3.1.1. Systèmes respiratoires - Mouvements d'oxygène et de dioxyde de carbone
3.1.2. Les milieux aquatiques et aériens
3.2.1. Les systèmes branchiaux
a. branchies externes
b. branchies internes
c. ventilation branchiale3.2.2. Les systèmes cutanés
3.2.3. Les systèmes trachéens
a. insectes utilisant l'oxygène dissous
b. insectes utilisant l'oxygène gazeux
3.3.1. Les systèmes de respiration aérienne
a. cavités buccales
b. cavités pharyngiennes et branchiales
c. vessie gazeuse
d. système gastro-intestinal
e. poumons3.3.2. Les échanges gazeux
3.4.1. Les poumons des vertébrés terrestres
a. les poumons alvéolaires
b. les poumons tubulaires3.4.2. Le système trachéen des insectes
3.4.3. Conduits ventilatoires, échanges hydriques et thermiques
3.4.4. La ventilation et son contrôle
a. mouvements et mécaniques ventilatoires
b. cycles et fractions respiratoires
c. régulation de la respiration1. Les centres respiratoires
2. Les stimuli mécaniques et la rythmicité
3. Les stimuli chimiques et l'adaptation de la ventilation
4. Autres stimuli
3.1.1. Systèmes respiratoires - Mouvements d'oxygène et
de dioxyde de carbone
Dans bon nombre de cas, les échanges O2/CO2 entre un organisme et
son environnement mettent en jeu des organes spécialisés. Dans certains cas cependant,
la diffusion à travers le tégument externe ou directement entre les cellules et le
milieu extérieur suffit à assurer des échanges convenables; c'est le cas chez tous les
diploblastiques: spongiaires, cnidaires et cténaires. C'est également le cas chez de
nombreux triploblastiques invertébrés au métabolisme peu actif: plathelminthes,
némertiens, rotifères, némathelminthes, siponculiens, chætognathes, priapulides,
pogonophores, la plupart des échiuriens et différents annélides.
La plupart des échinodermes sont également dépourvus de système respiratoire. Seules les holothuries possèdent des "poumons" (encore appelés organes arborescents). Ce sont des sacs volumineux très ramifiés qui débouchent par un tronc commun dans l'ampoule rectale. Dans différentes autres classes, astérides notamment, la respiration est assurée via: 1) des papules disséminées essentiellement sur la surface dorsale. Elles correspondent à des zones tégumentaires amincies étant constituées simplement de deux épithélia ciliés séparés par une mince couche conjonctivo-musculaire. 2) Les podias du système ambulatoire qui présentent également des zones d'amincissement tégumentaire.
Certains attribuent au lophophore des lophophoriens un rôle respiratoire. Ce dispositif est constitué de tentacules creux, simples évaginations de la paroi du corps contenant un diverticule clomique. On ne peut donc assimiler ce système, tout comme les papules ou podias des échinodermes, à des organes respiratoires vrais même s'il peut participer, comme nombre d'autres structures tégumentaires, aux échanges O2/CO2.
En définitive, on ne trouve des systèmes respiratoires spécialisés chez les invertébrés que chez les arthropodes, les mollusques, les stomochordés, différents annélides et un groupe d'échiuriens. On trouvera par contre des systèmes spécialisés chez tous les cordés (vertébrés, céphalo et urocordés), au métabolisme généralement plus élevé. L'absence de système respiratoire ne signifie nullement absence de système circulatoire. La plupart des espèces dépourvues de système respiratoire ont en effet un système circulatoire qui leur permet d'assurer les échanges au niveau tissulaire avec une efficacité plus ou moins grande.
Les différents types d'organes respiratoires vont intervenir dans des systèmes dits branchiaux, cutanés, pulmonaires ou trachéens (figure 3-18). Les systèmes branchiaux et cutanés interviennent dans une respiration aquatique; les systèmes pulmonaires et trachéens dans une respiration aérienne bien que les trachées puissent également servir aux échanges O2/CO2 en milieu aquatique chez certaines espèces d'insectes retournées à l'eau (voir plus loin).
Figure 3-18: Représentation schématique des différents types de systèmes respiratoires et de leurs rapports avec le métabolisme et la respiration cellulaire. Liq Inter : liquide interstitiel.
Il n'existe pas de mécanismes de transport actif pour l'O2, ni pour le CO2. Les échanges se feront donc toujours par diffusion. Dans les systèmes branchiaux, cutanés et pulmonaires, la diffusion des gaz dissous s'effectue entre le sang et le milieu extérieur d'une part et entre le sang et les cellules d'autre part. Le sang exerce donc ici une importante fonction respiratoire qui, chez la plupart des espèces, est aidée par la présence de "pigments" augmentant largement sa capacité de charge en oxygène (voir chapitre 4). Dans le système trachéen, spécifique aux insectes, la diffusion des gaz a lieu pratiquement directement entre le milieu extérieur et les cellules. Le sang n'a donc guère ici de fonction respiratoire. Il sera dépourvu de "pigments" fixant l'oxygène, sauf dans quelques cas particuliers (voir 3.2.3.a ci-après).
