CHAPITRE 1
Compartiments - Relations hydriques


2. Osmorégulation des liquides extracellulaires

2.1. Généralités

2.1.1. Les organes d'osmorégulation

2.1.2. Animaux sténohalins et euryhalins

2.2. Osmorégulation chez les animaux aquatiques

2.2.1. Les espèces isosmotiques

2.2.2. Les espèces hypoosmotiques

2.2.3. Les espèces hyperosmotiques

2.2.4. Les hyper - hypoosmorégulateurs

2.3. Osmorégulation chez les animaux terrestres

2.1. Généralités

Comme nous venons de le signaler, les problèmes générés par l'existence de gradients osmotiques et ioniques entre les milieux extérieurs et intérieurs concernent essentiellement la régulation de pertes ou de gains d'eau et de pertes ou de gains de Na+ et Cl-. A ces problèmes doit s'ajouter celui du contrôle de la perte d'urée spécifique à Latimeria et aux chondrichthyens.

Les systèmes impliqués dans le maintien de ces gradients ainsi que dans la régulation de ces gains et pertes vont faire intervenir des phénomènes d'entrée et de sortie faisant eux-mêmes intervenir des mécanismes actifs et passifs. Les phénomènes passifs concernent les mouvements diffusionnels d'eau, de Na+ et Cl- ainsi que d'urée qui s'établissent suite à l'existence des gradients. Des phénomènes "actifs" consommant de l'énergie s'opposent à ces mouvements passifs. Ils interviennent dans le transport contre gradient des ions Na et Cl, le transport et la synthèse de l'urée ainsi que dans les mouvements osmotiques d'eau couplés à un transport actif d'ions.

2.1.1. Les organes d'osmorégulation
Les phénomènes impliqués, qu'ils soient actifs ou passifs, ne concernent finalement qu'un nombre limité de structures (figure 1-9). Il y a tout d'abord le tractus digestif qui peut être une source de gains d'eau et d'ions à un bout et une source de perte d'eau et d'ions à l'autre. Il y a ensuite les systèmes dits rénaux (néphridies de la plupart des invertébrés, tubules de Malpighi des insectes, néphrons des vertébrés). Ces systèmes sont toujours une source de perte d'eau et d'ions. Il y a aussi une série d'organes particuliers servant plus ou moins spécifiquement au transport actif d'ions. Ils peuvent être selon le cas une source de gain ou de perte (voir plus loin). Il s'agit des branchies des crustacés hyperosmorégulateurs et des poissons téléostéens, de la peau des amphibiens, des glandes rectales des sélaciens ou encore des glandes nasales, linguales ou sub-linguales des reptiles et des oiseaux. Ces glandes sont encore appelées "glandes à sel" ou "organes extra-rénaux". Il y a enfin les téguments externes qui sont le siège de l'essentiel des mouvements diffusionnels. Ils peuvent être la source de pertes ou de gains d'eau et d'ions.

Figure 1-9

Figure 1-9: Les organes impliqués dans l'osmorégulation. OER: organes extra-rénaux. OR: organes respiratoires. SR: systèmes rénaux. TD: tube digestif. TE: téguments externes.

En envisageant plus particulièrement les mouvements diffusionnels, il faut faire un net distinguo entre les animaux ayant une perméabilité tégumentaire élevée et ceux ayant une perméabilité basse. Ceci est particulièrement vrai dans le cas de l'eau. Comme le montre la figure 1-10, le "turnover" de l'eau ramené à un poids unitaire (100 g) chez différentes espèces en conditions normales varie en gros de 0,05 à 0,5 ml par jour chez les espèces à perméabilité tégumentaire basse et de 10 à 70 ml par jour chez les autres: soit de 20 à plus de 1000 fois plus! Ces différences sensibles vont évidemment impliquer des activités compensatoires très différentes, beaucoup plus importantes chez les dernières espèces que chez les premières.

Figure 1-10

Figure 1-10: Comparaison du turnover de l'eau chez des espèces à perméabilité tégumentaire basse ou élevée.

