HYPERLIPOPROTEINEMIES

Les hyperlipoprotéinémies sont :

- fréquentes, frappant environ 4 % de la population adulte après 30ans

- graves, car elles constituent l’un des facteurs du risque d’athérome vasculaire, première cause de mortalité dans notre pays.

- facilement identifiables après un dosage du cholestérol et des triglycérides après 12 heures de jeûne

A. CLASSIFICATION

1. Les lipoprotéines

Les lipoprotéines sont des particules servant au transport plasmatique des lipides, principalement le cholestérol (taux plasmatique <5,2 mmol/l) et les triglycérides (taux plasmatique < 1,5 mmol/l).

Les lipoprotéines sont constituées par un noyau hydrophobe qui détermine en grande partie la masse de la particule et qui contient différentes proportions de triglycérides et d'esters de cholestérol. La surface des lipoprotéines est constituée par des phospholipides contenant du cholestérol non estérifié et des protéines spécifiques ou apoprotéines.

Il y a 4 lipoprotéines identifiables par un contenu et un taille spécifiques

- les chylomicrons contenant 90%de triglycérides d'origine exogène, présentant notamment à leur surface les apoprotéines B48, E et CII

- les VLDL qui transportent 60% de triglycérides d'origine endogène, caractérisée par la présence d'une apoprotéine B100 et d'une apoprotéine CII

- les LDL qui proviennent de l'hydrolyse des VLDL et qui transportent le cholestérol sous forme estérifiée au niveau des parois artérielles (athérogène). L'apolipoprotéine B100 est présente principalement dans les LDL.

- les HDL qui captent le cholestérol au niveau de la paroi artérielle et le ramène au foie pour la synthèse des acides biliaires. L'apoliprotéine A1 est principalement présente dans les HDL

Il existe schématiquement deux voies de transport des triglycérides et du cholestérol :

- La voie exogène :

Au sein des cellules intestinales, les lipides alimentaires sont incorporés dans les chylomicrons. Aprés passage dans la circulation générale, les chylomicrons vont adhérer à la surface des capillaires du tissu adipeux et musculaire. A ce niveau, les triglycérides vont être hydrolysés sous l'influence d'une Lipoprotéine Lipase (LPL) activée par l'apoprotéine CII présente à la surface des chylomicrons pour libérer des acides gras libres. Les particules dégradées, pauvres en triglycérides mais riches en cholestérol ou chylomicrons remnants, vont gagner le foie où ils vont être captés par des récepteurs spécifiques grâce à leur apoprotéine E. Après dégradation, une partie du cholestérol est éliminé dans la bile, le reste servant à la voie endogène.

- La voie endogène :

La synthèse hépatique de triglycérides est augmentée en présence d'hydrates de carbone d'origine alimentaire. Les triglycérides sont sécrétés par l'intermédiaire des VLDL qui vont être catabolisés par la LPL activée par l'apoCII. Les particules remnantes ou IDL vont alors en partie regagner le foie pour être catabolisées par l'intermédiaire d'un récepteur spécifique ou récepteur LDL. La majorité des IDL va être transformée dans le plasma en LDL qui ne contiennent plus de triglycérides mais seulement des esters de cholestérol qui représentent 3/4 du cholestérol total circulant. La surface des LDL ne contient qu'une seule apoprotéine, l'apoB100. La fonction des LDL est de fournir du cholestérol aux cellules extrahépatiques par l'intermédiaire d'un récepteur LDL qui permet l'élimination de 80% du LDL plasmatique. Après endocytose, les esters de cholestérol sont hydrolysés par une lipase acide. Le cholestérol rentre dans la composition membranaire, sert de précurseur aux hormones stéroidiennes, régule la synthèse de récepteurs LDL. Il existe un systéme d'épuration par l'intermédiaire de macrophages, intervenant notamment en cas d'excès de LDL. Lors du cycle cellulaire, le cholestérol non estérifié est relargué dans la plasma où il va être capté par les HDL. Le cholestérol va ensuite subir une estérification grâce à une enzyme plasmatique la LCAT (lecithin: cholestérol acyl transférase). Les esters de cholestérol formés à la surface des HDL vont être transférés aux VLDL, et IDL.

2. Le diagnostic d’une hyperlipémie est fondée sur la mesure :

- à 2 reprises au moins et après 12 heures de jeûne

- à distance d’une affection aigue

- sans interférence médicamenteuse

- aspect du sérum

- cholestérol total (CT)

- triglycérides (Tg)

- HDL cholestérol (C.HDL) ou apoprotéine A1

permettant le calcul du LDL cholestérol (C.LDL) par la formule de FRIEDWALD, à condition que les triglycérides soient inférieurs à 3,5 mM/l.

