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Le plus souvent, les manifestations hémorroïdaires de la grossesse, notamment hémorragiques et douloureuses, cessent après l'accouchement. Il persiste parfois des marisques tout à fait négligeables. Toutefois, les procidences plus ou moins réductibles ou permanentes, les thromboses répétitives nécessitent un traitement radical, c'est-à-dire chirurgical.
Le traitement médical, le même que pendant la grossesse, est toujours justifié. Si la patiente n'allaite pas, on pourra en phase aiguë douloureuse associer les antiflammatoires par voie orale, ou mieux parentérale, durant une période brève.
Les traitements ambulatoires : la sclérose, et mieux la photocoagulation, ont les mêmes indications que précédemment, c'est-à-dire les hémorroïdes hémorragiques et peuvent agir aussi dans certains cas de procidence modérée et spontanément réductible. Toutefois, certains auteurs préfèrent la ligature élastique ou la congélation contrôlée.
La ligature
élastique : elle consiste à aspirer
l'hémorroïde dans un tube de verre ou métallique.
On place à la base de l'hémorroïde,
invaginée dans le tube, un anneau de caoutchouc strangulateur
que l'on laisse en place et qui entraîne secondairement une
ischémie de l'hémorroïde, son sphacèle et
sa chute. Elle réalise un véritable - clou de
sclérose - fixant aussi la muqueuse au sphincter interne. Il
faut prévoir une à trois séances au maximum,
espacées de trois à quatre semaines, en s'adressant
à chaque fois à un seul paquet bien individualisable,
haut situé, toujours en zone sus-pectinéale.
La
cryothérapie ou congélation contrôlée : le
but est de congeler les hémorroïdes et d'en
réaliser une destruction plus ou moins partielle dans leur
portion la plus interne, c'est-à-dire là où les
plexus sont les plus importants. La ligature élastique,
associée dans le même temps, permet d'individualiser le
paquet hémorroïdaire sélectionné et de bien
délimiter la congélation. Il faut prévoir une
à trois séances au maximum. Chaque séance doit
être là aussi espacée d'un mois et concerner un
seul paquet à la fois.
Tous ces traitements ambulatoires instrumentaux ne doivent jamais être pratiqués en période douloureuse aiguë mais à froid après un traitement médical non instrumental, général et local. Les indications doivent donc être parfaitement codifiées.
Les hémorragies à l'anus : elles sont l'indication majeure de la sclérose, dont les effets sont souvent spectaculaires dès la première ou deuxième séance, d'où l'intérêt de ne pas multiplier le nombre de séances. La photocoagulation a les mêmes indications, mais elle est toutefois, comme nous l'avons déjà précisé, plus efficace, strictement indolore.
Les procidences hémorroïdaires modérées et toujours réductibles peuvent aussi justifier un traitement sclérosant.
Si les paquets sont bien isolés, toujours haut situés, c'est-à-dire sus-pectinéaux et surtout non compliqués de thrombose, fissure, cryptite, papillite, certains préfèrent la ligature élastique ou la congélation contrôlée.
Ces deux méthodes, pour être efficaces, ont aussi parfois des inconvénients : des suites douloureuses avec en particulier la survenue d'un prolapsus hémorroïdaire étranglé, des incidents hémorragiques qui nécessitent une hospitalisation d'urgence.
Par ailleurs, il s'agit de traitements longs dont les récidives à court et moyen terme (après plusieurs mois ou années) sont fréquentes. Il convient donc d'insister sur les indications très limitées de ces thérapeutiques ambulatoires qui, du fait aussi de leur action locale non négligeable, modifient aussi la consistance des tissus et compliquent l'acte chirurgical souvent tôt ou tard nécessaire. Seuls des troubles de la continence fécale contre-indiquant une hémorroïdectomie ou une récidive localisée après chirurgie constituent des indications de choix.
Certaines procidences hémorroïdaires isolées, notamment du pôle antéro-latéral droit (hémorroïde de 5 h en genu-pectorale) relèvent d'ailleurs plus volontiers d'une résection chirurgicale sous anesthésie locale, bien plus efficace à ce niveau que la ligature élastique, et qui demeure une technique facile à réaliser en ambulatoire sous anesthésie locale ou loco-régionale.
Le traitement chirurgical
La chirurgie des hémorroïdes est parfaitement codifiée : son principe est de diminuer l'apport de sang artériel dans les hémorroïdes afin de les faire disparaître. C'est le but de la ligature des branches terminales de l'artère hémorroïdale supérieure réalisée dans l'intervention de Milligan Morgan qui comporte :
- La résection de trois paquets hémorroïdaires centrés sur les trois pédicules artériels disséqués très haut, la dissection de toute la portion cutanée de l'hémorroïde pour que la ligature ne prenne ni peau ni muscle. Les rétrécissements seront évités en pratiquant toujours les ligatures à vue, en respectant parfaitement le triangle d'exposition muqueux, en laissant des ponts cutanéo-muqueux suffisamment larges et souples et en associant à la demande.