Les différents mécanismes impliqués aux différents niveaux que nous venons d'évoquer rapidement seront donc mis en œuvre différemment suivant les espèces envisagées et leurs problèmes spécifiques. Dans ce cadre, il nous faut distinguer les animaux terrestres des animaux aquatiques et parmi ces derniers, les isosmotiques des hyperosmotiques et des hypoosmotiques. Tous ces animaux ont, comme le rappelle la figure1-8, des problèmes tout à fait différents.

2.1.2. Animaux sténohalins et euryhalins
Nous avons jusqu'à présent considéré des animaux vivants dans un milieu bien défini, stable et n'en sortant pas. Les problèmes osmotiques et donc d'osmorégulation peuvent devenir plus complexes chez les espèces aquatiques dites euryhalines, qui peuvent soit changer de milieu comme certains poissons (anguilles, saumons) ou crustacés (crabe bleu, crabe chinois), soit supporter des modifications de la salinité de leur milieu extérieur (divers mollusques, vers, crustacés ou poissons vivant dans les régions littorales ou d'estuaires). Chez ces espèces, l'osmolarité du milieu extérieur peut varier très largement (entre l'eau douce et l'eau de mer et parfois l'eau de mer concentrée par évaporation). Dans ces conditions, l'osmolarité sanguine peut évoluer de différentes manières en fonction des espèces considérées (voir figure 1-11). Dans ce cadre, nous devrons considérer des animaux dits osmoconformes, hyperosmorégulateurs et hyper-hypoosmorégulateurs.

Figure 1-11

Figure 1-11: Evolution de l'osmolarité du sang en fonction de celle du milieu extérieur chez les espèces euryhalines.

Les osmoconformes sont tous marins. Chez eux le sang a toujours la même osmolarité que le milieu extérieur. Il s'agit des mollusques, de certains vers et crustacés. Leurs problèmes seront ceux des invertébrés isosmotiques.

Les hyperosmorégulateurs sont soit marins soit d'eau douce. Chez eux le sang peut être maintenu à une valeur supérieure à celle du milieu extérieur lorsque cette dernière est basse. En écophysiologie les hyperosmorégulateurs marins sont classiquement divisés en "forts" et "faibles" selon qu'ils peuvent s'adapter à l'eau douce ou qu'ils ne peuvent survivre qu'en eau saumâtre. Il s'agit de la plupart des crustacés marins et de certains vers marins. Tous les invertébrés d'eau douce sont hyperosmorégulateurs. Les hyper-hypoosmorégulateurs sont comme les précédents, soit marins soit d'eau douce. Chez eux le sang est maintenu à une osmolarité supérieure à celle du milieu extérieur lorsque cette dernière est basse; il est par contre maintenu à une osmolarité inférieure à celle du milieu extérieur lorsque cette dernière est élevée. On retrouve dans ce groupe tous les vertébrés aquatiques à partir des poissons téléostéens ainsi que quelques crustacés. Leurs problèmes seront ceux des hyperosmorégulateurs lorsqu'ils sont en milieu dilué et ceux des hypo-osmorégulateurs lorsqu'ils sont en milieu concentré. A la limite, l'osmolarité du sang peut rester constante quelles que soient les conditions extérieures. On parlera alors d'homéosmoticité. Les oiseaux et les mammifères sont homéosmotiques. Certains peuvent cependant ne pas l'être dans différentes conditions extrêmes (cfr. écophysiologie).

Nous allons donc envisager les mécanismes d'osmorégulation en fonction des problématiques particulières auxquelles les animaux ont à faire face. Dans ce cadre, nous distinguerons, comme nous l'avons dit, les animaux terrestres et les animaux aquatiques iso, hypo ou hyperosmotiques.

2.2. Osmorégulation chez les animaux aquatiques

Comme nous l'avons signalé dans la section précédente, nous allons distinguer ici les animaux isosmotiques, ceux pouvant effectuer une hyperosmorégulation et ceux pouvant faire de l'hypoosmorégulation. Un résumé des mécanismes utilisés est présenté dans la figure 1-12, en fin de section 2.