C.LDL = CT - (C.HDL + 0,37xTg)

On peut dans un second temps demander en fonction du risque global (ATCD familiaux d'insuffisance coronarienne)

- une électrophorèse des lipoprotéines pour repérer une lipoprotéïne anormale

- d’autres marqueurs du risque vasculaire (Lp(a))

3. Les différentes classifications des hyperlipoprotéïnémies

a) Classification (OMS) sur les critères électrophorétiques (FREDERICKSON)

b) Trois variétés d'hyperlipémie (classification de De Gennes)

- Hypercholestérolémie pure (CT > 6mM/l et TG < 1,5mM/l)

hyperHDLémie (dosage HDL-C et Apolipoprotéine A1) rare

augmentation isolée du C-LDL athérogène (type IIa) fréquent

- hyperlipidémie mixte

le plus souvent hyperlipémie IIb

rarement un type III (très athérogène)

- hypertriglycéridémie prédominante

avec chylomicrons: type I ou V

sans chylomicrons: type IV

c) futures classifications génétiques, physiopathologiques

B. FORMES CLINIQUES

I. Les hyperlipoproteinemies secondaires

- fréquentes, devant toujours être recherchées

Au cours du diabète sucré:

- l’hypertriglycéridémie est un marqueur du risque athérogène.

- les LDL sont petites, denses et athérogènes

- il existe d'autres facteurs de risque associés

- Importance des mesures diététiques:

De nombreux médicaments peuvent induire une hyperlipémie, la plupart d’entre eux augmentant les VLDL (diurétiques, béta-bloquants, oestrogènes, corticoides)

Divers facteurs hygiéno-diététiques ou physiologiques peuvent être en cause :

- grossesse

- ménopause (élévation du cholestérol LDL)

- exercice physique (augmentation du cholestérol HDL)

- excès alimentaires: glucides et alcool augmentent les triglycérides

acides gras saturés augmentent le cholestérol LDL

II. LES HYPERLIPOPROTEINEMIES GENETIQUES

1° Les formes fréquemment rencontrées (99 % des cas)

Hyperlipoprotéinémie de type IIa

a) biologie

- sérum clair

- cholestérolémie supérieure à 6,5 mM/l

- élévation des apoB et des LDL

- triglycérides normaux

- rapport cholestérol total/HDL-C augmenté

- baisse du HDL-C et de l'apoA1

b) clinique

Le trouble peut :

- être entièrement asymptômatique

- se traduire par la présence de :

+ gérontoxon (de valeur avant 5O ans non spécifique)

+ xanthélasma

+ xanthomes tendineux (tendon d’achille, tendons extenseurs des doigts)

au maximum xanthomatose tendineuse hypercholestérolémique familiale

+ xanthomes cutanés (dans la forme homozygote). parfois tubéreux (genoux, coudes)

c) Etiopathogénie

On distingue :

- une forme commune polygénique

- une forme familiale:

liée à une carence en récepteurs des LDL avec augmentation des LDL circulantes

à transmission autosomique dominante avec trois degrés :

* forme mineure (cholestérolémie < 10mM/l)

*xanthomatose tendineuse familiale hypercholestérolémique (cholestérolémie entre 10-15 mM/l)

* forme homozygote (cholestérolémie entre 15 et 30mM/l)

- le déficit en apo B1OO cliniquement latent exposant à un risque d’athérome inférieur à la forme précédente, fréquent (prévalence > 1/1.OOO)

d) Pronostic

L’hypercholestérolémie est un facteur majeur du risque athéromateux, de précocité et d’intensité variable selon la forme étiopathogénique, entraînant des troubles :

- coronariens

- cérébraux

- artériels, notamment des membres inférieurs

Hyperlipoprotéïnémie de type IIb (combinée familiale ou mixte)

a) Biologie variable dans le temps :

- sérum trouble, opalescent

- élévation du cholestérol (LDL), des triglycérides (VLDL) dans des proportions

comparables

- élévation des apo B

- élévation des pré-béta (VLDL) et des béta-lipoprotéïnes (LDL).

b) Clinique

- latence

- gérontoxon et xanthélasma possibles

- complications athérogènes

c) Etiopathogénie

- hyperlipidémie combinée familiale

- transmission autosomique dominante (synthèse excessive d’apo B ?)

Hyperlipoprotéïnémie de type IV

a) Biologie très variable dans le temps :

- sérum à jeun trouble et lactescent si les triglycérides sont > 3,5 mM/l

- élévation des triglycérides et des VLDL

- cholestérol normal ou élevé mais toujours en faible proportion

(hypercholestérolémie d’entraînement explicable par la composition des VLDL)

- baisse du Cholestérol HDL et de l'apoA1.

