, prévenant ainsi la dissémination de ces agents dont certains ont un pronostic redoutable pour une partie de la population.

 
 
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