CHAPITRE 3
Echanges gazeux


1. Echanges gazeux et énergétique cellulaire

1.1. Présentation générale : aérobie - anaérobie

1.2. Métabolisme aérobie

1.3. Métabolisme anaérobie

1.3.1. Anaérobies stricts - anaérobies facultatifs

1.3.2. Anaérobie temporaire

1.3.3. La dette d'oxygène

1.1. Présentation générale: aérobie - anaérobie

Les gaz échangés dans le processus respiratoire sont l'oxygène et le dioxyde de carbone. En fait, la respiration au sens strict du terme ne concerne que les échanges gazeux entre un organisme et son milieu extérieur. Dans ce cadre, l'étude de la respiration devrait donc être limitée à l'étude des systèmes (dits respiratoires) qui permettent ces échanges. Nous allons cependant nous intéresser tout d'abord brièvement aux processus métaboliques qui sont à la base de l'utilisation de l'oxygène et de la production du CO2. Nous envisagerons ensuite quelques notions de bioénergétique avant d'envisager les systèmes respiratoires proprement dits.

Tous les animaux sont des organismes hétérotrophes. Ils obtiennent l'énergie qui leur est nécessaire par oxydation de différents composés obtenus pour l'essentiel par voie alimentaire ou, parfois aussi mais dans une mesure nettement moindre, dans le cadre d'une symbiose, (cfr. chapitre 5). Les produits de base obtenus par l'alimentation sont des hydrates de carbone, des lipides et des protéines. L'énergie produite par leur oxydation est stockée sous forme d'ATP au cours de réactions biochimiques complexes que nous ne ferons que résumer ci-après, leur étude détaillée relevant de la biochimie.

Les éléments macromoléculaires obtenus par l'alimentation sont tout d'abord métabolisés par voie digestive (cfr. chapitre 5) en sucres, acides aminés, glycérol et acides gras. Ces composés sont alors assimilés et leur sort est lui-même réglé au niveau cellulaire par différentes séquences métaboliques (glycolyse, cycle des acides gras et shunt des pentoses) pour donner de l'acétyl coenzyme A, de l'acide a-cétoglutarique ou de l'acide oxaloacétique (figures 3-1, 3-2, 3-3). L'ATP peut être formé à partir de ces composés dans des séquences dites aérobies, nécessitant de l'oxygène ou en l'absence d'oxygène, dans des séquences dites anaérobies.

Figure 3-1

Figure 3-1: Représentation schématique des étapes essentielles du métabolisme oxydatif. Oxydation, fourniture d'équivalents de réduction (H+) et d'énergie (ATP) à partir des composés alimentaires majeurs, après digestion et assimilation.

 

Figure 3-2

Figure 3-2: La glycolyse: une séquence cytoplasmique allant du glucose au pyruvate avec production de 2 môles d'ATP par môle de glucose. Il y a également production de 4 môles d'équivalents de réduction (H+) sous forme de NADH qui seront utilisés dans une séquence aérobie ( figure 3-4) ou anaérobie (figure 3-6) en fonction de l'organisme considéré et de la disponibilité en oxygène.

 

Figure 3-3

Figure 3-3: Le cycle des pentoses ou shunt des hexoses monophosphates: un shunt de la glycolyse partant du glucose -6P pour donner du fructose -6P, du glycéraldéhyde -3P et des équivalents de réduction (H+) sous forme de NADPH. Contrairement à la glycolyse, cette séquence ne fournit pas directement d'ATP. (*) les réactions envisagées concernent des interconversions de sucres par transaldolisation (*1) ou transcétolisation (*2): par exemple Xylulose -5P + Erythrose -4P Fructose -6P + Glycéraldéhyde -3P.

1.2. Métabolisme aérobie

Dans le système aérobie, l'acétyl coenzyme A, l'acide a-cétoglutarique et l'acide oxaloacétique provenant du métabolisme sont oxydés en CO2 dans le cycle des acides tricarboxyliques ou cycle de Krebs (figure 3-4) avec production "d'équivalents de réduction" (H+) fixés sur du NAD ou de FAD. Les équivalents de réduction sont alors utilisés dans le système de transfert d'électrons que constitue la chaîne respiratoire et auquel est couplée une synthèse d'ATP à partir d'ADP et de phosphate inorganique (figure 3-5). Dans cette séquence, l'oxygène est le dernier accepteur d'électrons.

Figure 3-4

Figure 3-4: Deux séquences d'oxydation mitochondriales: oxydation des acides gras en provenance des lipides (cycle de Lynen) et cycle de Krebs. Il y a production d'équivalents de réduction sous forme de NADH, NADPH et FADH2 qui seront utilisés en aérobie dans la chaîne respiratoire (cfr. Figure 3-5). Ces séquences sont mitochondriales; le pyruvate et les acides gras sont transportés du cytoplasme vers la matrice des mitochondries.