- hyperuricémie fréquente

b) Clinique

- latence habituelle sauf dans l’exceptionnelle forme majeure (triglycérides > 1O

g/l) avec xanthomes éruptifs, hépatosplénomégalie, pancréatite aigue, et plus

souvent asthénie, céphalées, troubles dyspeptiques.

c) Etiopathogénie

- augmentation de la production des VLDL ou diminution de leur catabolisme

- forme familiale transmise sur le mode autosomique dominant (Tg > à 4,5mM/l)

- formes acquises:

Au cours des obésités androides:

- élévation des VLDL et des VLDL remnants (athérogènes)

- LDL petites et denses riches en triglycérides athérogènes.

- facteur de risque vasculaire (syndrome X).

d) Pronostic

Les hypertriglycéridémies secondaires (diabète) ou génétiques (hyperlipémie combinée familiale) comportent un risque athéromateux.

2° Les formes plus rares

- hyperlipémie de type III

- hyperlipémie de type I:

- chez l’enfant, héréditaire

- à transmission autosomique recessive

- absence de LPL ou déficit en apoCII

- non athérogène, mais risque majeur de pancréatite aigue

- traitement par la suppression quasi- totale des graisses alimentaires (< 5 %)

- hyperlipémie de type V:

- généralement la conséquence des modifications d’un type IV sous l’effet d’un régime déséquilibré

C. Principes thérapeutiques des hyperlipémies

1. Evaluer le risque vasculaire

Les facteurs de risque sont:

- l'âge, homme après 45ans et femme après 55ans

- la ménopause précoce sans traitement substitutif

- les antécédents familiaux ou personnels d'artériopathie quelqu'en soit le siège

- le tabagisme

- l'hypertension artérielle

- la sédentarité

- le diabète

- HDL-cholestérol <0,9mM/l

- hypertriglycéridémie en présence d'un diabète ou d'une obésité

Le risque coronaire dépend du nombre et de l'intensité des facteurs de risque présents. Il convient de fixer des seuils d'intervention en fonction du risque absolu de chaque sujet.

2. Les moyens

- hygiéno-diététiques

* recherche et élimination des autres facteurs de risque

* régime pauvre en cholestérol (<3OO mg/j) et graisses (3O % des calories quotidiennes): 1/3 de graisses saturées, 1/3 de graisses mono-insaturées, 1/3 de graisses poly-insaturées). C’est la quantité de graisses saturées d’origine animale qui corrèle avec le risque coronarien.

En pratique:

- les poissons même gras sont raisonnables

- les charcuteries sont plus grasses que les viandes

- 1 jaune d'oeuf suffit aux besoins quotidiens en cholestérol (300mg)

- utiliser les produits laitiers allégés

- les patisseries contiennent des acides gras saturés

- uiliser des acides gras mono-insaturés (huile d’olive)

- médicamenteux:

* cholestyramines (QUESTRAN)

* dérivés des fibrates

- fénofibrate (LIPANTHYL)

- bézafibrate (BEFIZAL)

- ciprofibrate (LIPANOR)

* inhibiteurs de l’HMG Coenzyme A réductase (statines):

Simvastatine (ZOCOR, LODALES)

Pravastatine (Elisor, Vasten)

La grossesse est une contre-indication aux médicaments hypolipidémiants. Les associations (fibrates + statines, cholestyramine + fibrates ou statines) exposent à des interactions médicamenteuses.

3. Indications

En prévention primaire

- une diététique hypocholestérolémiante est toujours proposée en première intention.

- Les hypercholestérolémies familiales doivent être traitées, notamment en présence d'antécédents vasculaires familiaux. En dehors de cette étiologie, ce n'est qu'après une diététique effective de 3 mois, que se discutera une thérapeutique hypolipémiante.

Taux de Cholestérol-LDL pour une intervention (diététique ou diététique+ médicaments) (groupe de l'ANDEM)

- Les dyslipidémies secondaires ne doivent pas donner lieu à des prescriptions d'hypolipidémiants sans avoir traité la maladie causale ou arrété une thérapeutique en cause.

- il faut systématiquement agir sur les autres facteurs de risque vasculaire associés

En prévention secondaire

En présence d'une maladie coronaire patente, le risque de mortalité par affection coronaire est important. Il peut être abaissé par les médicaments hypocholestérolémiants. Le seuil d'intervention est une valeur de Cholestérol-LDL de 3,4mM/l avec comme objectif une valeur <2,6mM/l.

Une fois instauré, le traitement hypolipémiant doit être poursuivi au long cours. Le bénéfice coronarien ne peut être obtenu qu'après un traitement prolongé (>2ans).

4. Réponse thérapeutique:

- doit être jugée au bout de 4 à 6 mois

- nécessite la surveillance des autres facteurs de risque

- doit tenir compte de la tolérance clinique:

fibrates: troubles digestifs, allergies cutanées

statines: troubles digestifs, crampes musculaires

surveillance hépatique et musculaire