2.2.1. Les espèces isosmotiques
Ces espèces sont toutes marines, elles peuvent être scindées en deux groupes. Le premier comprend les agnathes et l'essentiel des invertébrés marins mis à part quelques crustacés. Le second comprend les chondrichthyens, sélaciens et chimères, ainsi que Latimeria.

Les espèces du premier groupe n'ont guère de problèmes d'osmorégulation. Leur sang est en effet isosmotique à l'eau de mer extérieure et les effecteurs osmotiques majeurs sont les mêmes dans les deux milieux (Na+, Cl-).

Les espèces du second groupe n'auront guère de problèmes de balance hydrique, leur sang étant isosmotique au milieu extérieur. L'osmorégulation va porter ici sur une régulation de pertes diffusionnelles d'urée et de gains de NaCl.

Les pertes d'urée seront limitées par une réabsorption au niveau rénal. Elles seront compensées par une synthèse, via le cycle de l'urée, au niveau hépatique et rénal (voir plus loin: excrétion azotée). Les chondrichthyens paraissent être les seuls animaux capables d'effectuer une réabsorption rénale active d'urée importante. Le mécanisme impliqué reste à l'heure actuelle totalement inconnu. Il est très efficace. On a en effet pu démontrer que chez Squalus acanthias plus de 90 % de l'urée filtrée au niveau du rein est réabsorbée (urée filtrée: 1225 mmol/kg.h - urée excrétée: 115 mmol/kg.h).

Pour contrôler les gains de NaCl, ces espèces boiront peu, limitant ainsi une voie d'entrée importante. Un peu du NaCl en excès sera éliminé avec les urines qui sont isotoniques au sang. Ces mécanismes ne suffisent évidemment pas à contrebalancer les entrées par diffusion et l'excès de NaCl doit être éliminé par des organes sécréteurs "extra-rénaux". Chez les sélaciens il s'agit de la glande rectale, un organe situé au niveau du cloaque, à la fin du tractus digestif, qui peut produire un liquide hypertonique au sang. Les mécanismes d'élimination de l'excès de NaCl chez les chimères et les cœlacanthes sont à l'heure actuelle très peu connus.

2.2.2. Les espèces hypoosmotiques
On retrouvera dans ce groupe tous les vertébrés marins à partir des poissons téléostéens ainsi que quelques crustacés marins. Comme les sélaciens , ces animaux ont une concentration en NaCl sanguine largement inférieure à celle du milieu extérieur. Il leur faudra donc limiter les gains diffusionnels et les contrebalancer par excrétion active. De plus, l'osmolarité du sang est également largement inférieure à celle du milieu extérieur. Il faudra donc combattre une tendance permanente à la déshydratation. Cette tendance sera plus ou moins importante suivant les caractéristiques de perméabilité des téguments extérieurs. Elle sera grande chez les téléostéens et nettement plus faible chez les reptiles, oiseaux ou mammifères, espèces revenues secondairement au milieu marin et ayant gardé les caractéristiques de faible perméabilité à l'eau de leurs ancêtres terrestres. Chez la plupart de ces espèces, la tendance à la perte d'eau sera compensée par la boisson. Certaines espèces boivent donc beaucoup; c'est le cas des poissons téléostéens, chez d'autres espèces cependant ou la perméabilité tégumentaire à l'eau est particulièrement faible, boire n'est plus une nécessité et la prise de nourriture peut suffire à procurer l'eau requise pour effectuer la balance hydrique. C'est semble-t-il le cas des mammifères marins qui boivent très peu. Les lions de mer californiens en captivité peuvent par exemple rester très longtemps (plusieurs semaines) sans boire, la balance hydrique étant effectuée uniquement à partir de la nourriture qui leur est donnée.

L'eau soit bue, soit ingérée avec ou contenue dans la nourriture sera transférée vers le sang au niveau intestinal. Ce processus est consécutif à un transport actif de NaCl de la lumière intestinale vers le sang (voir plus loin et surtout livre II: physiologie cellulaire). Le NaCl impliqué dans l'entrée d'eau va donc s'ajouter aux gains par diffusion via les téguments. Un peu de ce NaCl sera éliminé avec les urines. Ces urines sont cependant peu abondantes pour ne pas aggraver la perte d'eau. Elles sont par ailleurs au mieux isotonique au milieu extérieur en NaCl, sauf chez les mammifères marins. L'élimination par cette voie ne sera donc pas suffisante, sauf chez les mammifères.