S'il n'existe pas de transport actif de CO2, celui-ci peut participer à un échange Cl/HCO-3 au niveau de différents épithélia (branchies, rein, peau: cfr. physiologie cellulaire). Ces systèmes vont participer de façon non négligeable à l'élimination du CO2, essentiellement chez les espèces aquatiques.
3.1.2. Les milieux aquatiques et aériens
Les échanges respiratoires se font soit en milieu aquatique soit en milieu aérien. Ces
milieux présentent des caractéristiques tout à fait différentes par rapport à
l'oxygène et au dioxyde de carbone. L'examen du tableau 3-4 ci-après
montre à ce sujet que :
1) L'air est un milieu nettement supérieur à l'eau pour la prise d'oxygène; l'O2 y est en effet en concentration nettement supérieure (30X). Il diffuse également nettement plus rapidement dans l'air que dans l'eau (300.000X). La densité et la viscosité de l'air sont par ailleurs nettement inférieures à celles de l'eau. Il découle de ces constatations que la quantité d'air à déplacer pour avoir accès à un litre d'O2 (6 g) est nettement inférieure à la quantité d'eau (143 kg) et qu'il est beaucoup plus facile de déplacer cette quantité d'air qu'une même quantité d'eau. L'oxygène est donc largement plus disponible dans l'air que dans l'eau, et son accès y est nettement plus aisé.
2) La diffusion de l'O2 comme celle du CO2, sont des phénomènes lents. Il en résulte que la seule diffusion devient très vite peu adéquate comme seul système d'échange gazeux entre les cellules et le milieu extérieur lorsque le métabolisme devient quelque peu important. Des systèmes de convection viennent alors accélérer le transport entre les surfaces d'échanges et les tissus ou le milieu extérieur. Ces surfaces doivent par ailleurs être de grande dimension pour pallier à la lenteur des phénomènes d'échanges (plissements de la peau, lames et lamelles branchiales, alvéoles pulmonaires). On estime ainsi chez l'homme la surface de l'épithélium respiratoire à quelque 85 m2 !
TABLEAU 3-4
L'air et l'eau comme milieux respiratoires
Eau | Air | Rapport eau/air | |
Concentration en O2 (ml/l) | 7 | 209 |
~1/30 |
l milieu/l O2 | 143 | 4,8 | ~30/1 |
kg milieu/l O2 | 143 | 0,0062 |
~2300/1 |
Densité (kg/l) | 1 | 0,0013 |
~800/1 |
Viscosité (cP) | 1 | 0,02 | ~50/1 |
Constante de diffusion | |||
KO2 (nmol/cm.s.mmHg) | 46.10-6 | 11 |
~1/235000 |
KCO2 (nmol/cm.s.mmHg) | 93.10-5 | 8,5 | ~1/10000 |
Capacité thermique (cal/l°C) | 10-3 | 0,30 | ~1/300 |
Conductibilité thermique (mcal/s.cm.°C) | 14.103 | 69,3 | ~25/1 |
3) Dans l'eau, la diffusion du CO2 est plus rapide que celle de l'O2. Il en résulte que pour faire se mouvoir des quantités voisines d'O2 et de CO2 dans un même temps, comme c'est le cas dans les échanges respiratoires, les gradients de concentration en O2 doivent être supérieurs à ceux en CO2. Par ailleurs une bonne part du CO2 peut être éliminé en milieu aqueux sous forme de HCO-3; ceci limitera encore d'autant l'importance des gradients requis de CO2 par rapport à ceux d'O2. A ces phénomènes s'ajoute le fait que dans la respiration branchiale, la surface de l'épithélium est plus facilement ventilée que dans les systèmes de respiration aérienne au niveau desquels il existe un volume résiduel fonctionnel non ventilé plus ou moins important. Cette particularité va provoquer une accumulation de CO2 au niveau de l'échangeur et par conséquent du sang (voir 3.4.4.b ci-après). Il résulte de ces points importants que les espèces aquatiques ont des pressions partielles en CO2 sanguins nettement plus basses que les espèces terrestres. Ces considérations sont illustrées dans le tableau 3-5 reprenant les pressions partielles en O2 et CO2 à différents niveaux chez un animal à respiration aérienne et chez un autre à respiration aquatique. Comme on le voit, un animal à respiration aquatique travaillera toujours à pression partielle en CO2 nettement plus basse qu'un animal à respiration aérienne. Cette différence va également se marquer au niveau du pH et de la concentration en bicarbonate du sang ( figure 3-19; voir aussi rôle du CO2 dans l'équilibre acide-base du sang au chapitre 4). On peut donc considérer dans ce cadre que l'air est finalement un milieu moins favorable que l'eau pour l'élimination du CO2, malgré une constante de diffusion du CO2 nettement supérieure.