- L'anoplastie postérieure avec ou sans sphinctérotomie interne. Cette technique, que nous pratiquons volontiers, permet de faire l'exérèse d'une fissure associée, du paquet hémorroïdaire postérieur, et même, si on y apporte tout le soin nécessaire, notamment au niveau des ponts, du gros bourrelet circulaire prolabé.
Des variantes résultant d'habitudes personnelles ont pu être apportées. Elles ne modifient en rien les principes, qu'il s'agisse du bistouri électrique préféré par certains aux ciseaux pour la dissection des paquets hémorroïdaires ou la sphinctérotomie, ou du laser qui n'est rien d'autre qu'un super bistouri et qui n'a montré lors d'études statistiques randomisées aucune supériorité sur les simples ciseaux, ni dans la durée de cicatrisation, ni dans la survenue des douleurs post-opératoires.
C'est une intervention parfaitement réglée qui, entre des mains bien entraînées, est parfaitement sécurisante ; elle respecte l'architecture normale du canal anal, sa sensibilité, sa perméabilité, et devient dès lors beaucoup moins douloureuse.
Il faut attacher une grande importance enfin au contrôle immédiat des suites opératoires qui doit être effectué par le chirurgien lui-même ou son équipe. Dès les premiers jours :
Lutter contre
la douleur, dont l'importance est liée à la
qualité technique de l'intervention. Les antalgiques mineurs
sont généralement suffisants. Ils sont parfois
associés aux anti-inflammatoires.
Prévenir
l'infection : les complications infectieuses sont rares, mais
elles pourraient être l'expression d'une
bactériémie passagère. Elle justifie toujours
une antibiothérapie brève de deux à trois jours
(Augmentin + Flagyl) afin d'éviter l'exceptionnelle mais
toujours possible gangrène gazeuse.
Assurer
rapidement un transit intestinal : par des thérapeutiques
douces appropriées : huile de paraffine d'abord, mucilages
purs ou associés à des pansements muqueux, surtout chez
les colopathes.
Garantir la
propreté des plaies opératoires : par des bains de
siège avec des produits antiseptiques dilués, badigeon
des plaies et surtout des surfaces cutanées voisines à
l'Eosine aqueuse pour éviter des démangeaisons dues
surtout aux suintements.
Combattre la
rétention d'urine : relevant si nécessaire d'un
simple sondage.
Dépister
une hémorragie toujours possible : (suivant les
statistiques de 0,50 à 3 % des cas), la réintervention
s'impose d'autant plus rapidement que le saignement est d'apparition
plus précoce (des premières heures au 10e, 12e jour).
Permettre
enfin une parfaite cicatrisation par le toucher ano-rectal quotidien
: en genu-pectorale ou en décubitus dorsal, de
préférence après la selle ; ce geste peut
être utile pour empêcher le cloisonnement des plaies qui
pourrait nuire à l'ampliation normale de l'anus, diminuer le
spasme, et apporter souvent chez certains une sensation de confort.
Il est surtout important à partir du 12e-15e jour, au moment
de la sténose cicatricielle passagère éventuelle
; il peut être suivi immédiatement après par
l'introduction d'un suppositoire lubrifiant. Le malade pourra le
répéter ensuite. Il utilisera si nécessaire des
bougies dilatatrices en plastique du commerce. Un nitratage au crayon
peut être indiqué au niveau des plaies externes et
même dans le canal anal sous anuscope dilatateur en cas de
bourgeonnement excessif pouvant retarder la cicatrisation, et souvent
cause de suintements persistants.
La durée moyenne d'hospitalisation est de 4 à 5 jours, la cicatrisation totale de 4 à 6 semaines.
Dans l'arsenal des thérapeutiques chirurgicales sanglantes, il faut éliminer définitivement les hémorroïdectomies circulaires. La place de choix doit être réservée aux seules hémorroïdectomies pédiculaires réglées : les résultats sont alors excellents et les récidives quasi inexistantes.
Les indications du traitement chirurgical
Il est relativement rare que l'on ait recours d'emblée à la chirurgie, qui doit pourtant être indiquée dans des cas bien précis :
- Les thromboses circulaires prolabées,
irréductibles, ou thromboses du prolapsus représentent
le plus souvent l'indication d'urgence.
- Les hémorroïdes volumineuses, mais surtout devenues
gênantes par leur extériorisation,
hémorroïdes prolabées en permanence, ou
difficilement réductibles (stade III ou IV), par leur
saignement abondant et/ou répété, facteur
d'anémie parfois grave.
- Les échecs confirmés ou les contre-indications
formelles des traitements ambulatoires instrumentaux, notamment
toutes les manifestations inflammatoires récidivantes :
thrombose, cryptite, papillite.
La chirurgie a aussi des indications ponctuelles qui dépendent du type de lésions et de l'âge.
1. - Les lésions
a. - Les lésions isolées
Papilles
hypertrophiées, fibromes : l'indication chirurgicale peut
se poser lorsque certaines proliférations fibreuses existent
isolément, qu'elles deviennent douloureuses et surtout
procidentes, même en l'absence d'hémorroïdes. On
préférera toujours l'exérèse
complète mais à la demande de chaque formation, sous
anesthésie locale, ou mieux générale, suivant
les techniques habituelles de dissection et de ligature du Saint
Mark's.