L'essentiel des hypoosmotiques marins va donc utiliser des glandes sécrétrices "extra-rénales" pour éliminer l'excès de NaCl. Comme chez les sélaciens, il s'agit d'organes pouvant réaliser un transport actif de NaCl contre gradient. Cette excrétion active de NaCl aura lieu au niveau des branchies chez les poissons et au niveau de glandes dites "à sel", linguales, sub-linguales ou nasales chez les reptiles et les oiseaux. Le tableau 1-3 reprend à titre d'exemple, un comparatif des productions urinaires et des glandes nasales chez un goéland pendant 175 minutes après l'ingestion d'eau de mer. On remarquera une augmentation de volume des deux côtés mais surtout une concentration en Na+ largement supérieure à celle du sang dans le fluide sécrété par la glande nasale. L'urine, elle, reste à une concentration en Na+ inférieure à celle du sang.

TABLEAU 1-3
Production de fluide au niveau du cloaque et des glandes nasales d'un goéland
pendant 175 min après ingestion de 134 ml d'eau de mer (± 1/10 du poids de l'animal)

Glandes nasales Cloaque
Temps (min) Volume (ml) Na+ (mM) Volume (ml) Na+ (mM)
15
40
70
100
130
160
175
  2,2
10,9
14,2
16,2
  6,8
  4,1
  2,0
 -------
  56,3
798
756
780
776
799
800
780
  5,8
14,6
25,0
12,5
  6,2
  7,3
  3,8
  -------
  75,2
38
71
80
61
33
10
12
D'après Schmidt-Nielsen 1983, modifié.

Chez les mammifères marins, c'est le rein qui va se charger de l'excrétion de l'excès de NaCl. Le rein de ces espèces, contrairement à celui de toutes les autres, est en effet capable de produire une urine très hypertonique au sang en NaCl. La baleine peut par exemple produire une urine dont la concentration en Cl- atteint plus de 800 mmol/l alors que le sang est à quelque 145 mmol/l. Chez les autres mammifères la capacité de concentration du rein en NaCl est nettement moins élevée, ce qui les rend incapables d'effectuer une balance hydrique positive à partir de l'ingestion d'eau de mer (tableau 1-4).

TABLEAU 1-4
Effet de l'ingestion d'un litre d'eau de mer sur la production d'urine chez l'homme et la baleine

 Eau de mer consommée Urine produite Balance hydrique
Cl (mM) Volume (ml) Cl (mM) Volume (ml) (ml)
Baleine
Homme
1000
1000
535
535
 820
400
  650
1350
+ 350
 - 350
D'après Schmidt-Nielsen 1983, modifié.

2.2.3. Les espèces hyperosmotiques
Ce groupe comprend toutes les espèces d'eau douce ainsi que la plupart des animaux euryhalins (sauf osmoconformes) lorsqu'ils sont en milieu dilué. Les hyperosmotiques auront à faire face à des gains d'eau et des pertes de NaCl.

Les entrées d'eau seront d'autant plus importantes que la perméabilité à l'eau des téguments est élevée. Les vertébrés à partir des reptiles ont conservé la perméabilité tégumentaire basse de leurs ancêtres terrestres. Leurs problèmes hydriques seront donc moins importants que ceux des invertébrés, des poissons et des amphibiens vivant en eau douce. Les espèces d'eau douce boivent donc en général très peu ou pas du tout de façon à limiter leurs entrées d'eau. Elles forment par ailleurs une urine abondante pour éliminer l'eau entrant essentiellement par diffusion via les surfaces tégumentaires.

