Les Hyperthyroidies

 

Introduction

Affection fréquente, l’hyperthyroidie est la conséquence d’un hyperfonctionnement autonome de tout ou partie du parenchyme thyroïdien.

 

La maladie de Basedow

1. Définition

Hyperfonctionnement thyroïdien diffus de nature autoimmunitaire.

2. Physiopathogénie

* stimulation excessive de la thyroïde indépendante de l’antéhypophyse de nature autoimmune

* production d'autoanticorps anti-récepteurs membranaires (dont le récepteur de TSH)

* terrain génétique prédisposant (groupes HLA B8-DR3)

* importance de l'environnement

* association à d'autres maladies autoimmunes endocriniennes (diabète insulino-dépendant)

- les conséquences de cette stimulation sont :

* au niveau anatomique: hyperplasie parenchymateuse avec infiltration lymphocytaire

* au niveau fonctionnel, avec effets périphériques de l'hyperthyroidie

- les anomalies extra-thyroïdiennes (exophtalmie - myxoedème prétibial) ne sont pas clairement expliquées mais semblent être d'origine autoimmune

3. Etiologie

* étiologie générale :

- concerne 6 femmes pour 1 homme

- survient à tout âge, avec un pic de fréquence autour de 2O et de 5O ans

- fréquence des antécédents familiaux de thyréopathie

* facteurs déclenchants parfois retrouvés :

- contrainte psychologique plutôt que choc émotif

- surmenage

- puberté, grossesse, ménopause

* formes étiologiques particulières :

- iode-Basedow:

maladie de Basedow avec surcharge iodée à différencier d'une thyréotoxicose induite par l’iode

- association exceptionnelle à un cancer thyroidien

- maladie de Basedow sur moignon de thyroidectomie avec forme pseudo-nodulaire

4. Signes cliniques

* début :

- manifestations non spécifiques: état pseudo-grippal, oedèmes des membres inférieurs, troubles digestifs.

- habituellement progressif en quelques semaines

* quatre groupes de signes cardinaux :

- l'amaigrissement:

rapide
important
paradoxal avec appétit conservé, voire une véritable boulimie.
prédominant sur les muscles proximaux avec fonte musculaire quadricipitale détectée par le signe du Tabouret (un sujet assis ne peut se relever)
au maximum, forme pseudo-myasthénique

- la tachycardie:

constante (100-130 battements/mn)

de repos et aggravée par l’effort avec rythme sinusal parfois associée à une dyspnée d’effort

L'éréthisme cardio-vasculaire se manifeste par:

- des palpitations

- un pouls ample bien frappé

- des bruits éclatants

- des souffles artériels diffus

- le goitre:

d'aspect vasculaire:

à la palpation (frémissement)
à l'auscultation (souffle systolo-diastolique)

- les signes oculaires:

précèdent parfois l'hyperthyroidie

uni ou bilatéraux

avec éclat du regard

sont présents dans 60% des cas

Ils sont classés sous deux rubriques:

* signes palpébro-rétractiles :

- rétraction palpébro-supérieure (DALRYMPLE) et apparition du limbe sus-cornéen.

- asynergie oculo-palpébrale dans le regard vers le bas (de GRAEFE) avec augmentation du limbe sus-cornéen

- approfondissement du pli marquant l’insertion du muscle releveur les yeux fermés (GIFFORD)

- rareté du clignement

* l'exophtalmie simple :

- est présente dans 85% des cas sans être spécifique de la maladie (présence dans 10% des cas de thyroidite d'Hashimoto)

- due à un oedème des muscles rétro-orbitaires qui poussent en avant le globe oculaire, faisant apparaitre le limbe sus et sous-cornéen

- plus ou moins associée à un oedème palpébral

A l'examen on retrouve:

- une éversion de la paupière inférieure (POCHIN)

- parfois un défaut de convergence (MOEBIUS)

- une protrusion du globe oculaire qui est mesurable à l’exophtalmomètre ou lors d'un scanner orbitaire notamment en cas d'oedème palpébral important.

Dans une forme évoluée, l'exophtalmie s'accompagne d'une inocclusion des paupières, source d'ulcérations cornéennes.

* autres symptômes

- troubles du comportement (irritabilité - instabilité).

- tremblement et maladresse du geste

- oligohypoménorrhée voire aménorrhée chez la femme, asthénie sexuelle et/ou impuissance chez l'homme.

- polyexonération

- thermophobie, soif, moiteur cutanée (par augmentation de la température cutanée)

- troubles des phanères. Le myxoedème prétibial est caractéristique. Il correspond à une infiltration oedémateuse et inflammatoire de la jambe au niveau de la crête tibiale.