Le fonctionnement du système cycle de Krebs - chaîne respiratoire ainsi que la réoxydation du NADH et du FADH2 et la synthèse d'ATP qui lui est associée ne sont donc possible qu'en présence d'oxygène. Cette séquence n'a par ailleurs lieu que dans les mitochondries (figures 3-5 et 3-6); l'ATP formé est transporté dans le cytoplasme alors que le CO2 diffuse vers celui-ci à travers la double membrane mitochondriale.

Figure 3-5

Figure 3-5: La chaîne respiratoire: catalyse le transfert de 2 électrons à 1/2 O2 auquel est couplé une formation d'ATP. A: Les électrons libérés lors de l'oxydation du NADH et du FADH2 sont véhiculés jusqu'à l'oxygène le long d'une chaîne de transporteurs d'électrons groupés en 4 complexes multiprotéiques dans la membrane interne des mitochondries. B: L'activité des complexes I, III et IV est associée à une éjection de protons du milieu matriciel des mitochondries vers le cytoplasme. L'énergie accumulée dans le gradient de H+ ainsi formé peut être utilisé à la phosphorylation d'ADP en ATP. La diffusion de 3H+ est nécessaire à la formation d'un ATP. L'oxydation d'un NADH permet donc la formation de 3 ATP.

1.3. Métabolisme anaérobie

En l'absence d'oxygène, la séquence décrite au paragraphe précédent ne peut pas fonctionner. La production d'ATP n'est alors plus assurée que par des phosphorylations dites "au niveau du substrat" (par opposition aux phosphorylations dites oxydatives qui s'opèrent en chaîne respiratoire en présence d'oxygène). Dans ces systèmes, la formation d'ATP est directement liée à la fermentation (oxydation sans oxygène) de métabolites. Chez les animaux, le système essentiel de fourniture d'ATP en anaérobie est lié à l'oxydation du glucose dans la glycolyse (figures 3-2 et 3-6). Selon la voie empruntée, l'oxydation d'une mole de glucose fournira entre 2 et 6 moles d'ATP. Le rendement est donc nettement inférieur à celui du système aérobie dans lequel l'oxydation d'une mole de glucose produira 36 moles d'ATP (figure 3-6). Dans la séquence glycolytique, des équivalents de réduction sont produits, qui réduisent du NAD en NADH. Si ce NADH ne pouvait être réoxydé, la glycolyse s'arrêterait rapidement, privant les cellules d'énergie. En aérobie cette réoxydation s'effectue via la chaîne respiratoire. En anaérobie, elle peut être assurée par différentes réactions d'oxydoréduction aboutissant à la formation de différents produits qui sont accumulés pour être soit rejetés dans le milieu extérieur soit oxydés ultérieurement en phase aérobie. Ces produits varient avec les organismes considérés (figure 3-6 et section suivante). Un examen rapide des figures 3-1 à 3-6 montre par ailleurs que seuls les hydrates de carbone et quelques acides aminés comme l'aspartate peuvent être oxydés en anaérobie. Les lipides et les protéines sont eux métabolisés en produits entrant directement dans le cycle de Krebs et ne pourront dès lors être oxydés que par le système aérobie.

1.3.1. Anaérobies stricts - anaérobies facultatifs
Si la plupart des organismes sont aérobies, un certain nombre d'entre eux, qualifiés d'anaérobies stricts, vivent en permanence dans des milieux sans oxygène. C'est le cas des vers parasites intestinaux par exemple. Chez les helminthes, les produits terminaux majeurs du métabolisme énergétique sont le succinate et le propionate. Ces produits sont, avec l'alanine, les composés majeurs accumulés par différents mollusques intertidaux, bivalves notamment, lorsqu'ils sont exondés à marée basse. Ces animaux sont considérés comme anaérobies facultatifs. Ils ont une respiration branchiale qui assure un approvisionnement en oxygène lorsqu'ils sont dans l'eau. A marée basse, ils s'isolent du milieu extérieur pour éviter la déshydratation et le liquide paléal qui baigne les branchies s'appauvrit rapidement en oxygène. Ces organismes passent alors en phase anaérobie. Sont également anaérobies facultatifs les espèces de poisson (carpes, dipneustes), d'amphibiens ou de reptiles aquatiques (différentes tortues d'eau douce) qui vont hiverner ou estiver parfois pendant plusieurs mois dans des milieux dont la tension en oxygène dissout peut devenir très basse. Dans ces conditions, ces vertébrés vont accumuler des quantités appréciables de lactate (voir plus loin) mais aussi de succinate et de propionate.

