EXAMEN DES SECRETIONS ET EXSUDATS ANO-GENITAUX

Plan du chapitre

1 - Contexte

2 - Objectifs

3 - Prélèvements

1 - Prélèvement dans les deux sexes

2 - Prélèvement du tractus génital chez la femme

3 - Prélèvements génitaux masculins

4 - Transport des prélèvements

4 - Examen bactériologique

1 - Examen direct

2 - Culture

3 - Biologie moléculaire

4 - Antibiogramme

5 - Conclusion

 

1 - Contexte

L'étude des prélèvements de sécrétions et exsudats génitaux ou ano-génitaux est réalisée au laboratoire de bactériologie pour la détection des micro-organismes responsables :

* chez la femme : des cervicites, vulvovaginites, urétrites, salpingites, endométrites, anites, des ulcères anaux génitaux, des infections des glandes de Bartholin ou, en fin de grossesse, d'un portage d'une bactérie potentiellement pathogène pour la mère et/ou l'enfant avant ou au moment de l'accouchement;

* chez l'homme : des urétrites, épididymites, prostatites, anites, ou des ulcères ano-génitaux.

* Un grand nombre de ces infections sont des maladies sexuellement transmissibles, et nécessitent donc l'examen du ou des partenaires sexuels.

* Dans les deux sexes, lors de l'exploration d'une hypofertilité.

 

2 - Objectifs

L'examen bactériologique des sécrétions et exsudats génitaux à plusieurs objectifs :

* séparer les germes pathogènes de la flore génitale normale, en particulier chez la femme ( voir tableau 1),

* diagnostiquer les infections du tractus génital et les vaginoses développées à partir des germes commensaux,

* diagnostiquer les infections sexuellement transmissibles (MST),

* apporter une aide au traitement dans la décision d'instaurer une antibiothérapie, le choix des antibiotiques, le suivi du traitement et de la guérison,

* participer à la prévention des MST avec l'examen du ou des partenaires et la déclaration de ces maladies,

* les infections virales, en particulier herpétiques, présentent une grande importance dans ces contextes mais ne seront pas envisagées ici.

 

 

Tableau 1 : Micro-organismes des voies génitales féminines

Micro-organismes Micro-organismes commensaux Micro-organismes sans

toujours pathogènes éventuellement pathogènes pouvoir pathogène connu

Neisseria gonorrhoeae Candida albicans Lactobacillus

Chlamydia trachomatis Gardnerella vaginales Corynebacterium

Trichomonas vaginales Mobiluncus spp Neisseria autres que gonorrhoeae

Herpès virus Mycoplasma, Ureaplasma Staphylocoques non aureus

Staphylococcus aureus

Streptococcus spp

Anaérobies strictes

Entérobactéries

Papillomavirus

 

3 . Prélèvements

La qualité des prélèvements, effectués autant que possible au laboratoire, et des renseignements cliniques conditionne la pertinence des résultats bactériologiques. Les prélèvements effectués au laboratoire, par le biologiste, permettent de noetr l'aspect des lésions et de la leucorrhée (en particulier l'aspect et l'odeur évocateurs d'une vaginose ou d'une candidose).

Chez la femme, l'une des précautions majeures dans le diagnostic des infections hautes visera à éviter les contaminations par les germes du bas appareil.

 

 

1 - Prélèvements dans les deux sexes

* Dans les uréthrites :

* on effectue un prélèvement endo uréthral à l'écouvillon,

* pour recherche les chlamydia, il est préférable de procéder à un grattage endo-urétral à la curette ophtalmique émoussées ou au Bacto Pick TM, bien que certains préconisent l'utilisation d'un écouvillon en dacron ou alginate monté sur tige métallique en raison des risques traumatiques des premiers cités.

* Devant une ulcération ano-génitale :

* le recueil de la sérosité se fera au niveau de la base ou des bords de l'ulcère avec un vaccinostyle, une öse, une curette ou un écouvillon,

* des biopsies ou une ponction du bubon satellite pourront être réalisées, de préférence au cabinet du médecin ou à l'hopital.

 

* S'il existe des pustules :

* la meilleure technique de prélèvement est le recueil du contenu à la seringue ou à l'écouvillon

* Le recueil du premier jet des urines peut être intéressant dans les urétrites, en particulier pour la recherche de chlamydia par techniques de biologie moléculaire.

 

* Un prélèvement anal (éventuellement de gorge), dans les cas de suspicion de MST, sera souvent utile au diagnostic.

 

 

2 - Prélèvement du tractus génital chez la femme

Chez la femme, les prélèvements génitaux se font sous spéculum avec un éclairage adapté, sauf pour la recherche de streptocoques du groupe B où le simple écouvillonnage vulvaire donne les meilleurs résultats.