TABLEAU 3-5
Pressions partielles en O2 et CO2 (mmHg) dans le milieu et à
différents niveaux
chez le requin et l'homme
Milieu air et eau | Requin | Homme | |||
Sang artériel | Sang veineux | Alvéoles | Sang artériel | Sang veineux | |
PO2 (mmHg) 150 | 49 | 10 | 100 | 95 | 40 |
PCO2 (mmHg) 0,2 | 2,0 | 2,6 | 40 | 41 | 45 |
Figure 3-19: Concentration en HCO3 -, pH et PCO2 dans le sang artériel de différents vertébrés aquatiques, amphibies et terrestres. Valeurs reprises de Truchot, 1987.
4) Pour les animaux, l'air présente donc de nombreux avantages en termes d'accès en oxygène. Il présente cependant une série d'inconvénients qui ont du être résolu au cours de l'évolution pour permettre le passage du milieu aquatique au milieu aérien. Les problèmes majeurs sont: l'humidité basse et les dangers de déshydratation - les températures aux variations plus importantes (de 0 à 30°C en moyenne en milieux aquatiques, de -20 à +40 °C en milieux terrestres) - le peu de portance du milieu terrestre par rapport au milieu aquatique - l'accumulation de CO2 au niveau sanguin.
Envisageons maintenant brièvement la respiration en milieu aquatique, la transition milieu aquatique - milieu terrestre et enfin la respiration en milieu aérien.
La branchie est la structure intervenant le plus généralement dans la respiration aquatique. Les holothuries et certains insectes aquatiques en sont dépourvus et utilisent des systèmes quelque peu différents (voir plus loin). Comme nous l'avons déjà signalé, un bon nombre d'invertébrés aquatiques ne possède aucune structure spécifique. Les mouvements d'O2 et de CO2 s'effectuent chez eux au niveau tégumentaire.
3.2.1. Les systèmes branchiaux
Les branchies sont des structures d'allure pennée, lamellaire ou filamenteuse (figures
3-20 et suivantes). Leur organisation anatomique particulière, en
général extrêmement plissée, permet d'obtenir une surface d'échange considérable
dans un volume relativement peu important.
Les branchies peuvent être externes ou internes.
a. branchies externes
Les branchies externes, pennées, sont considérées comme plus primitives. Elles sont
répandues chez les invertébrés. Elles n'existent chez les vertébrés adultes que chez
quelques espèces de protoptères et chez quelques urodèles dits pédogénétiques (Necturus,
Amphiuma, Pseudobranchus, Amblystoma d'Amérique du Nord ou encore Proteus
européen). Elles se rencontrent également à titre transitoire chez certains vertébrés
à l'état larvaire (amphibiens et certains poissons: dipneustes et brachipterygiens).
Les mouvements nécessaires au renouvellement de l'eau au niveau de ces branchies
(ventilation) sont obtenus par des mouvements du corps ou des arborescences branchiales
elles-mêmes. Ceci limite leur développement, la résistance de l'eau aux mouvements
devenant vite très grande. On voit dès lors se développer rapidement au cours de
l'évolution des systèmes de branchies internes. Les branchies se trouvent ici logées
dans des cavités au niveau desquelles il est possible de créer un mouvement d'eau
important, améliorant la ventilation branchiale.
b. branchies internes
Dans la plupart des cas, les branchies sont logées dans des cavités spécifiques dites
branchiales. Elles présentent de notables avantages par rapport aux branchies externes:
protection, possibilité de réaliser dans la cavité branchiale un débit d'eau important
et ajustable en fonction des besoins.
