CHAPITRE 4
O2 et CO2 sanguins


3. Modifications respiratoires en rapport avec l'altitude ou les milieux hypoxiques

La PO2 de l'air décroît de pratiquement 2 mmHg par 100 m d'élévation. A une hauteur de 5400 m par exemple, qui correspond en gros à la limite d'habitat permanent de l'homme en altitude, la PO2 n'est plus que de 73 mmHg, à peu près la moitié de sa valeur au niveau de la mer.

Le passage en altitude n'est donc pas sans poser certains problèmes. Les solutions apportées sont en gros les mêmes que celles intervenant dans d'autres cas de diminution en O2 du milieu. Avant d'envisager ces solutions, il convient de distinguer, comme c'est souvent le cas en écophysiologie, entre les processus mis au point au cours de l'adaptation à long terme d'espèces particulières et les mécanismes permettant un acclimatement à court terme d'une espèce donnée à des conditions particulières d'un moment. Par exemple, nous avons vu que les mammifères d'altitude comme le lama ont des hémoglobines présentant une affinité pour l'oxygène supérieure à celle des hémoglobines des autres mammifères. Ce type de modification n'intervient pas dans le processus d'acclimatement d'un mammifère de plaine à l'altitude à laquelle vivent les lamas.

Chez les espèces non adaptées, l'arrivée en altitude provoque une hyperventilation en réaction à la diminution de PO2 sanguine qu'entraîne la diminution de PO2 du milieu extérieur. Cette hyperventilation va provoquer une alcalose hypocapnique qui induira une réduction de la ventilation et une augmentation de l'élimination rénale de HCO3- qui ramèneront le pH vers la norme. Au fur et à mesure du progrès de la régulation du pH, le réflexe d'hyperventilation à l'hypoxie va progressivement prendre le pas sur le réflexe d'hypoventilation à l'hypocapnie. Ce processus va prendre quelques jours chez l'homme. Il semble que pendant ce laps de temps, il y a également adaptation de la sensibilité des chémorécepteurs à une PCO2 sanguine "normale" plus basse.

Une augmentation de la ventilation, associée à un ajustement des réflexes qui commandent les mouvements respiratoires, apparaît donc comme un premier mécanisme d'acclimatement à l'altitude. Ce phénomène a été observé chez toutes les espèces étudiées jusqu'à présent. On remarque par ailleurs que les populations humaines résidant depuis longtemps en altitude ont des volumes pulmonaires au-dessus de la moyenne ainsi qu'une hypertrophie du cœur droit, résultant en une augmentation significative de la pression artérielle au niveau du circuit respiratoire. Une telle augmentation de volume pulmonaire ne paraît pas significative chez les autres mammifères. Par contre certaines données paraissent indiquer une augmentation de la surface branchiale dans des sous-populations de poissons adaptées de longue date à l'altitude ou à des milieux hypoxiques.

L'acclimatement à l'altitude induit par ailleurs une augmentation du débit cardiaque ainsi que du nombre de globules rouges dans le sang. Le premier processus est temporaire et ne dure chez l'homme que quelques jours, jusqu'à ce que l'apport normal en O2 aux tissus soit restauré. Le second est permanent et contribue largement à la restauration de l'apport en O2 aux cellules. Chez l'homme, le nombre d'hématies peut passer de 5 à 8 millions par ml et le pouvoir oxyphorique du sang de 200 ml d'O2 par litre à 250-260 ml. L'augmentation de capacité de charge du sang apparaît comme une réponse générale à la baisse en O2 du milieu ambiant. On l'a observée chez de nombreuses espèces, vertébrés comme invertébrés, terrestres comme aquatiques. Parallèlement, on observe chez tous les mammifères étudiés une augmentation plus ou moins prononcée de P50, traduisant une diminution d'affinité de l'hémoglobine pour l'O2. Comme nous l'avons déjà signalé, ce processus favorise la libération d'O2 au niveau tissulaire. Chez l'homme ainsi que chez les autres mammifères étudiés en altitude, ce phénomène est dû à une augmentation en 2,3 diphosphoglycerate du sang (voir 1.2.2.d).

Différents oiseaux peuvent supporter relativement facilement des changements rapides et importants d'altitude. Par ailleurs, des altitudes de vol allant jusqu'à 9-10.000 m sont couramment rapportées, notamment pour des passages d'oies en migration. Un mammifère "transporté" dans un caisson à pression variable du niveau de la mer à cette altitude ne peut survivre que peu de temps. Les performances exceptionnelles des oiseaux sont, en général, mises en rapport avec 1) un système d'échangeur respiratoire très particulier d'une grande efficacité (parabronches, voir chapitre 3) et 2) une sensibilité des chémorécepteurs CO2 et pH inférieure à celle des mammifères. La grande efficacité du système parabronchique couplée à une hyperventilation marquée parait pouvoir rendre compte du maintien d'un apport convenable en O2 aux tissus jusqu'à des altitudes de 6-7000 m. Elle serait insuffisante pour compenser la diminution de PO2 de l'air à des altitudes de 9 ou 10.000 m. D'autres mécanismes non encore clairement définis à l'heure actuelle devraient intervenir à ces altitudes extrêmes pour assurer la survie des oiseaux.


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