En ce qui concerne les pertes diffusionnelles de NaCl, elles seront limitées par la production d'une urine très hypotonique au sang en NaCl. Tous les animaux d'eau douce sont capables d'effectuer une réabsorption de NaCl au niveau rénal. C'est également le cas des poissons euryhalins. Seuls les invertébrés marins euryhalins paraissent incapables de produire une urine peu concentrée en NaCl (cfr. tableau 1-5; C. maenas, C. magister, E. sinensis). Ces pertes seront compensées par les apports alimentaires lorsqu'elles ne sont pas trop importantes. C'est le cas chez les espèces ayant une perméabilité tégumentaire basse (reptiles, oiseaux, mammifères, insectes). Chez les crustacés ainsi que chez les poissons et les amphibiens, la perméabilité tégumentaire est élevée et les apports alimentaires ne suffisent pas. Ces espèces doivent en fait "pomper" activement des ions Na+ et Cl- dans le milieu extérieur pour assurer leur balance ionique. Ce sont les branchies qui effectuent ce travail chez les crustacés et les poissons. Chez les batraciens le transport d'ions est assuré par la peau. Les mécanismes intimes de ces systèmes de transport seront envisagés dans le livre II traitant de la physiologie cellulaire.

TABLEAU 1-5
Fonction urinaire chez différentes espèces hyperosmorégulatrices

Habitat
Milieu
d'adaptation
Production
d'urine
Na+
  U/S            efflux
Osmolarité
U/S
Crustacés euryhalins
Carcinus maenas EM
40% EM
1,8
8,8
0,92
0,95
0,69
3,76
0,98
-
Cancer magister EM
50% EM
0,6
4,9
0,83
0,85
0,27
1,54
0,96
0,97
Eriocheir sinensis ED 1,7 1,07  0,54 0,99
Astacus fluviatilis ED 3,4 0,03  0,02 -
Poissons euryhalins
Anguilla anguilla ED 0,6 0,04     0,004 -
Platichthys flesus ED 1,8 0,03   0,03 0,37
Salmo gairdneri ED 4,7 0,07   0,05 0,15
Carassius auratus ED 1,4 0,08   0,02 0,12
La production d'urine est donnée en ml/kg.h, celle de Na+ (efflux) en mmol/kg.h. - U/S: rapport urine/sang, soit de la teneur en Na + soit de l'osmolarité - EM: eau de mer, ED: eau douce.

Un problème particulier concerne les protozoaires et les cœlentérés d'eau douce. Ces espèces sont capables de maintenir des concentrations tissulaires en Na, K et Cl supérieures à celles de leur milieu extérieur. On ne trouve cependant chez elles aucunes des structures impliquées chez les autres dans les mécanismes d'osmorégulation en milieu dilué.

Les protozoaires d'eau douce sont tous pourvus de vacuoles pulsatiles (une ou plusieurs) qui interviennent clairement dans l'élimination de l'eau qui envahit le cytoplasme par diffusion. Ces structures sont en général absente chez les espèces marines et parasites, isosmotiques à leur milieu extérieur. Le rythme de contraction des vacuoles est fonction de l'osmolarité du milieu; il décroît jusqu'à l'arrêt lorsque l'osmolarité extérieur atteint des valeurs de 90 à 120 mOsm/l, correspondant en gros à l'osmolarité moyenne du liquide intracellulaire. Le remplissage des vacuoles parait associé à un transport actif d'ions (Na+ et/ou Cl-); l'eau suit par mouvement osmotique. Le liquide vacuolaire est finalement expulsé par contraction. Chez de nombreux infusoires ciliés, la vacuole a un orifice permanent par lequel le liquide produit peut s'écouler en continu.

Les études concernant les cœlentérés restent à ce jour très peu nombreuses. Elle ne concernent de plus que deux espèces de cnidaires à des stades très différents: polype pour Hydra et méduse pour Craspedacusta. Ces organismes, comme tous les cœlentérés d'eau douce, sont animés de contractions rythmiques. La fréquence de ces contractions est d'autant plus basse que l'osmolarité du milieu extérieur augmente. Le mécanisme d'expulsion d'eau actuellement proposé fait dès lors intervenir un transport actif d'ions (Na et/ou Cl) des cellules de l'endothelium vers la cavité entérique; l'hyperosmolarité locale ainsi engendrée provoque un mouvement d'eau des cellules et de la mésoglée vers cette cavité. L'eau est ensuite expulsée par la bouche à la faveur des contractions.