On retrouve ce type de branchies chez différents crustacés et mollusques ainsi que chez
tous les poissons (figures 3-20 à 3-23). Chez
les invertébrés, les branchies sont des excroissances tégumentaires lamellaires ou
filamenteuses. Chez les poissons, elles sont toujours lamellaires et d'origine
endoblastique. Chez ces derniers, elles se développent à partir des parois de
diverticules latéraux du pharynx; ce qui a permis à certains de considérer la fonction
respiratoire chez les vertébrés comme dérivant d'une organisation de système
alimentaire de type microphage. Les stomocordés et les procordés actuels permettent dans
une certaine mesure d'imaginer comment cette évolution a pu se réaliser. Rhabdopleura,
Cephalodiscus et Balanoglossus sont trois stomocordés. Les deux premiers
sont pourvus d'un lophophore collecteur de particules. Chez Rhabdopleura, le
pharynx est banal. Chez Cephalodiscus, il est percé d'une paire de fentes dites
viscérales qui permet une filtration alimentaire. Balanoglossus n'a pas de
lophophore et la nutrition est assurée par filtration au niveau de 20 à 40 paires de
fentes viscérales. Chez les stomocordés, la respiration est cutanée et les fentes
pharyngiennes n'ont aucun rôle respiratoire. Ce rôle apparaît chez l'amphioxus,
procordé microphage qui possède un pharynx important percé d'environ 90 paires de
fentes (branchiales et viscérales) fonctionnant à la fois comme filtre alimentaire et
comme organe respiratoire. Le pharynx conserve cette double fonction alimentaire et
respiratoire chez les ammocètes, larves microphages des lamproies actuelles.
Figure 3-20A: Branchies internes de crustacés
décapodes. Attachées à la paroi pleurale (pleurobranchies et arthrobranchies) ou à la
base des appendices thoraciques (podobranchies et arthrobranchies antérieures:
mastigobranchies, sétobranchies), elles baignent dans une cavité limitée à
l'extérieur par la lame branchiostège. D'aspect extérieur, elles sont filamenteuses ou
lamellaires suivant les espèces (voir figure 3-20B
).
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Figure 3-20B: Branchies internes de
crustacés décapodes: schémas et microscopie à balayage. D'aspect extérieur, ces
branchies sont filamenteuses (trichobranchies, A et dendrobranchies, B) ou lamellaires
(phyllobranchies, C). Les trichobranchies sont considérées comme les plus primitives; on
les trouve chez les macroures marcheurs (écrevisses, homards...), les macroures nageurs
(crevettes) du groupe des sténopidés et la plupart des anomoures (pagures...). Les
macroures nageurs du groupe des pénéidés ont des dendrobranchies. La plupart des
brachyoures (crabes) ont des phyllobranchies lamellées - Microscopie a balayage (d'après
Taylor et Taylor 1992, modifié) : de gauche à droite: trichobranchie de Jasus
novæhollandiæ (A), dendrobranchie de Penæus vannamei (B) et
phyllobranchie de Ovalipes catharus (C). Dans les branchies, le sang circule dans
des canaux et des lacunes creusées dans l'épaisseur des filaments et des lamelles,
structures soutenues par des cellules piliers (voir figure 3-20C
). VA: vaisseau afférent; VE: vaisseau efférent.
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Figure 3-20C: Branchies internes de crustacés décapodes: vues au microscope électronique de la structure interne. D: microscopie à balayage montrant des cellules piliers soutenant des lacunes chez Carcinus mænas - E: microscopie à transmission chez Astacus sp. h: hémocyte; La: lacune sanguine; P: cellule pilier; S: septa. - Chez les espèces d'eau douce ou euryhalines en milieu dilué, les branchies sont impliquées dans un pompage actif de NaCl qui joue un rôle majeur dans l'osmorégulation sanguine (cfr. chapitre 1). L'épithélium transporteur se présente en zones plus ou moins étendues sur les branchies. Il est tout à fait différent de l'épithélium respiratoire. Beaucoup plus épais, il est caractérisé par la présence de nombreux plissements des membranes plasmiques apicales et basales dans lesquels sont logées des mitochondries. Les vues F et G montrent respectivement l'épithélium transporteur et respiratoire de branchies d'Eriocheir sinensis au même grossissement.
Chez les cyclostomes (lamproies et myxines), les branchies sont groupées dans des poches, subsphériques chez les myxines et lenticulaires chez les lamproies. En fait, les parois des poches se soulèvent en une série de lames branchiales portant elles-mêmes 5000 à 8000 lamelles. Les lamproies ont 10 paires de poches pharyngiennes dont 7 s'ouvrent directement à l'extérieur par des spiracules. Les myxines ont de 5 à 14 paires de sacs branchiaux s'ouvrant à l'extérieur par un spiracle commun ( figure 3-21).
Figure 3-21: Système respiratoire des agnathes (branchies en bourses). Les lames branchiales sont localisées dans des poches s'ouvrant d'une part individuellement sur le pharynx et d'autre part sur l'extérieur soit individuellement (lamproies) soit par l'intermédiaire d'un canal commun (myxines). Les lamproies ont 7 paires de poches fonctionnelles, les myxines de 5 à 14. Chaque poche comporte 18 à 40 lames branchiales portant chacune de 5000 à 8000 lamelles. A et B: Coupes sagittales de la région antérieure d'une myxine et d'une lamproie. C: Coupe frontale au niveau des poches branchiales d'une lamproie montrant l'arrangement des lames sur des septa associés aux arcs branchiaux. D: Organisation de l'irrigation d'une poche branchiale de myxine.