- gynécomastie

- ostéoporose notamment après la ménopause

- acropachie

Le diagnostic clinique est plus difficile dans les aspects atypiques de la maladie:

- formes de début

- formes tronquées :

- sans goitre

- sans amaigrissement, voire chez la jeune fille avec prise pondérale paradoxale (20%)

- forme émetisante

- forme cachectique du vieillard

- formes psychiatriques

5. Diagnostic biologique

Il s'attache à mettre en évidence:

-l'hyperhormonémie

- à un moindre degré des stigmates d'autoimmunité thyroidienne

L'hyperhormonémie:

* La diminution de la TSH plasmatique est constante

- son absence élimine l’hyperthyroidie

- sa présence ne suffit pas à en affirmer la réalité

* le dosage de T4 libre permet à lui seul le diagnostic dans 95 % des cas

* dans les cas difficiles (hyperthyroidie discrète, exophtalmie isolée, hyperthyroidie avec sécrétion prédominante de T3), on aura recours au test TRH qui sera de non réponse

* les autres données biologiques n’ont qu’une valeur d'orientation.

- élévation de la SBP (sex Binding Protein)

- leuconeutropénie

- élévation de diverses enzymes (gamma GT, phosphatases alcalines)

- hypercalcémie

L'autoimmunité thyroidienne : présence d'autoanticorps anti-thyroidiens rarement nécessaires pour le diagnostic

- Anti-TG et anti-TPO sont de positivité inconstante et à taux faibles

- Anti-récepteurs de la TSH souvent positifs (60-80% des cas)

6. Les examens isotopiques

- La cartographie

- n'est pas indispensable pour le diagnostic

- donne une image homogène du corps thyroide

- peut donner un document de référence avant mise sous anti-thyroidiens de synthèse, médicaments qui sont goitrigènes

- La courbe de fixation de l'iode 131 n'est réalisée que pour calculer une dose d'iode radioactif

- fixation précoce, plus élevée

- avec parfois un angle de fuite (décroissance brutale de la fixation).

7. Evolution et complications

Evolution par poussées successives avec parfois rémissions spontanées, notamment lors du 3° trimestre de la grossesse

Le plus souvent, l'évolution non traitée se fait vers les complications

* cardiaques (cardiothyréose) en principe sur coeur lésé, caractérisées par:

- Des troubles du rythme:

- la fibrillation auriculaire (tachyarythmie paroxystique ou permanente)

- le flutter

- Une insuffisance cardiaque:

- cardiomégalie

- asystolie avec temps de circulation court

- résistance aux digitaliques, sensibilité aux béta-bloquants

* oculaires : exophtalmie maligne

- signes fonctionnels:

- signes physiques:

- complications:

Le scanner avec des coupes horizontales ou coronales ainsi que l'échographie orbitaire permettent de mettre en évidence l'hypertrophie des muscles orbitaires.

* rhumatologique

- periarthrite scapulo-humérale

- ostéoporose notamment chez la femme ménopausée

* Chez la femme enceinte

On distingue:

- le retentissement de la grossesse sur l'hyperthyroidie

- le retentissement sur le nouveau-né avec risque:

8. Principes thérapeutiques

- les moyens :

* traitement symptômatique : repos, sédatifs, béta-bloquants (ralentissent le coeur et diminuent les signes neuro-végétatifs).

* traitement " curatif " : Il ne s'agit pas d'un traitement étiologique. Le but du traitement est de détruire ou bloquer la cible (la thyroide) de la réaction autoimmune.

- Les antithyroïdiens de synthèse:

- bloquent l’hormonogénèse thyroidienne

- peuvent agir en périphérie, en bloquant la conversion de T4 en T3

- ont une action immuno-suppressive à fortes doses

Produits:

NEOMERCAZOLE (5 ou 20mg)

PROPYLTHIOURACILE (PTU) (disponible dans les pharmacies centrales des hopitaux)

BASDENE agissant en outre sur la conversion périphérique de T4 en T3

Effets secondaires:

- hypothyroidie iatrogène réversible

- goitrigénèse

- intolérance digestive, cutanée

- agranulocytose exceptionnelle mais grave habituellement vers la fin du premier mois de traitement

utilité d’un contrôle hématologique régulier, ainsi qu'en cas d'angine ou de fièvre

- rechute de l’hyperthyroidie à l’arrêt de la cure. On peut estimer le risque de rechutes par le dosage des Immunoglobulines thyréostimulantes.

Conduite du traitement:

* phase d'attaque avec 40mg de Neomercazole. L'euthyroidie est habituellement atteinte à la 4° semaine.

* phase d'entretien.

- soit diminution des doses jusqu'à la dose minimale de Neomercazole pour obtenir l'euthyroidie et traiter pendant 12 mois.

