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CONDUITE A TENIR DEVANT UNE EPAULE DOULOUREUSE

 

I. INTRODUCTION

II. Savoir examiner une scapulalgie

 

Il comporte un temps systématique de débrouillage qui doit permettre d’orienter le diagnostic, puis un temps de manoeuvre plus orientée.

1. L’examen de débrouillage

Il est réalisé patient torse nu. L’inspection recherchera une asymétrie et on demandera au patient de préciser avec son index controlatéral le siège et les irradiations de la douleur. Puis, on étudiera la mobilisation en trois temps.

Les mouvements scapulaires : ils vont explorer les articulations, rechercher des lésions tendineuses de la coiffe des rotateurs et dépister éventuellement une paralysie d’un des nerfs assurant la motricité de l’atriculation.

On mesurera la mobilité passive de l’épaule et on notera les éventuelles limitations par rapport au côté controlatéral de l’antépulsion, des rotations ou de l’abduction. On demandera ensuite au patient de réaliser activement une abduction, des rotations et une antepulsion. On note la douleur décrite et surtout l’éventuelle limitation. La recherche passive et active de ces mouvements se recherche suivant une methodologie précise:

L’élévation du bras : elle se réalise dans le plan saggital (antepulsion à 180°) puis frontal abduction (80°). L’examinateur étudiera passivement les mouvements. Si l’actif est impossible ou limité, il recherchera alors le ou les arcs douloureux en notant l’angulation d’apparition.

La rotation externe : elle se recherche passivement, le patiente coude au corps sur la ligne axillaire moyenne. Elle est d’environ 80°. On notera alors sa limitation éventuellement douloureuse. L’exploration active consiste à placer passivement l’épaule à 80° et à demander au patient de garder l’attitude : le retour à la position de repos en " battant de porte de saloon " signe une atteinte de la coiffe soit dégénérative, soit nerveuse (paralysie du nerf sus scapulaire).

La rotation interne s’effectue passivement en cherchant à mettre le poignet dans le dos du patient (celle-ci est de 90°). Sa limitation assez rare se mesure en notant la position extrême du poignet (poignet EIAS, poignet EIPS, poignet D12..D4.)

Les contractions isométriques : elles terminent l’examen de débrouillage et sont indispensables pour explorer les 6 groupes agonistes de l’épaule

Abduction contrariée

manoeuvre de Job: elle consiste à demander au patient de résister à une pression réalisée par l’examinateur au niveau des coudes du patient; celui-ci maintenant ses bras en abduction à 90° l’avant bras en suppination. La douleur au niveau de l’épaule signe une souffrance tendineuse tandis que l’impossibilité de tenir la position fait suspecter une rupture du tendon du sus épineux.

palm-up test: ellle consiste à demander au patient de réaliser une antepulsion à 90°, en pronation.Un appui sur la face anterieur des poignets est alors réalisé par l’examinateur. La douleur à l’épaule (mais aussi dans le bras) fait suspecter une tendinite du long biceps tandis que l’impossibilité de tenir la position fait évoquer la rupture du tendon.

Rotation interne contrariée à sous scapulaire

Rotation externe contrariée à sous épineux, petit rond

Flexion du coude contrariée à biceps, brachial antérieur, long suppinateur

Extension coude contrariée à triceps

L’examen neurologique attentif recherchera le déficit moteur ou la douleur à l’effort.

2. Au terme de cet examen clinique de débrouillage, le clinicien peut completer son examen par un bilan radiologique minimum...

qui comprend un clicher de face en rotation neutre, interne et externe. Dans le cadre d’un examen clinique général, l’analyse sémeiologique d’une douleur de l’épaule permet dans 90% des cas, d’établir immédiatement le diagnostic étiologique que l’on présente en fonction des données de l’examen de l’épaule. On distingue les épaules douloureuses à amplitude normale avec une mobilisation passive identique à l’active et les épaules douloureuses à amplitude diminuée.

III. Les épaules à amplitude normale ou subnormale passif = actif ±

A. avec signes isométriques cohérents

si intensité douloureuse faible ou modérée à tendinite

si intensité douloureuse forte et signes isométriques déficitaires à rupture de coiffe partielle.

La palpation de points spécifiques, la recherche d’un accrochage sous acromial permettra d’étayer l’un ou l’autre diagnostic. On peut aussi s’aider de tests thérapeutiques : infiltration de 2-5 ml de xylocaïne qui supprime en cas de tendinite ou de rupture partielle la limitation douloureuse. En cas de doute on poussera les investigations (voir tableau de PSH).

B. avec signes isométriques indolores

1. Le conflit anterieur sous acromial de Neer au début:

Il s’agit d’une lésion tendineuse du sus épineux sous l’arche acromio-coracocoïdien responsable de crises douloureuses de l’épaule de quelques jours aux mouvements d’abduction vers 40-60°. La lésion peut évoluer vers la rupture de coiffe. Le bilan radio est normal au début mais s’aggrave avec l’apparition d’ostéophytes sous acromial et la perte du ceintre gléno-huméral qui signe la rupture du tendon. L’infiltration de xylocaïne en sous acromial anterieur fait disparaitre la douleur à l’abduction.