Les branchies des poissons sont organisées tout différemment. Les poches sur lesquelles s'insèrent les lames branchiales prennent ici une forme allongée appelée septum. Les septa sont soutenus par un rayon branchial chez les sélaciens ou une arête branchiale chez les téléostéens; ils ont pratiquement disparu chez bon nombre de ces derniers. Ces structures s'articulent sur des arcs branchiaux, 1 arc hyoïde à l'avant suivi de 5 arcs branchiaux dont les 4 premiers portent des branchies complètes (holobranchies). Les 5 fentes branchiales ainsi délimitées s'ouvrent directement à l'extérieur chez les sélaciens. Un opercule fermant la cavité branchiale apparaît chez les osteichthyens (figures 3-22 et 3-23).
Figure 3-22: Système respiratoire des sélaciens
(branchies septales). Les lames branchiales s'insèrent sur la quasi-totalité de la
longueur de 4 septa branchiaux articulés sur un arc branchial correspondant. En avant,
l'arc hyoïde porte également une structure branchiale, formant une hémibranchie
hyoïdienne. On compte ainsi 5 fentes branchiales. Chaque septum se rabat vers l'arrière
du côté extérieur formant un clapet pouvant fermer la fente branchiale suivante. Du
côté pharyngien, le septum se soulève en rangée de peignes branchiaux qui filtrent
l'eau, retirant les particules dans le pharynx. La pseudobranchie spiraculaire se trouvant
sur l'arc mandibulaire est extrêmement réduite et ne joue aucun rôle respiratoire. Chez
les requins fouisseurs, l'eau peut entrer par les spiracules lorsque la bouche travaille
sur le fond. L'entrée d'eau se fait normalement par la bouche et la ventilation est
assurée par des mouvements de la cavité buccopharyngée. A: Coupe frontale au niveau du
pharynx. B et C: Segments d'holobranchies. D'après Beaumont et Cassier 1987, modifié. A:
artère branchiale afférente, AA: artériole afférente, AE: artériole efférente, AH:
arc hyoïde, AM: arc mandibulaire, B: branchictenies (peignes branchiaux), Br 1-5: arcs
branchiaux 1 à 5, CC: corps caverneux, E: artères branchiales efférentes, FBr 1-5:
fentes branchiales 1 à 5, He: hémibranchie hyoïdienne, Ho: holobranchie, LBr: lame
branchiale, LlBr: lamelle branchiale, PBr: pseudobranchie, RBr: rayon branchial, S: septum
interbranchial, Sp: spiracule.
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Il semble qu'il existe une relation entre la surface branchiale par unité de poids d'animal et son niveau moyen d'activité (demande d'O2). Ainsi, chez les crustacés, la surface branchiale est estimée à environ 14 cm2/g chez le crabe bleu Callinectes sapidus, une espèce très active alors qu'elle est respectivement de 8 ou 6 cm2/g chez le crabe des boues Panopeus herbstii ou chez le crabe araignée Libinia emarginata, deux espèces peu actives vivants dans des endroits vaseux, généralement peu oxygénés. De même chez les poissons, la surface branchiale est de 14 cm2/g chez le thon Euthyunus pelamis, une espèce pélagique très active et de 2 cm2/g chez le poisson crapaud Opsanus tau, une espèce benthique très peu active (Prosser, 1991, voir aussi figure 3-24). Notons au passage que la surface moyenne de l'échangeur respiratoire apparaît nettement plus faible chez les cyclostomes: de l'ordre de 0,25 cm2/g. Chez les sélaciens, elle paraît varier entre 1 et 4 cm2/g.
Il existe également une relation entre la surface branchiale et la masse d'un animal. Cette relation est à mettre en rapport avec le fait que, pour une espèce donnée, la demande en O2 est proportionnelle à la masse (figure 3-24).
c. ventilation branchiale
La ventilation des branchies, c'est-à-dire les mouvements d'eau à leur niveau, est
assurée par différents systèmes. Chez les espèces à branchies externes, le seul moyen
est une agitation plus ou moins importante de celles-ci. Chez les espèces à branchies
internes, les mécanismes impliqués sont nombreux: contraction du manteau et donc de la
cavité paléale où sont logées les branchies chez les céphalopodes, cils vibratiles
chez les autres mollusques, mouvements appendiculaires (scaphognathites) chez les
crustacés, mouvements de la cavité buccopharyngée chez les poissons (figure
3-25).