2.2.4. Les hyper - hypoosmorégulateurs
Comme nous l'avons déjà signalé, certaines espèces euryhalines, essentiellement des poissons mais aussi quelques crustacés, peuvent maintenir une osmolarité sanguine supérieure à celle du milieu extérieur lorsqu'il est dilué et inférieure à celle-ci lorsque le milieu est concentré (2.1.2.). Ces espèces auront donc les problèmes des hyperosmorégulateurs en eau douce et ceux des hypoosmorégulateurs en eau de mer. Les solutions apportées seront celles déjà décrites pour ces deux groupes. Ainsi une anguille ou un saumon par exemple boiront nettement moins en eau douce qu'en eau de mer. Ils produiront par contre une urine plus abondante en milieu dilué qu'en milieu concentré. Les branchies seront impliquées soit dans une expulsion de NaCl en eau de mer soit dans un pompage de NaCl en eau douce. Ce résultat n'est pas obtenu par inversion du mécanisme de transport; l'ion activement transporté par les branchies des animaux en eau douce est le Na+. Il s'agit du Cl- chez les animaux en eau de mer. Lors du passage de l'eau de mer à l'eau douce, les mécanismes de transport du Na+ sont activés alors que ceux responsables du transport de Cl- sont inhibés. L'inverse se produit lors de la migration inverse (cfr. Physiologie cellulaire). Il semble également que, chez les poissons du moins, le passage en eau douce puisse induire une diminution de perméabilité à l'eau et aux ions des surfaces tégumentaires.

2.3. Osmorégulation chez les animaux terrestres

Les animaux terrestres auront à faire face à des pertes d'eau et de NaCl. Un des aspects essentiels de la vie terrestre est le danger de déshydratation. Deux embranchements animaux seulement ont réussi pleinement leur adaptation au milieu terrestre. Il s'agit des arthropodes et des vertébrés, à partir des reptiles. On rencontre bien quelques mollusques et même un amphibien dans des milieux désertiques mais ceux-ci représentent des exceptions. La plupart des invertébrés autres qu'arthropodes de même que les vertébrés inférieurs aux reptiles n'arrivent à se maintenir en milieu terrestre que par le choix d'un habitat suffisamment humide. Ces espèces ont en général une perméabilité tégumentaire élevée et donc peu de résistance à la perte d'eau.

La résistance à la perte d'eau est donc un facteur limitant de la pénétration des espèces en milieu terrestre. Pour un même type de tégument, l'évaporation sera d'une part fonction du rapport surface/volume de l'animal considéré. Dans les mêmes conditions, un petit animal perdra plus d'eau qu'un gros par unité de poids. Les pertes d'eau varieront d'autre part considérablement avec les conditions extérieures (température, degré hygrométrique, vitesse du vent). L'importance de ces paramètres fait que, chez les animaux à perméabilité élevée, le comportement intervient de façon souvent prépondérante dans la survie en milieu terrestre. Chez les animaux bien adaptés, la perméabilité à l'eau des surfaces tégumentaires est en général très basse, de l'ordre de 50 à 100 fois inférieure à celle des autres (tableau 1-6), les pertes par évaporation se situant entre 0,5 et 50 mg H20/h.cm2 pour une tension de vapeur de 1 mm Hg. Ces espèces pourront donc rester dans un air sec et chaud plus longtemps que les autres. Les adaptations comportementales n'en sont pas moins importantes pour autant. Ces problèmes sortent du cadre de ce chapitre. Ils seront discutés dans la partie consacrée à l'écophysiologie.

TABLEAU 1-6
Evaporation tégumentaire chez différentes espèces

Espèce Evaporation Espèce  Evaporation    
Ver de terre
Grenouille
Salamandre
Escargot actif
400
300
600
870
Rat
Iguane
Vers de farine
Escargot inactif
46
10
  6
39
Les valeurs sont données en mg H 2O/h.cm2 pour une tension de vapeur au niveau de la surface tégumentaire de 1 mm Hg.