- soit poursuite de fortes doses de Néomercazole en introduisant vers 4-6 semaines des hormones thyroidiennes (LEVOTHYROX 50 à 100µg/j) pour compenser l'hypothyroidie sur une plus longue durée (18 mois).

- La chirurgie:

après retour en euthyroidie et diminution du caractère vasculaire du goitre avec du lugol

chirurgie réductrice, avec lobectomie totale d’un côté, subtotale de l’autre

inconvénients fonctionnels:

inconvénients anatomiques:

- L'iode radio-actif (iode 131)

- rayonnement béta entrainé par l'iode 131 (8 OOO rads délivrés à la glande)

- dose fixée en fonction du volume du goitre, de la courbe de fixation de l'iode

- effet débutant après un mois, maximal après 3 mois

- contre-indications chez la femme enceinte (dosage des ß-HCG en cas de doute)

- impossibilité en cas de surcharge iodée exogène

Les complications comportent:

- le risque d'hypothyroidie: 4O % des sujets traités après 10 ans de suivi

- la persistance ou la rechute de l'hyperthyroidie nécessitant une deuxième dose

- les indications

schématiquement:

* sujet goitreux : chirurgie

* sujet sans goitre :

âgé = iode radio-actif

jeune = antithyroidiens

* sujet avec signes oculaires. L'iode radioactif risque d'aggraver l'exophtalmie

* formes légères ou au début: anti-thyroidiens

* chez la femme enceinte: anti-thyroidiens

 

L'adénome toxique

1. Définition

- thyréotoxicose pure (sans signes oculaires associés)

- liée à un nodule thyroidien en hyperfonctionnement autonome

- avec extinction du parenchyme adjacent

2. Etiologie

- 20 % des hyperthyroïdies

- affectant la femme (8O % des cas) surtout après 5O ans.

- parfois développé sur un nodule ancien, non hypersécrétant

3. Etude clinique

- nodule cervical en règle palpable, exceptionnellement multiple

- l’hyperthyroidie

- est souvent dissociée avec amaigrissement isolé, cardiothyréose, troubles psychologiques

- toujours isolée, sans exophtalmie ni myxoedème prétibial

4. Diagnostic

- la cardiographie est essentielle:

* indiquant le caractère fixant et extinctif du nodule

* avec parfois quelques atypies:

- l’hormonémie est élevée, avec parfois une dissociation au profit de la seule T3

- le diagnostic élimine :

* un nodule extinctif sans hyperthyroidie

* une maladie de Basedow sur lobe unique.

L’échographie cervicale ou la cartographie après injections de TSH (test de Quérido) permettent de visualiser le lobe contro-latéral non visualisé sur la cartographie initiale.

5. Principes thérapeutiques

- Il s'agit plus volontiers d'une chirurgie de type lobectomie unilatérale qui entraîne la guérison définitive.

- l’iode radio-actif n'est réservée qu'aux contre-indications et aux refus de la chirurgie.

 

Les goitres secondairement toxiques

Le goitre diffus précède l’apparition de l’hyperthyroidie. Cette forme d'hyperthyroidie concerne surtout le sujet agé et la femme.

Il peut s’agit :

- d’un goitre basedowifié

- d’un goitre multihétéronodulaire toxique (associant un ou des adénomes toxiques, et un ou des nodules froids).

La distinction n'est pas toujours possible en raison de l’hétérogénéité anatomique et fonctionnelle de tout goitre ancien.

Le traitement est de préférence chirurgical, après correction préalable de la thyréotoxicose en cas de goitre basedowifié ou de nosologie imprécise.

 

Les autres etiologies d'hyperthyroidies

- Thyréotoxicose factice

- induite par la consommation (souvent clandestine) d’hormones thyroïdiennes, notamment pour régime

- la cartographie montre une hypofixation

- en cas de prise de T3, la T3 sérique sera élevée et la T4 sera basse

- la thyroglobuline est nulle

- Saturations iodées.

- traitements médicamenteux (cordarone), produits de contraste

- l'iode total est augmenté ainsi que l'iodurie des 24heures

- il faut parfois plus d'un an pour éliminer l'iode

- le traitement peut consister en des antithyroidiens de synthèse à fortes doses

(notamment le PTU), les corticoides, voire la thyroidectomie

- Thyroidite silencieuse , thyroidites après traitements par cytokines (cf chapitre thyroïdites)

- Causes rares:

- Sécrétion inappropriée de TSH avec ou sans adénome hypophysaire thyréotrope

- métastase fonctionnelle d’un cancer thyroïdien différencié.

- mole hydatiforme

- mutations activatrices du récepteur de TSH