Figure 3-25: Ventilation des branchies internes chez différentes espèces. Chez les mollusques (A, B, C, D), les filaments branchiaux (cténidies: 4 au maximum) pendent dans une cavité paléale plus ou moins importante. Les mouvements d'eau sont assurés soit par des cils vibratiles situés sur le manteau et / ou sur les branchies elles-mêmes chez des espèces peu actives (lamellibranches par exemple) soit par des mouvements de contraction du manteau chez des espèces plus actives (céphalopodes). Dans de nombreux cas, l'entrée et la sortie d'eau se font par des siphons inhalants et exhalants. Chez les crustacés décapodes (E), l'eau entre dans les cavités branchiales par des fentes situées au niveau des pattes. Elle ressort par un passage exhalant situé en avant, au niveau de la bouche et où les scaphognathites créent par leurs mouvements un courant sortant. Chez les tuniciers (F), des cils vibratiles entretiennent un courant d'eau dans le pharynx et sur les fentes branchiales, du siphon buccal vers le siphon cloacal. Chez les céphalocordés, les agnathes et les poissons, les mouvements d'eau vont de la bouche aux orifices branchiaux. Ils sont assurés par des cils vibratiles chez les céphalocordés, les mouvements d'un vélum pharyngien chez les agnathes (G - cfr. aussi figure 3-21 ), des mouvements de la cavité buccale chez les sélaciens et des mouvements coordonnés des cavités buccale et operculaire chez les téléostéens (H - cfr. aussi figure 3-26).
Chez les cyclostomes, des mouvements musculaires induisant la contraction des sacs branchiaux de même que les battements d'un vélum qui pend du plafond pharyngien vont intervenir. Chez les myxines, l'essentiel du mouvement d'eau va de l'orifice naso-hypophysaire aux poches branchiales et est animé par les battements du vélum. Chez les lamproies, l'orifice naso-hypophysaire se termine en cul-de-sac et l'eau entre par la bouche. Au cours de l'alimentation, la ventilation est uniquement assurée par des mouvements d'eau en va-et-vient au niveau des poches branchiales obtenus par contraction des muscles des septa. Chez les poissons operculés, les mouvements d'eau font intervenir le jeu de contractions musculaires engendrant des variations de pression entre la cavité buccopharyngée et la cavité operculaire (figure 3-26). Chez certains poissons, ce système ne permet pas une ventilation suffisante lorsque la demande en oxygène augmente, en cas de nage rapide notamment. Ces espèces pratiquent alors une ventilation "forcée". A partir d'une certaine allure de nage, les mouvements ventilatoires spécifiques cessent, le poisson ouvre la bouche et l'eau est "forcée" sur les branchies par la vitesse de déplacement (figure 3-27). Ce système est pratiqué aussi bien par les sélaciens que les téléostéens, particulièrement par les grandes espèces pélagiques à nage relativement rapide. Certains thons et requins sont d'ailleurs incapables de survivre s'ils n'ont pas la possibilité de nager à une vitesse suffisante pour assurer un apport en oxygène adéquat.
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Figure 3-26: Mouvements d'eau, variations de pression et de volume dans les cavités buccopharyngée (CB) et operculaire (CO) chez un poisson operculé. B: bouche, O: opercule. |
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Chez différentes espèces, le mouvement d'eau au niveau des branchies s'effectue à l'inverse du mouvement du sang. C'est le cas chez les crustacés à branchies lamellaires tels que les crabes et chez tous les poissons (figure 3-28). Le système à contre-courant permet d'obtenir une meilleure extraction de l'O2. Il permet en effet le maintien d'un gradient plus important à haute PO2 sanguine que le système dans lequel eau et sang vont dans le même sens (figure 3-28).
Figure 3-28: A: Portion de lame branchiale indiquant les mouvements à contre-courant d'eau et de sang. AA: artériole afférente, AE: artériole efférente, LB: lame branchiale, LlB: lamelle branchiale. B: Coupe transversale de lamelle branchiale montrant deux lacunes sanguines (Ls). L'épithélium est soutenu par des cellules piliers (ou en pilastre, (P). C: Vue en microscopie électronique à transmission d'une lamelle branchiale de truite (Ls : deux lacunes sanguines avec hématies, P: cellule pilier).
Ceci est vrai essentiellement lorsque le flot d'eau n'est pas nettement supérieur au flot sanguin. Lors d'une ventilation importante par contre, la PO2 de l'eau ne varie guère le long du trajet branchial malgré la diffusion de l'O2 vers le sang et l'avantage du système à contre-courant est largement minimisé (figure 3-29). Le système optimalise donc le rendement de la ventilation et diminue le coût énergétique de celle-ci.
Figure 3-29: Evolution des PO2 dans le sang () et le milieu extérieur ( ) lorsque les flots de liquides vont à contre-courant (A) ou dans le même sens (B). Le système à contre-courant n'est avantageux que lorsque le flot d'eau est relativement lent (situation a). Il permet dans ce cas une meilleure extraction de l'O2 du milieu extérieur, le sang entrant dans l'échangeur respiratoire à PO2 basse. Lorsque le flot d'eau est important (situation b), la PO2 du milieu extérieur reste suffisamment élevée pour maintenir un gradient sang-eau important.