Les pertes d'eau auront lieu via les surfaces tégumentaires, les urines et les fèces ainsi que via des sécrétions spécialisées (glandes sudoripares, lacrymales, etc...) ou encore via les surfaces respiratoires (les échanges gazeux se faisant toujours en milieu aqueux, l'air au niveau des épithélia respiratoires ainsi que l'air exhalé sont saturés en eau - cfr. chapitre 3). La perte via les surfaces respiratoires et tégumentaires représente en gros de 60 à 80 % des pertes totales, les pertes respiratoires intervenant dans ce total pour 20 à 40 %. Les pertes via les fèces et les urines ne représentent donc en général que 20 à 40 % des pertes totales. Les animaux terrestres auront en général des fèces peu hydratés et une urine peu abondante, très concentrée. Chez certaines espèces, le type d'excrétion azotée évolue, passant de l'ammoniaque à l'urée ou à l'acide urique en fonction de la disponibilité en eau, pour permettre une concentration maximale des urines. Certains insectes peuvent ainsi produire des excreta plus secs que l'air dans lequel ils vivent. Tous les animaux terrestres seront en fait caractérisés par une capacité importante de récupération d'eau au niveau rénal (voir plus loin).

Les pertes de NaCl auront lieu via l'excrétion. Chez certaines espèces, des glandes spécialisées vont intervenir de façon non négligeable dans ces pertes. C'est par exemple le cas des glandes sudoripares chez les animaux utilisant la transpiration comme moyen de thermorégulation (cfr. écophysiologie, chapitre 12). Ces pertes sont largement limitées par la capacité, généralisée chez les animaux terrestres, à former une urine largement hypotonique au sang en NaCl.

Les gains en eau et en NaCl seront assurés essentiellement par l'alimentation (boisson et nourriture). Certains arthropodes disposent par ailleurs de mécanismes particuliers leur permettant d'absorber la vapeur d'eau de l'air ambiant lorsque l'humidité relative est de 70 % ou plus. Ces mécanismes restent à l'heure actuelle assez mal connus. Chez Arenivaga sp., un crabe du désert, ils paraissent associés à deux structures de type vésical présentes dans l'hypopharynx. Dans d'autres cas le site d'absorption ne serait pas buccal mais rectal.

Chez certaines espèces les pertes d'eau sont suffisamment limitées pour qu'un accès à l'eau libre (boisson) ne soit pas indispensable à la réalisation de la balance hydrique. Des rats kangourou, Dipodomys spectabilis, ont par exemple été maintenus plus d'un mois sans accès à l'eau avec pour toute alimentation des graines de céréales ne contenant que 6 % d'eau. L'essentiel de la balance hydrique est assuré dans ces conditions par de l'eau métabolique provenant de l'oxydation des métabolites de la graine. Sur quelques 4 semaines à 15 % et à 20 % d'humidité relative, un rat kangourou d'environ 75 g va perdre 60 ml d'eau dont 44 par évaporation, 2,5 via les fèces et 13,5 via les urines. Il mangera 100 g de grains qui lui amèneront 6 ml d'eau absorbée et 54 ml d'eau métabolique (d'après Schmidt-Nielsen, 1983).

Dans bien des cas, l'eau n'est pas toujours accessible librement. Certaines espèces n'auront accès à l'eau que périodiquement (climats désertiques). Bon nombre d'animaux terrestres, invertébrés comme vertébrés, font montre dans ce cadre, d'une certaine capacité à supporter des variations non négligeables d'osmolarité sanguine et donc à survivre à une certaine déshydratation. Nombre d'invertébrés, crabes et insectes, pourront ainsi supporter des pertes de 20 à 50 % de leur eau corporelle, parfois plus, sans problème apparent. Il en va de même chez les reptiles et amphibiens qui pourront aller ainsi jusqu'à 60 % de perte. Même chez les mammifères, classiquement considérés comme homéosmotiques, certaines espèces désertiques (chèvres, chameaux) pourront supporter des pertes de 20 à 35 % de leur eau corporelle. Dans ces situations, comme dans bien d'autres, la survie devient essentiellement dépendante de la capacité des cellules à supporter des modifications d'osmolarité de leur milieu environnant.
 

Figure 1-12


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