Certaines
grosses marisques isolées forment parfois une volumineuse
couronne périphérique contrastant avec l'absence
d'hémorroïdes internes. Elles peuvent constituer une
gêne mécanique importante et une difficulté
d'hygiène locale, source de prurit. A la résection
cutanée isolée, c'est-à-dire la
- marisquectomie - , on préférera toujours la
résection complète par paquets séparés,
c'est-à-dire une véritable hémorroïdectomie
suivant les principes habituels, avec ou sans sphinctérotomie
interne, postérieure ou latérale.
b. - Les lésions associées
Hémorroïdes
+ fissure : c'est alors souvent la fissure plus que les
hémorroïdes qui relèvent de l'intervention
chirurgicale. On pratique dans le même temps la fissurectomie
et l'hémorroïdectomie. Si les hémorroïdes
sont très discrètes, elles peuvent
éventuellement être négligées, mais c'est
en per-opératoire que l'on décidera de leur
exérèse éventuelle pour éviter des
réactions inflammatoires et/ou thrombotiques toujours
possibles à leur niveau.
Hémorroïdes
+ fistule de l'anus : le problème de
l'hémorroïdectomie associée à la
fistulectomie peut se poser lorsque les hémorroïdes sont
importantes, du stade III ou IV avec de grosses marisques, afin
d'éviter une thrombose du prolapsus qui peut compliquer les
suites de fistulectomie et les rendre particulièrement
douloureuses.
Hémorroïdes
+ condylome acuminés : lorsque les condylomes
acuminés extra- ou endo-canalaires, nombreux et importants,
sont disséminés et implantés au niveau des
marisques ou des hémorroïdes internes,
l'hémorroïdectomie totale ou à la demande peut
être préférée.
Marisque +
prurit : en cas de prurit rebelle et après échec de
toute thérapeutique médicale, une
hémorroïdectomie pourra être indiquée, mais
on veillera en fin d'intervention à bien décoller
très haut les ponts cutanés pour bien dénerver
au maximum et agir ainsi sur le prurit sans s'inquiéter de
l'hématome sous-cutané, immédiat, incident banal
et peu gênant.
Hémorroïdes
+ algies ano-rectales rebelles (névralgies ano-rectales) :
il faut là être circonspect dans l'indication de
l'hémorroïdectomie. Lorsqu'elle paraît
justifiée et après avoir bien démarqué la
gêne liée aux hémorroïdes et la
névralgie proprement dite, il faudra avertir le patient de la
persistance toujours possible du syndrome douloureux.
2. - Le sexe
Chez la femme, de volumineuses hémorroïdes peuvent masquer une incontinence anale idiopathique liée à un syndrome du périnée descendant, d'où la nécessité d'une exploration fonctionnelle pré-opératoire (manométrie, électromiogramme, éventuellement défécographie et échographie sphinctérienne).
Conclusion
Lorsque l'indication thérapeutique instrumentale ambulatoire ne paraît pas suffisamment valable, il faut savoir proposer la chirurgie et la préférer toujours aux solutions intermédiaires d'attente.
La simplicité du geste chirurgical dans les mains d'un opérateur averti, les suites simples, relativement peu douloureuses, toujours contrôlées, la qualité et la durabilité des résultats sont autant d'éléments qui ne doivent plus retarder son indication, seule valable dans des cas bien précis.
Fig. 1 : Plurithrombose hémorroïdaire externe isolée. |
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Fig. 2 : Papilles hypertrophiées intracanalaires très inflammatoires. |
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Fig. 3 : Papilles hypertrophiées et thrombose interne intracanalaire. |
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Fig. 4 : Thrombose hémorroïdaire externe dématiée. A noter le volumineux dème qui couvre les 3/4 de la circonférence anale. |
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Fig. 5 : Thrombose hémorroïdaire interne prolabée et devenue irréductible (ou prolapsus hémorroïdaire étranglé). Noter le bourrelet d'dème très induré et atrocement douloureux et la zone de nécrose centrale. |
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Fig. 6 : Injection sclérosante à travers l'anuscope. |
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Fig. 7 : Hémorroïdes luxées par l'anuscope. Noter la pénétration strictement sous-muqueuse de l'aiguille dans la zone sus-hémorroïdaire. |
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Fig. 8 : L'applicateur manuel de photocoagulation. |
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Fig. 9 : Aspect local immédiatement après l'application. |
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Fig. 10 : Prolapsus hémorroïdaire circulaire étranglé. Chirurgie d'urgence. Extériorisation en 3 paquets. |
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Fig. 11 : Dissection et ligature. Noter sur la photo la ligature du paquet postéro-latéral droit. |
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Fig. 12 : Epluchage des ponts cutanéo-muqueux qui sont débarrassés de nombreuses microthromboses. |
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Fig. 13 : Temps final : malgré l'importance des lésions, noter l'existence de 3 petites plaies séparées par des ponts cutanéo-muqueux larges et souples afin de conserver le maximum de sensibilité et d'éviter les rétrécissements. |
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