Les complications dégénératives diabétiques

Les complications chroniques engagent souvent le pronostic vital du diabétique et mettent en cause des organes importants.

Il est important de comprendre les deux axes cliniques actuels:

 

I. Physiopathologie

a) La microangiopathie. Plusieurs mécanismes ont été invoqués:

- La glycosylation non enzymatique des protéines

La formation irréversible de bases de Schiff glucose-protéines irréversibles favorisée par une diminution de la dégradation des produits glycosylés par les macrophages, permet d'expliquer l'épaississement des membranes basales

- Voie des polyols et métabolisme du myo-inositol

Au cours de l'hyperglycémie et de l'insulinopénie apparaissent :

une accumulation de sorbitol et de fructose (voie des polyols) responsable d'une augmentation de la pression osmotique intracellulaire et d'une accumulation de radicaux libres toxiques pour les cellules

une diminution du contenu en myo-inositol au niveau de la rétine, des nerfs, des glomérules rénaux

- l'auto-oxydation du glucose à l'origine de radicaux hydroxyls toxiques

b) Macroangiopathie et athérosclérose

Le diabète est un important facteur favorisant des lésions d'athérosclérose avec:

- une action délétère de l'hyperglycémie sur les cellules endothéliales

- un rôle favorisant sur l'aggrégation plaquettaire et la diminution de la synthèse endothéliale de prostacyclines

- une augmentation du LDL-cholestérol et des triglycérides (élévation des VLDL et diminution de l'activité lipoprotéine-lipase).

Le diabète est un des facteurs de risque vasculaire. Une prise en charge globale du risque vasculaire est nécessaire avec la réduction des autres facteurs de risque.

2. Etude Clinique

Les complications surviennent aprés plusieurs années d'évolution (en moyenne 10 ans), de façon plus fréquente chez les patients déséquilibrés mais avec une importante susceptibilité individuelle.

Les complications de type microangiopathiques (rein, rétine, nerfs) sont classiquement plus fréquentes chez le diabétique insulinodépendant. Ces complications sont recherchées lors du bilan annuel.

2.1 La glomérulopathie diabétique

Le diabète est la première cause d'insuffisance rénale chronique. La glomérulopathie se développe avec plusieurs stades évolutifs de gravité croissante. Tous les diabétiques ne développent pas de néphropathie clinique.

La prévalence de cette complication est en baisse probablement du fait:

- de la correction de l'hyperglycémie

- du traitement de l'hypertension artérielle

- de l'éradication des infections urinaires par des antibiotiques

- de l'abstention ou de la surveillance des taux plasmatiques des drogues potentiellement néphrotoxiques.

- On distingue 5 stades d'évolution:

1° stade : hyperfiltration et néphromégalie dès la découverte du diabète

2° stade : latent mais constitution de lésions caractéristiques

- épaississement diffus des membranes basales des capillaires

- glomérulaires et formations nodulaires mésangiales (glomérulosclérose de Kimmelstiel-Wilson).

3° stade: apparition de la microalbuminurie (30-300mg/24h) et diminution de la filtration glomérulaire

Ce stade est celui où doivent se concentrer les efforts thérapeutiques, afin de prévenir l'aggravation des lésions.

4° stade: développement d'une protéinurie (>0.3g/24h)

5° stade: insuffisance rénale terminale avec anurie nécessitant l'épuration extra-rénale ou une transplantation.

Le plus souvent, il est facile de rattacher les anomalies rénales au diabète

- devant la présence d'autres complications de microangiopathie comme les lésions rétiniennes

- la négativité du bilan immunologique

Parfois, il est nécessaire de pratiquer une biopsie rénale à des fins diagnostiques afin d’éliminer une pathologie de rencontre.

- Le bilan général s'attachera à évaluer les facteurs pouvant aggraver la fonction rénale. En effet,

l'HTA est une complication fréquente.

- recherche d'une cause curable (sténose de l'artère rénale, hypertensions d'origine endocrinienne)

- dépistage et traitement précoces

- tenir compte de la fonction rénale, de l’existence d’un syndrome hyporénine-hypoaldostérone fréquent chez le diabétique (hyperkaliémie) de l'état cardiaque et de l'existence éventuelle d'une hypotension orthostatique

les infections urinaires

- le plus souvent latentes

- favorisées par l'âge, la durée de diabète, l'hyperglycémie

- sont à rechercher systématiquement

- peuvent être à l'origine d'un déséquilibre glycémique

- évoluent parfois dans le cadre d'une vessie atone avec résidu vésical post-mictionnel.