Les mouvements d'eau sont toujours ajustables en fonction de la demande en oxygène d'un animal. Ainsi, une baisse de PO2 au niveau sanguin entraîne une augmentation de ventilation chez toutes les espèces étudiées jusqu'à présent, invertébrés comme vertébrés. Dans la plupart des cas, la PCO2 sanguine exerce également un effet sur la ventilation. Chez différents invertébrés, la disponibilité en O2 et parfois la teneur en CO2 du milieu extérieur influencent également la ventilation. Des chémorécepteurs sensibles à la PO2 extérieure agissant sur la mécanique ventilatoire ont ainsi été mis en évidence chez la limule, au niveau de la cuticule, non seulement sur les branchies mais aussi sur les pattes marcheuses. La ventilation pourra donc être ajustée ici non seulement en fonction de la disponibilité en O2 au niveau de la surface d'échange mais encore au niveau de l'environnement.
Dans la plupart des cas, une variation de fréquence des mouvements respiratoires joue un rôle essentiel dans une modification de ventilation. Chez certaines espèces cependant, une variation de volume de la cavité respiratoire peut jouer un rôle important, voire primordial. Ainsi chez le poulpe, l'augmentation de ventilation observée suite à une baisse de PO2 sanguine est à mettre en rapport beaucoup plus avec une augmentation d'amplitude des variations de volume de la cavité paléale qu'avec une augmentation de leur fréquence.
3.2.2. Les systèmes cutanés
Comme nous l'avons déjà signalé, le tégument externe représente la seule surface
d'échange gazeux chez de nombreux invertébrés aquatiques. Chez les vertébrés, la peau
n'intervient comme seul système respiratoire que chez quelques amphibiens dépourvus de
branchies et de poumons. Il s'agit des salamandres de la famille des Pléthodontidæ et de
la grenouille Telmatobius culeus vivant dans le lac Titicaca des hauts plateaux
andins.
Mis à part une vascularisation très riche, la peau chez ces espèces ne parait pas présenter d'adaptations particulières.
Chez les autres vertébrés, la peau intervient plus largement dans les échanges chez les espèces effectuant une respiration bimodale, aérienne et aquatique, que chez les autres. (voir 3.3 ci-après). Elle peut intervenir de façon non négligeable chez de nombreux poissons. Ainsi, la respiration cutanée peut couvrir quelque 10 % des besoins en oxygène chez la truite, 20 % chez la tanche ou la roussette et jusqu'à 35 % chez l'anguille.
3.2.3. Les systèmes trachéens
Les systèmes trachéens, comme les systèmes pulmonés, sont typiquement adaptés à la
respiration aérienne. On trouve cependant de nombreuses espèces d'insectes vivant ou
passant par un stade larvaire en milieu dulcicole. Ces insectes aquatiques peuvent avoir
une respiration aérienne ou purement aquatique, utilisant l'oxygène dissous dans l'eau.
Dans ce dernier cas, le système trachéen peut être connecté à des branchies
abdominales ou rectales (figure 3-30); il peut aussi être clos, la
respiration devenant alors essentiellement cutanée. Chez toutes les espèces, le système
trachéen est de toute façon plus ou moins altéré et la respiration cutanée joue
souvent un rôle important.
Figure 3-30: Schémas des principaux systèmes trachéens chez les insectes aquatiques. A: Propneustique, B: Métapneustique, C: Amphipneustique, D: Apneustique sans branchies. E et F: Apneustique avec branchies externes ou internes.
a. insectes utilisant l'oxygène dissous
Il n'existe dans ce groupe aucun animal adulte, seules les larves de certains insectes
sont parfaitement adaptées au milieu aqueux et utilisent exclusivement l'oxygène dissout
dans l'eau. La respiration sera ici branchiale ou cutanée.
1) La respiration branchiale fera intervenir des branchies sanguines ou trachéennes.
Les branchies sanguines sont des expansions tégumentaires à parois minces, remplies de sang et dépourvues de tout élément trachéen. C'est à leur niveau que se font les échanges O2/CO2. Leur localisation varie suivant les espèces: papilles ventrales des chironomes, anales des larves de moustiques.
Les branchies trachéennes sont des expansions tégumentaires à parois minces pourvues d'un important réseau de ramifications trachéennes. Leur localisation est variable: abdominale, anale ou rectale.
Chez bon nombre de ces espèces à branchies, la respiration cutanée joue un rôle important. Ainsi, les branchies des éphémères peuvent être supprimées sans dommage lorsque les larves sont dans un milieu riche en oxygène ou si leurs besoins sont limités (période hivernale par exemple).