1.3.2. Anaérobie temporaire
Les organismes aérobies ne peuvent vivre longtemps sans oxygène. Leurs activités tissulaires s'accommodent mal du faible rendement énergétique de la glycolyse anaérobie. La plupart des tissus peuvent cependant supporter un manque d'oxygène sur des périodes courtes de quelques heures. Certains tissus supportent mieux cet anaérobie temporaire que d'autres. Chez les mammifères par exemple, les muscles squelettiques supportent relativement bien le manque d'oxygène, le muscle cardiaque nettement moins bien et le tissu nerveux très mal. Un muscle chez l'homme pourra ainsi survivre plusieurs heures en anoxie alors que le cerveau ne tiendra guère plus de 2 minutes. Notons par ailleurs que, chez les mammifères, les globules rouges n'ont à maturité ni noyau ni mitochondries. Ces cellules sanguines utiliseront donc un métabolisme anaérobie en permanence. Dans ces systèmes d'anaérobie temporaire ou permanent, le produit terminal accumulé dans la réaction permettant la réoxydation du NADH est variable. Chez tous les vertébrés, il s'agit essentiellement du lactate. Celui-ci est produit à partir du pyruvate à l'intervention d'une déshydrogénase du lactate. Chez de nombreux invertébrés, la déshydrogénase du lactate est remplacée par d'autres déshydrogénases formant, à partir du pyruvate, de l'alanine ou différents imino acides tels qu'octopine, strombine, alanopine ou tauropine (figure 3-6). Dans ces différents systèmes, la production énergétique n'est que de 2 moles d'ATP formés par mole de glucose oxydé. Le système succinate/propionate utilisé par les anaérobies stricts ou facultatifs est plus efficace puisqu'il permet des rendements énergétiques de 4 ATP pour 1 glucose (succinate) ou de 6 ATP pour 1 glucose (propionate).

Figure 3-6

Figure 3-6: Métabolisme oxydatif aérobie et anaérobie. En anaérobie, les équivalents de réduction provenant de l'oxydation du glucose sont utilisés à la formation d'une série de produits dérivés du pyruvate, permettant ainsi le maintien de l'activité glycolytique et de la fourniture d'ATP par voies anaérobies. En aérobie, le pyruvate est oxydé en CO2 dans les mitochondries et les équivalents de réduction produits sont utilisés à la formation d'ATP en chaîne respiratoire (C.R.). Ces différentes voies fournissent plus ou moins d'ATP: : 2 ATP, : 4 ATP, : 6 ATP, : 36 ATP.

1.3.3. La dette d'oxygène
Le métabolisme anaérobie présente différents désavantages par rapport au système aérobie. Tout d'abord, son rendement énergétique est, comme nous l'avons vu, nettement inférieur. Ensuite, il implique l'accumulation de produits qui vont modifier la balance acide - base du sang et des tissus (cfr. chapitre 4). Ces produits peuvent également influer sur l'activité de différentes séquences métaboliques. Par ailleurs, cette accumulation représente une perte d'énergie si les produits sont excrétés au lieu d'être oxydés dans le système aérobie lorsque l'oxygène est redevenu disponible. Chez les vertébrés, l'acide lactique produit par le métabolisme énergétique en période anaérobie est oxydé et sert à la production d'ATP par le système aérobie après le retour en conditions normales. Dans ce système, l'acide lactique accumulé représente en fait ce qu'il est convenu d'appeler une "dette" d'oxygène. En fin de période anaérobie, on remarque une augmentation de la consommation d'oxygène qui est proportionnelle à la quantité de lactate accumulée (figure 3-7). Cette augmentation de consommation d'oxygène correspond au "payement" de la dette; elle est censée être équivalente à la quantité d'oxygène qui aurait du être consommée s'il n'y avait pas eu de période anoxique. Chez les invertébrés, le métabolisme anaérobie engendre également une dette d'oxygène. L'amplitude du payement effectué, en terme d'augmentation de consommation d'oxygène, est ici éminemment variable en fonction des organismes considérés. L'activité métabolique est en effet variable chez de nombreux invertébrés en fonction de la disponibilité en oxygène, ce qui n'est pas le cas chez les vertébrés (voir plus loin). Si le métabolisme diminue, la production de produit terminal (lactate ou autre) sera moindre que celle normalement prévue. Il en résultera une augmentation de consommation d'oxygène moindre également.

 
Figure 3-7
 
Figure 3-7: Dette d'oxygène et payement chez les vertébrés. A: Période anaérobie et établissement de la dette par accumulation de lactate. B: Payement de la dette, l'augmentation de QO2 correspond à l'oxydation du lactate accumulé pendant la dette.
 

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