- peuvent se compliquer sous forme:

Les infections récidivantes incitent à dépister une neuropathie vésicale, un rétrécissement uréthral par sclérose du col (surtout chez la femme), une uropathie (malformations, lithiase) associée.

- Dans tous les cas:

* il est important de ralentir l'évolution des lésions rénales avec:

- un contrôle glycémique strict (HbA1C à 7%)

- une surveillance régulière de la protéinurie et de la fonction rénale

- un contrôle de la pression artérielle et de la CBU

* Il faut limiter les facteurs d'aggravation:

- infections urinaires à répétition

- emploi d'antibiotiques potentiellement néphrotoxiques pouvant favoriser

l'apparition d'une néphropathie interstitielle

- utilisation de produits de contraste en l'absence de réhydratation chez un diabétique avec protéinurie à l'origine parfois d'insuffisance rénale aiguë

* Il faut prévenir l'ostéodystrophie rénale par la normalisation de la calcémie et l'utilisation d'analogues de la vitamine D.

2.2 complications oculaires

L'examen oculaire du diabétique doit comporter:

une mesure de l'acuité visuelle avec si possible évaluation de la vision des couleurs

l'examen du segment antérieur et la recherche d'une cataracte débutante

un examen du fond d'oeil à l'ophtalmoscope y compris les régions rétiniennes de la périphérie

la prise de la pression oculaire à la recherche d'un glaucome

un examen de la motricité oculaire

des angiographies fluorescéiniques doivent être pratiquées régulièrement aprés 5 ans d'évolution.

A coté des atteintes rétiniennes les plus fréquentes, on distingue les anomalies des autres constituants de l'oeil.

a) La rétinopathie diabétique est une atteinte spécifique du diabète, avec plusieurs facteurs de risque:

- l'ancienneté du diabète (faible avant 5 ans d'évolution, la prévalence de la rétinopathie est de 60 à 80% aprés 10 années)

- la qualité du contrôle glycémique

- la grossesse

- l'hypertension artérielle

On rencontre plusieurs formes anatomo-cliniques d'atteinte rétinienne :

- la rétinopathie non proliférante

On peut retrouver en périphérie ou dans la région maculaire :

- des micro-anévrysmes et/ou des hémorragies et des exsudats lipidiques

- des dilatations capillaires

- des troubles de la perméabilité (diffusion)

- des micro-exclusions

Certains patients présentent des signes plus sévères avec :

- des veines de calibre irrégulier

- des taches cotonneuses

- des groupements d'anomalies microvasculaires intra-rétiniennes (dilatations, micro-exclusions, micro-hémorragies, micro-anévrysmes) caractérisant la rétinopathie diabétique préproliférante, justifiant d'un traitement préventif par laser pour éviter l'apparition des néovaisseaux.

L'anomalie la plus importante à ce stade reste l'oedème rétinien maculaire

- diagnostiqué le plus souvent grâce à l'angiographie.

- d'apparition lente et fréquente

- cause majeure de la perte d'acuité visuelle chez le diabétique.

- localisé au niveau des microanévrysmes ou des anomalies microvasculaires

-diffus non cystoïde habituellement réversible aprés un excellent contrôle métabolique et le traitement d'une HTA associée

- diffus cystoïde ou pseudo-kystique pouvant engager le pronostic visuel

- La rétinopathie proliférante

- complication tardive devant être prévenue

- se caractérise par des pelotons d'anses vasculaires source d'hémorragies du vitré

- nécessite une photocoagulation par laser de l'ensemble de la rétine à l'exclusion de la région maculaire (photocoagulation panrétinienne).

b) les autres complications oculaires peuvent comprendre :

une cataracte sous-capsulaire pouvant faire sous-estimer les lésions rétiniennes

un glaucome

des paralysies oculo-motrices

une myopie aiguë par troubles de la réfraction liée à une normalisation glycémique brutale au début de l'insulinothérapie

des complications infectieuses: conjonctivites, blépharites.

2.3 La neuropathie diabétique

a) La neuropathie périphérique

- Les polynévrites

- forme la plus fréquente

- atteinte bilatérale et symétrique des membres inférieurs

- à début distal évoluant de façon ascendante

- touchant secondairement les membres supérieurs

- généralement à prédominance sensitive

atteinte précoce de la sensibilité profonde et vibratoire

plus tardivement thermoalgésique ou épicritique

reflexes ostéotendineux abolis dans les territoires atteints

- L'electromyogramme avec mesure des vitesses de conduction a peu d'intérêt au début, mais peut permettre de suivre l'évolution.