2. rechercher une épaule instable

Le plus souvent ATCD de luxation. Sensation de luxation imminente à la manoeuvre de l’armé de bras. Déclenchement d’une douleur à la rétropulsion horizontale.
Mobilité anormale de la tête de l’humérus mobilisée d’avant en arrière
Omoplate bloquée (signe du piston)

C. avec signes isométriques inconhérents

Dans ces tableaux où les douleurs d’épaules sont associées à une mobilité passive douloureuses alors que la mobilisation active et les manoeuvres isométriques sont négatives, on recherchera les lésions articulaires : sternoclaviculaire et acromioclaviculaire (arthrose et luxation) qui sont douloureuses en fin de mouvement. On se méfiera aussi de la tendinite du long biceps particulièrement trompeuse (palm-up test indolore mais douleur à la mise en tension du biceps).

IV. Les épaules dissociées actif/passif : passif normal, actif limité

Elles se rencontrent essentiellement dans les suites de tableaux aigus neurologiques ou traumatiques:

La paralysie du trapèze: (15-25° à l’antepulsion)

La fracture de côte ou des dernières épineuses

La rupture aigue de coiffe

V. Les épaules limitées passif = actif = limité

si unilatérale : la chiffrer comparativement à épaule gelée > épaule arthrosique

si bilatérale : la chiffrer par rapport aux mesures d’amplitude connues à arthrose etc...

A ce stade, l’orientation du diagnostic étiologique est déjà prise. Les examens complémentaires doivent :

assurer le diagnostic (radio simple, biologie inflammatoire)

confirmer à examens spécialisés (arthro, EMG, )

Au terme du bilan, on va différencier

l’épaule douloureuse de la périarthrite scapulohumérale

l’épaule douloureuse en dehors de la périarthrite scapulohumérale

 

A. L’épaule douloureuse de la périarthrite scapulohumérale

Elle représente à elle seule 80 % des motifs de consultation. Anatomiquement elle regroupe toutes les atteintes de la coiffe des rotateurs, que ce soit les simples tendinites, les ruptures partielles (voir paragraphe épaule douloureuse à mobilisation normale), les ruptures sévères ou les bursites sous acromiales calcifiées ou non. Il faut se rappeler que son diagnostic repose essentiellement sur un bon examen clinique où dominent les manoeuvres isométriques. Le recours à des examens complexes comme l’arthroscanner ne se justifie que dans le cas d’un bilan d’extention en vue d’une intervention chirurgicale. La bonne compréhension de l’atteinte du défilé sous acromiocoracoïdien doit permettre l’adaptation de traitements très souvent basés sur la massokinésithérapie. Les infiltrations ou les aspirations triturations de calcification seront réalisées par des experts sous amplificateur de brillance afin de ne pas être préjudiciables.

B. L’épaule douloureuse en dehors de la périarthrite scapulohumérale

On peut les classer artificiellement en causes locales (pathologie de l’articulation glénohumérale) et causes à distance.

1. Les causes locales

L’épaule traumatique

La douleur fait suite à un traumatisme direct ou indirect de l’épaule et le sujet peut se présenter en attitude du traumatisé du membre supérieur et se plaindre de manifestations plus tolérables.

L’examen clinique sera toujours complété d’un bilan radiologique. On distingue alors très schématiquement :

- Les fractures

de l’extrémité supérieure de l’humérus surviennent chez l’adulte ou la personne âgée, intéressent le col chirurgical ou anatomique. L’impotence fonctionnelle totale, l’empâtement ou la déformation du moignon (coup de hache), l’hématome brachio-thoracique d’Henrique, le raccourcissement feront facilement suspecter le diagnostic. On cherchera à éliminer une complication vasculonerveuse avant de proposer un traitement qui reste le plus souvent orthopédique.

de la clavicule : c’est une des fractures les plus fréquentes (15 % de la totalité). On les décrit en 1/3 moyen, 1/3 externe et 1/3 interne. Les fractures du 1/3 externe peuvent donner le change avec la luxation acromioclaviculaire. Traitement orthopédique dans 95 % des cas.

de l’omoplate : à l’inverse, elles sont exceptionnelles (moins de 1 % des fractures). On oppose la fracture de la glène aux autres modalités. Les fractures de la glène peuvent s’associer aux luxations et sont souvent très difficile à voir (recour au scanner)

- Les luxations

Les luxations de la glènohumérale sont dominées par la luxation antéro interne dont le tableau clinique est bien connu. Il faut savoir éliminer une fracture du trochiter et surtout bien les connaitre eu égard aux signes d’évolution vers l’épaule instable. Les autres luxations sont beaucoup plus rares. La luxation postérieure est trompeuse car les reliefs musculaires dorsaux empêchent la palpation correcte. Elles peuvent passer inaperçues surtout pour celles qui entrent dans le cadre des subluxations.