* Dans les vulvo-vaginites, on procède à un écouvillonnage des sécrétions de l'orifice vaginal et de la voute vaginale postérieure.

* Dans les bartholinites, l'aspiration à la seringue du canal ou le prélèvement à l'écouvillon sont recommandées.

* S'il existe une cervicite, on fera un écouvillonnage de l'endocol, et on recherchera toujours le gonocoque et

les chlamydia à ce niveau.

* Pour rechercher l'étiologie d'une endométrite, on fait appel au prélèvement d'endocol et éventuellement à l'aspiration transcervicale par cathéter qui sont du domaine du spécialiste.

* Dans les cas d'annexite, le liquide d'abcès se prélève à la seringue et les cellules tubo-péritonéales par brossage au cours de l'acte chirurgical.

* Pour le matériel intra-urérin, l'examen bactériologique se fait sur le matériel et sur l'éventuel pus.

 

3 - Prélèvements génitaux masculins

* Dans les épididymes et les prostatites, on procédera à un écouvillonnage uréthral, un prélèvement de sperme, ou au recueil du premier jet urinaire.

* Pour le diagnostic des prostatites, on recueillera les sécrétions prostatiques après éventuel massage prostatique et/ou le premier jet urinaire.

* Dans les orchites, le meilleur matériel est le prélèvement d'abcés à la seringue (par le chirugien). On peut également trouver l'agent responsable dans le sperme.

Dans tous les cas, les prélèvements doivent permettre l'examen direct et l'ensemencement (deux écouvillons).

La recherche de chlamydia et de mycoplasma n'ont que peu de chance d'aboutir si le matériel prélevé ne contient pas de cellules, obtenues par grattage.

 

4 - Transport des prélèvements

Si les prélèvements ne sont pas effectués au laboratoire, ils doivent être transportés rapidement dans des milieux de transport appropriés ( gonocoque, Chlamydia, Mycoplasma, virus).

 

 

4 - Examen bactériologique

Les resnseignements cliniques et épidémiologiques, l'aspect des lésions et leur localisation observés au cours du prélèvement sont indispensables à l'orientation du diagnostic bactériologique. Ils conditionnent la valeur du résultat, qui sera obtenu après examen cytobactériologiquedierct, suivi, selon les cas, de culture, techniques de biologie moléculaire et examen sérologique (non traité dans cet ouvrage).

1 - Examen direct

L'examen cytobactériologique direct des prélèvements est fonction du contexte clinique :

Ulcération

* L'examen extemporané, au microscope à fond noir, de la sérosité du chancre permet la mise en évidence de tréponéma pallidum. On peut également faire appel à l'immunofluorescence directe, à l'imprégnation argentique ou à la coloration de Vago.

* La coloration de May-Grunwald-Giemsa de frottis réalisés avec la sérosité d'un chancre mou ou du pus du bubon mettra en évidence des bacilles évoquant Haemophilus ducreyi, en sachant que cette bactérie est peu colorable au Gram.

* Il ne faut pas oublier la possibité d'exulcérations, de type herpétique, en rapport avec une infection à Chlamydia (maladie de Nicolas-Favre) ou Mycoplasma (voir ci-dessous).

* On pourra exceptionnellement mettre en évidence des corps de Donovan (Calymmato-

granulomatis ou donovani) dans un granulome inguinal survenu 2 à 3 mois après rapport contaminant.

Urétrites, cervicites et vaginites :

* Les trois causes les plus fréquentes des vaginites sont Candida albicans, Trichomonas vaginalis et les bactéries des vaginoses. On recherche systématiquement N. gonorrhoeae, et on ajoute la recherche de Chlamydia trachomatis dans les urétrites et cervicites.

* Il est important de savoir que Candida albicans peut exister chez des femmes totale-

ment asymptomatiques.

* L'examen macroscopique, la couleur, l'odeur, le pH des sécrétions vaginales sont

un élément important du diagnostic, en particulier des vaginoses qui associent sécrétions grisâtres, odeur d'amines de poisson (test à la potasse 1 0 %) et pH > 4,5.

 

Tableau 2 : Evaluation des flores vaginales au Gram
Score Morphotypes Morphotypes Bacilles incurvés à gram variable
  lactobacillus gardenerella, bactteroides Mobiluncus
0 ++++ 0 0
1 +++ + + ou ++
2 ++ ++ ++ ou ++
3 + +++  
4 0 ++++  

 

Les morphotypes sont gradués en nombre moyen de bactéries par champ à l'immersion.