- Mononévrites et multinévrites

- doivent faire rechercher une autre étiologie que le diabète

- sont plus fréquentes chez le diabétique agé

- différentes atteintes:

- cruralgie

- paralysies oculomotrices (VI ou III) avec un facteur vasculaire expliquant leur début brutal

- amyotrophie proximale des membres inférieurs

- névralgies du cubital, du médian, intercostales

b) La neuropathie végétative, est multiforme

- l'atteinte cardiovasculaire associe:

une tachycardie de repos

l'absence de variation de la fréquence cardiaque au cours du cycle respiratoire et de l'orthostatisme

une hypotension orthostatique, limitant les déplacements et compliquant le choix d'un traitement anti-hypertenseur

- l'atteinte digestive, constituée à des degrés variables:

d'une diarrhée souvent nocturne

d'une gastroparésie, le plus souvent latente, mais pouvant aussi se manifester par des vomissements, la constitution d'un phytobézoard, le retard dans la correction des hypoglycémies par voie orale. Intérêt de l’administration IV ou per os d’erytromicine (analogies structurales avec le GIP).

- l'atteinte urologique avec atonie vésicale et résidu post-mictionnel est importante à mettre en évidence du fait des risques d'infection urinaire

- l'impuissance est souvent plurifactorielle, avec des facteurs vasculaires et/ou psychologiques associés

c) Le syndrome du canal carpien, est fréquent nécessitant des infiltrations ou une décompression chirurgicale du nerf atteint.

2.4 Les complications artérielles:

- première cause de mortalité des diabétiques

- risque relatif accru, et plus précoce:

- localisations volontiers multiples

- facteurs de risque cardio-vasculaires liés au diabète

HTA, hyperlipémie, protéinurie, obésité androïde

- La coronaropathie

- sous forme d'angine de poitrine ou d'infarctus du myocarde

- souvent indolore

- impose un dépistage systématique par:

- peut aboutir à une insuffisance cardiaque

- impose une prise en charge globale des facteurs de risque (statines, aspirine, anti-hypertenseurs)

- Les artères périphériques sont parfois atteintes

- au niveau des membres inférieurs

- artères à destinée cérébrale avec risque d'accidents vasculaires cérébraux,

- impose l'auscultation des trajets artériels

- au besoin examen Doppler de façon régulière

2.5 Le pied diabétique

Complication est à prévenir par :

- un programme d'éducation personnalisé

- le dépistage et le traitement des lésions au début

- la correction des troubles de la statique du pied par des semelles

Cette complication est la conséquence :

de la neuropathie périphérique avec des plaies indolores et une ostéoarthropathie

de la neuropathie autonome avec ischémie distale et sécheresse du pied

de l'artériopathie distale avec pied ischémique vasculaire douloureux

de points de pression anormaux liés aux déformations osseuses et à l'atrophie musculaire avec ulcères ou maux perforants plantaires se surinfectant rapidement d'infections favorisées par l'ischémie, pouvant conduire à une gangrène sèche ou humide avec cellulite.

2.6 Les complications cutanées

sont le plus souvent de nature infectieuse à staphylocoques favorisées par un portage nasal plus fréquent (folliculites, furoncles)

parfois à candida (prurit vulvaire et vulvo-vaginite, balanite, stomatite, onyxis).

fréquence accrue d'érysipèle (à streptocoques ou staphylocoques) avec parfois phlébite associée

sont parfois relativement spécifiques :

- nécrobiose lipoïdique au niveau de la région pré-tibiale

- granulome annulaire

- bullose diabétique

complications liées au traitement:

- allergie (urticaire ou réactions localisées)

- lipodystrophies:

atrophiques liées à la nature de l'insuline

hypertrophiques liées à une mauvaise technique d'injection

2.7 Les complications infectieuses

Bactériennes : pulmonaires, ORL, urinaires, cutanéo-muqueuses, génitales

Nécessité de mise à jour de la vaccination anti-tétanique

Virales : importance des mesures préventives (vaccin anti-grippe)

Mycoses, notamment génitales et/ou digestives

3. Formes Cliniques

Chez le diabétique insulinodépendant:

Nécessité de prise en charge précoce par une autosurveillance et un autocontrôle difficile parfois à réaliser nécessite une prise de conscience sur les objectifs glycémiques

Chez le diabétique non-insulinodépendant

- fréquence de la macroangiopathie

- souvent déja compliqué au moment du diagnostic

- difficultés de prise en charge du fait de la tendance à minimiser cette forme de diabète et des contraintes diététiques