2) Chez les larves à respiration cutanée, le système trachéen est clos et rempli de liquide. Il n'intervient donc plus directement dans les échanges respiratoires qui s'effectuent par diffusion dans les liquides internes et à travers les téguments extérieurs. La circulation sanguine devient ici un élément important du transport des gaz dissous. Le sang, chez la plupart de ces espèces reste cependant dépourvus de pigments transporteurs d'oxygènes. On trouve une hémoglobine dissoute dans l'hémolymphe des larves de chironomus. Cette hémoglobine favorise la fonction respiratoire du sang chez cette espèce vivant dans des milieux très pauvres en oxygène (cfr. chapitre 4).
b. insectes utilisant l'oxygène gazeux
On retrouve dans ce groupe non seulement des larves mais aussi tous les insectes adultes
aquatiques. Ceux-ci sont de deux ordres: coléoptères et hémiptères. Toutes ces
espèces se sont adaptées secondairement au milieu aquatique et disposent toujours d'un
système trachéen parfaitement fonctionnel, ouvert sur le milieu aérien extérieur par
des stigmates qui peuvent se fermer lorsque l'animal descend sous l'eau. Dans la plupart
des cas, il ne reste que deux stigmates, soit antérieurs (hydrophiles, dytiques) soit
postérieurs (gyrins, notonectes, nèpes, ranâtres). Chez les nèpes et les ranâtres, le
système trachéen est en relation avec l'extérieur par l'intermédiaire d'un siphon
respiratoire, long tube fermé par l'accolement de deux processus en gouttière dont
l'extrémité distale est enduite d'une sécrétion huileuse empêchant la pénétration
de l'eau. Ces insectes se comportent donc un peu comme des scaphandriers reliés en
permanence à l'air extérieur par un tube. D'autres espèces (Notonectes, gyrins,
dytiques, etc...) partent en plongée en emportant une provision d'air qu'ils viennent
renouveler périodiquement et dont la localisation est des plus variées: ventrale chez
les notonectes, dorsale chez les dytiscidés, entourant tout le corps chez Elmis ou
Hæmania. Cette réserve d'air est utilisée directement dans les trachées et les
mouvements respiratoires ne cessent pas pendant la plongée. Le taux d'oxygène s'abaisse
donc et tombe à moins de 1 % en 3 ou 4 minutes chez beaucoup d'espèces, les obligeants
à faire surface rapidement. Outre son rôle de simple réserve d'oxygène, la réserve
d'air emportée joue cependant un rôle de branchie physique qui va permettre à certaines
espèces telles qu'Aphelocheirus, Elmis ou Hæmania de se maintenir
très longtemps sous l'eau grâce à un système dit de respiration plastronale.
En fait, la réserve d'air emportée par l'insecte va permettre l'utilisation de l'oxygène dissout dans l'eau. En effet, du fait de la respiration, la pression partielle de l'oxygène dans la réserve d'air diminue pour devenir rapidement inférieure à celle de l'oxygène dissout, qui diffuse alors du milieu aqueux vers la réserve. On estime que la quantité d'oxygène rendue ainsi utilisable est de plus de 10 fois supérieure à celle contenue au départ dans la réserve. Dans de nombreux cas, la diffusion de l'O2 dissout pourrait être suffisante pour assurer les besoins en oxygène des insectes. Les animaux sont cependant obligés de remonter régulièrement à la surface pour renouveler leur réserve, le volume de celle-ci diminuant rapidement par perte d'azote qui diffuse de la réserve vers le milieu extérieur (figure 3-31). Le volume de la réserve diminue de plus d'autant plus rapidement que la plongée est profonde. Si la réserve disparaît totalement, l'eau pénètre dans les trachées entraînant la mort de l'animal. Finalement, dans de nombreux cas, les visites à la surface ont plus pour objet de renouveler le stock d'azote que le stock d'oxygène. Le renouvellement d'O2 ne parait en fait nécessaire que pour les espèces de grande taille en période d'activité.
Figure 3-31: La réserve d'air des insectes aquatiques comme branchie physique. (Pressions partielles en mmHg).
Les facteurs déclenchant la remontée sont multiples et variables. L'abaissement de PO2 et la diminution de diamètre de la réserve sont des facteurs majeurs.
Chez les espèces à respiration plastronale, la réserve est réduite à une fine pellicule d'air dont le volume est maintenu constant malgré la pression négative par la présence d'un feutrage très dense de fines soies hydrofuges (106/mm2) (figure 3-32). Leur résistance à l'écrasement confère à la réserve d'air un rôle de branchie physique permanent qui pourrait permettre à l'insecte de ne jamais remonter à la surface tout en gardant une respiration typiquement aérienne.