Syndromes de Cushing

Définition

Les syndromes de Cushing sont la traduction clinique d'un excès de sécrétion de cortisol permanent et non réductible.

Ils peuvent correspondre à

- plusieurs types d'anomalies de l'hypophyse ou de la surrénale

- la conséquence d'une sécrétion d'ACTH d'origine extra-hypophysaire

dans le cadre de syndromes paranéoplasiques

Après la démarche du diagnostic positif, le diagnostic étiologique est donc essentiel. Il conditionne à la fois l'efficacité thérapeutique et le pronostic.

I. Physiopathologie

Classification

Parmi les causes principales d'hypercorticismes, on distingue les étiologies ACTH dépendantes, des étiologies ACTH indépendantes.

Etiologies ACTH-dépendantes

1. maladie de Cushing (70% des étiologies d'hypercorticismes)

stimulation anormale des 2 surrénales

- microadénome hypophysaire à ACTH d'environ 10mm de diamêtre

- plus rarement suite à une sécrétion anormale de CRF

8 femmes pour 1 homme

2. sécrétion ectopique paranéoplasique d'ACTH ou de CRF (8-15% des étiologies)

stimulation anormale des cortico-surrénales avec hyperplasie

dans 50% des cas, présence d'un carcinome bronchique à petites cellules

Etiologies ACTH-indépendantes

1. tumeur bénigne sécrétante de la cortico-surrénale

- entrainant un hypercortisolisme échappant à la régulation physiologique

- habituellement unilatérale

- avec inhibition des cellules corticotropes de l'anté-hypophyse

- mise au repos de la surrénale contro-latérale

2. tumeur maligne ou corticosurrénalome

- production importante et anarchique de cortisol

- souvent associée à une hypersécrétion d'androgènes, parfois d'estrogènes

- 10 à 15% des cas, le plus souvent chez l'adulte

- Touche plutôt des femmes

Polymicroadénomatose surrénalienne

- soit primitive

- soit secondaire à une hypersécrétion d'ACTH et à une hyperplasie glandulaire s'étant autonomisée

II. Formes Cliniques

A. Forme typique

Sur le plan clinique:

début lent et insidieux avec:

- morphologie évocatrice

- obésité avec répartition androïde

- amyotrophie des quadriceps

- nuque en bosse de bison

- modifications cutanées

- atrophie cutanée avec fragilité capillaire (ecchymoses nombreuses)

- vergétures, larges, pourpres, diffuses dans des régions inhabituelles

- érythrose du visage

- acné, hirsutisme (chez 80% des femmes)

- éventuellement pigmentation

- hypertension artérielle

- autres signes:

- ostéoporose

- intolérance au glucose ou diabète

- dépression

- troubles sexuels

Sur le plan biologique:

1. Affirmer l'hypercorticisme

- élévation de l'élimination des 17OHCS et du CLU

- cortisolémie élevée avec disparition du rythme nycthéméral

- absence de freinage de la dexaméthasone orale ou de la dexaméthasone IV sur la cortisolémie

2. Signes indirects

- alcalose hypokaliémique

- hyperglycémie (diabète dans 20% des cas)

- polyglobulie

B. Formes cliniques

1) en fonction de l'âge

- chez l'enfant

rare, prédominance des corticosurrénalomes avant 10 ans (environ 50% des cas)

retard de croissance associé

2) formes étiologiques

- le corticosurrénalome

- virilisme (20%)

- douleurs abdominales (30%)

- parfois, métastase révélatrice (30%), notamment foie, poumon

- tumeur volumineuse (plus de 80% des tumeurs >5 cm)

- Cortisol et CLU très élevés, ACTH basse

- SDHEA, Testostérone élevés

- parfois, élévation de la DOC, de l'aldostérone et des estrogènes

- dans les urines, 17 CS> 17OH CS

- évolution rapide avec baisse de l'état général

- adénome surrénalien

- Cortisol haut, ACTH basse, SDHEA basse

- maladie de Cushing (70% des cas)

- évolution lente

- Cortisol et ACTH élevés avec perte du cycle nycthéméral

- excès d'androgènes parallèle à l'élévation de l'ACTH

- Test CRF positif

- freination incomplête par la Dexaméthasone (Liddle fort) (baisse <50% de la cortisolémie)

- l'hypercorticisme paranéoplasique

- complique ou révèle un cancer notamment bronchique ou thyroidien

- fréquence de l'alcalose hypokaliémique

- formes rares GIP-dépendantes (post-prandiales)

En pratique la conduite du diagnostic étiologique repose sur:

* des éléments cliniques d'orientation

- chez le jeune, penser à une origine périphérique, le plus souvent maligne

- l'existence d'un cancer viscéral oriente vers le paranéoplasique

- la mélanodermie oriente vers une cause centrale de même qu'une galactorrhée

- la rapidité d'évolution, l'existence de signes d'hyperandrogénie oriente vers un corticosurrénalome

* des arguments biologiques

Tests statiques:

- des sécrétions stéroidiennes trés élevées avec des androgènes orientent vers le corticosurrénalome

- des valeurs d'ACTH ou de ß-LPH abaissées oriente vers une origine périphérique (adénome ou cancer)

- une très forte augmentation d'ACTH ou une augmentation plus importante de ß-LPH que d'ACTH oriente vers une origine paranéoplasique

Tests dynamiques:

- Le test de Liddle est négatif en cas de tumeurs surrénaliennes, mais peut entrainer un freinage partiel en cas de maladie de Cushing (baisse de 50%). Dans 90% des cas de syndrômes paranéoplasiques, il n'y a pas de freinage.

- Les tests de stimulations surrénaliens (Thorn, Métopirone, CRF) sont explosifs en cas de maladie de Cushing

- Au cours du test de Dexaméthasone IV, l'hypercortisolisme au cours de la maladie de Cushing est partiellement freinable alors que dans les formes paranéoplasiques il existe un échappement précoce.

Cathétérisme du sinus pétreux inférieur

ceci permet des dosages d'ACTH de base ou sous CRF

Permet de distinguer la maladie de Cushing des formes paranéoplasiques, mais ne permet pas un diagnostic topographique au niveau de l'anté-hypophyse du fait des anastomoses vasculaires.

* des arguments radiologiques

- la tomodensitométrie hypophysaire peut (inconstamment) mettre en évidence le microadénome hypophysaire en cas de maladie de Cushing. L'IRM a plus d'intérêt.

- La tomodensitométrie surrénalienne peut révéler une tumeur surrénalienne unilatérale. Le refoulement des organes de voisinage, l'existence de métastases hépatiques sont en faveur de la nature maligne.

- pour le paranéoplasique, on peut avoir recours au scanner thoracique avec coupes fines à la recherche d'un carcinome bronchique.

3) formes évolutives

4) formes latentes de découverte systématique: incidentalome surrénalien

Devant une masse surrénalienne, après avoir éliminé une cause extra-surrénalienne (métastases, kyste, abcès), un phéochromocytome, il faut penser au corticosurrénalome si la tumeur mesure plus de 5 cm de diamêtre

III. Diagnostic différentiel

- syndrome de Cushing iatrogène (corticothérapie)

- hypercortisolisme des obèses, freinable au cours du test de Liddle faible. Le problême est évoqué notamment au cours des obésités androides avec HTA et diabète.

- hyperestrogénie, lors de la grossesse ou d'un traitement par estrogènes

élévation de la cortisolémie totale par augmentation de la production de CBG, mais CLU en général normal

- syndrome dépressif avec rupture du cycle nycthéméral de cortisol et d'ACTH

IV Traitement

A. Méthodes

1) à visée hypophysaire

2) à visée surrénalienne

Dans le cas de ces traitements médicaux, on bloque la synthèse de cortisol. On adjoint donc de l'hydrocortisone, pour éviter une insuffisance surrénale.

B. Indications

1) hypercortisolisme paranéoplasique

il faut traiter la tumeur primitive

2) adénome surrénalien

surrénalectomie unilatérale

surveiller les malades, car inertie corticotrope transitoire

3) corticosurrénalome

surrénalectomie unilatérale et traitement médical (OP'DDD 10g puis après 6 mois 3 à 4g). La récidive est plus fréquente si le rein est laissé en place

Intérêt du traitement pré-opératoire par le mitotane

le pronostic est plus grave après 40ans

4) tumeur hypophysaire

hypophysectomie

cobaltothérapie éventuellement

rarement actuellement, une surrénalectomie bilatérale

C. Evolution

Va naturellement dépendre de l'étiologie

La guérison de l'hypercorticisme entraine des modifications spectaculaires, notamment sur le plan général, de l'amyotrophie, de la tension artérielle, des signes cutanés (desquamation précoce de bonne valeur)

Se pose le problême de l'insuffisance corticotrope secondaire

- en cas d'adénome surrénalien, l'inertie corticotrope est transitoire mais requiert pour certains un traitement substitutif transitoire

- en cas de maladie de Cushing, une opothérapie substitutive est nécessaire