 

 

* L'état frais, entre lame et lamelle recherche la présence de Trichomonas vaginalis ou

de Candida albicans (ce dernier est mieux mis en évidence après dilution dans la potasse

à 1 0 % et au contraste de phase).

* Les colorations de May-Grunwald-Giemsa, et éventuellement de Papanicolaou, permettent

l'étude cytologique indispensable : présence de polynucléaires, de cellules vaginales, de " clue-cells "

des vaginoses, de Trichomonas vaginalis, et plus rarement mise en évidence des cellules à inclusion de

l'infection à Chlamydia trachomatis.

* La coloration de Gram permet le diagnostic de gonorrhée, de candidose à Candida albicans et surtout

d'étudier la flore bactérienne vaginale et son équilibre qui peut être décrit par un score de 1 à IV

(score 1 = flore équilibrée, score IV = flore complètement substituée, cf tableau 2).

* Dans la vaginose bactérienne, on observe un déséquilibre de la flore commensale au profit des anaérobies

ou de Gardnerella vaginalis au dépend de la flore de Döderlein (lactobacilles) : score 111 ou IV. En pratique

l'examen direct permet le diagnostic de vaginose étant donné la difficulté, le coût et les délais de la mise en culture des bactéries.

* L''immunofluorescence est adaptée à la recherche de Chlamydia trachomatis.

Dans les autres localisations, l'examen direct recherchera: Neisseria gonorrhoeae, Candida albicans, Chlamydia trachomatis.

2 - Culture

La culture est impossible pour Treponema pallidum, très difficile pour Haemophilus ducreyi (sur gélose

au sang cuit ou frais enrichie).

Les prélèvements seront ensemencés au minimum sur :

* Gélose au sang cuit avec et sans mélange inhibiteur (type VCN ou VCAT) pour la recherche de Neisseria gonorrhoeae incubée en atmosphère de 10 % de C02.

* Gélose au sang (base Columbia) +/- ANC pour la recherche de diverses bactéries à Gram positif, dont Streptococcus agalactiae, Staphylococcus aureus.

L'isolement de Gardnerella vaginales sur gélose au sang humain n'a de signification

qu'accompagné d'une appréciation semi-quantitative. Gardnerella n'est pas le seul germe

impliqué dans les vaginoses (association avec des bactéries anaérobies, Mobiluncus spp).

* Une gélose lactosée est utile pour la recherche de divers bacilles à Gram négatif, en

particulier les entérobactéries qui ne seront prises en considération, dans les urétrites

et vaginites, que si elles sont abondantes, en l'absence d'autres germes.

Sur prescription explicite, d'autres cultures sont mises en oeuvre :

* Cultures cellulaires pour l'isolement de Chlamydia trachomatis.

* Milieux artificiels enrichis en sérum de veau et en extrait de levure pour l'isolement et la

numération de Mycoplasma hominis et de Ureaplasma urealyticum.

* Gélose au sang en anaérobiose dans les endométrites du postpartum, ou développées sur

matériel intra-utérin à la recherche de Prevotella.

* Milieux pour mycobactéries dans les endométrites (rares), les épididymites :

Mycobacterium tuberculosis.

* Selon la Nomenclature des Actes de Biologie Médicale (arrêtés du 30 Juillet 1997)

les recherches de Chlamydia chez la femme par méthode immunologique et dans les

deux sexes, de Treponema pallidum ou d'Haemophilus ducreyi peuvent être effectuées

à l'initiative du biologiste.

 

3 - Biologie moléculaire

Les techniques d'amplification génique peuvent être utilisées, en particulier

pour la recherche de Chlamydia à partir des produits pathologiques ou des urines.

De nouvelles techniques se développent pour recherche des streptocoques du groupe B

ou de Neisseria gonorrhoeae, leur application au diagnostic clinique reste à valider.

 

4 - Antibiogramme

L'antibiogramme sera systématiquement réalisé dans les infections endocervicales

du haut appareil génital sur les germes pathogènes isolés, sur les souches de gonocoques

avec recherche de béta-lactamase. Il nest pas à réaliser sur les bactéries colonisants le bas appareil génital en particulier chez la femme, sauf dans les cas du portage des streptocoques

du groupe B au cours du troisième trimestre de la grossesse étant donné la possibilité de

prévention des infections néonatales par une anaphylaxie pendant laccouchement.

5 - Conclusion

En dehors des cas où la bactériologie met en évidence un agent pathogène spécifique en

culture pure, linterprétation des examens des prélèvements génitaux est toujours difficile, en

particulier chez la femme, du fait de labondance et de la variété de la flore bactérienne du

bas appareil génital.

 

 

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