Les luxations acromioclaviculaires réalisent une IFP douloureuse avec une instabilité de haut en bas (signe de la touche de piano). Tous les degrés existent et le traitement peut aller de la technique orthopédique (entorse acromioclaviculaire) jusqu’à la chirurgie.

L'épaule infectieuse

Les arthrites à pyogène

La localisation scapulaire est le plus souvent iatrogène (6O à 70 % des cas). Elle aboutit rapidement à une IFT avec altération de l’état général.

La ponction articulaire est le geste essentiel dans 80 % des cas et elle assure le diagnostic. Le staphylocoque est responsable dans 6O % des cas. Le traitement antibiotique contrôlé en efficacité et tolérance doit être poursuivi au moins 3 semaines par voie parentérale et 6 mois par voie entérale. Bien entendu la mise au repos du membre supérieur est la règle.

Les arthrites tuberculeuses.

Il s’agit d’une ostéoarthrite. Le tableau clinique réalisé est celui d’une scapulalgie trainante sur terrain débilité ou après infiltration mais qui étonne par éventuellement

une amyotrophie remarquable

des adénopathies axillaires

un terrain tuberculeux

L’aspect radiologique associant d’importants defects articulaires à des géodes osseuses

La ponction et éventuellement la biopsie synoviale sont les éléments majeurs du diagnostic.

L’épaule inflammatoire

L’atteinte de l’épaule est courante en rhumatologie inflammatoire.

Dans la PR, les spondylarthropathies séronégatives : elle s’inscrit dns un contexte d’extension du rhumatisme. Parfois elle peut être inaugurale et posera des problèmes diagnostiques. A terme le pincement articulaire diffus, l’érosion des rebords de la tête et du trochiter, l’ostéoporose ponctuée enlèveront finalement la certitude.

Dans les rhumatismes métaboliques, seule la chondrocalcinose articulaire est à citer. Elle peut présenter des poussées évolutives et certains auteurs la tiennent responsables d’arthrose rapidement destructrice de l’épaule.

L’épaule dégénérative

L’arthrose de l’épaule est une des localisations les plus rares, 1 à 2 % du total. Elle n’a aucun caractère clinique particulier, encore qu’elle puisse en imposer pour une PSH à son début. Le bilan radiologique permettra de redresser le diagnostic : pincement global, ostéosclérose, ostéphytose marginale donnant un aspect en tête d’éléphant avec trompe inférieure à l’évolution ( tête + ostéophytose inférieure en goutte). Le traitement est identique.

L’ostéochondromatose : c’est la 3e localisation de cette arthropathie. Elle est le plus souvent asymptomatique et ne nécessite d’un traitement médical.

L’épaule de la maladie hyperostosante : l’hyperostose peut toucher aussi l’épaule et être responsable de raideur et de douleur. Sur les clichés de face, un " acromion barbu ", une enthésopathie trochitérienne, un épaississement de la coulisse bicipitale sont pathognomoniques.

L’épaule sénile : son tableau clinique (douleur, raideur) est l’aboutissement de PSH vieillie et non traitée. Sur le plan radiologique, on assiste à une ostéosclérose de la facette sous acromiale en regard de la tête de l’humérus ascensionnée. Ce sont ces entités qui développent l’état d’hémorragie à répétition.

L’épaule neurotrophique.

Le tableau clinique est celui d’une épaule douloureuse progressivement impotente par une limitation de tous les mouvements de l’articulation. Celle-ci peut s’intégrer dans un tableau clinique plus complet et réaliser le syndrome épaule-main qui associe à des douleurs irradiées, des troubles vasomoteurs. On retrouve dans les ATCD, un traumatisme modéré, la prise d’anticonvulsivants ou la survenue récente d’un infarctus myocardique ou d’une chirurgie thoracique. Le diagnostic est assuré par la scintigraphie ou l’IRM. Son évolution est longue, 6 mois à 2 ans mais se caratérise classiquement par une restitution ad intégrum.

L’ostéonécrose de la tête humérale : c’est une localisation peu fréquente. Elle est souvent associée à l’ONA de hanche et plus rarement bilatérale. Elle présente les mêmes étiologies. Elle réalise au début un tableau de PSH assez facilement contrôlable. Son évolution vers l’arthrose est lente.

Les arthropathies diverses : de nombreuses causes rares peuvent être rendues reponsables d’atteinte de l’articulation

les tumeurs synoviales

la syringomyélie

l’hémophilie etc...

Au terme de ce catalogue, on ne saurait trop insister sur l’importance d’un examen clinique bien conduit, qui à lui seul permet d’apporter un diagnostic étiologique sûr dans plus de 80 % des cas.

 


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