L’HEMOGLOBINE ET LE TRANSPORT DE L’OXYGENE

 

La connaissance de la structure de l’hémoglobine est essentielle pour comprendre la façon dont est transporté l’oxygène des poumons aux tissus .

Unité fonctionnelle de transport de l’oxygène , l’ (ou plutôt les) hémoglobines humaines son très proches par leur structure les unes des autres , normales ou pathologiques , et de celles des animaux . Ce sont des tétramères asymétriques à deux paires de chaînes polypeptidiques de structure peu différente , correspondant à ce que l’on appelait autrefois la globine , chaque chaîne " encapsulant " une partie prosthétique , l’hème . Ceci les oppose à la myoglobine , proche mais monomérique , et explique leur fonction de transporteur d’oxygène de toute première qualité.

 

A - CARACTERES GENERAUX DE LA STRUCTURE ET PLURALITE DES HEMOGLOBINES HUMAINES NORMALES

 

La molécule d’hémoglobine est un sphéroïde de 65 X 55 X 50 A° dont le poids moléculaire est de l’ordre de 65 000 daltons , mais différent dans les diverses hémoglobines humaines normales .

1 - L’hème

a. est toujours semblable :

b. centré sur un atome de fer ferreux Fe++ , ou bivalent , qui contracte 6 liaisons de coordination :

4 avec des noyaux pyrrole , 2 avec des résidus histidine globiniques ,

c. car il est placé au centre de 4 noyaux pyrrole co-planaires en raison d’une série de doubles liaisons conjuguées dans la struture tétrapyrrolique , or ceci est essentiel , permettant l’insertion de l’hème dans la poche de l’hème , de chaque chaîne polypeptidique .

2 - La partie protéique , ou globinique ,

a. est la partie variable de la molécule

b. mais possède toujours un schéma de base identique (du coelacanthe à l’homme): quatre chaînes " encapsulant " chacune un hème , ont toutes une parenté de structure (poche de l’hème par exemple), sont semblables deux à deux parfaitement et chaque paire appartient à l’une des deux grandes familles , que l’on a vu gouvernées par des chromosomes différents :

c. Tous ces polypeptides possèdent naturellement des arrangements structuraux

structure secondaire et tertiaire , tous dépendants de la séquence des acides aminés , c’est à dire de la structure primaire , donc d’un contrôle génétique strict par des gènes de struture .

(schéma n° 41)

3 - Particularités de l’hémoglobine foetale (Hb F)

a. Son taux varie :

elle représente 90 % de l’hémoglobine du foetus , et encore 75 à 80 % à la naissance dans le sang du cordon , facile à recueillir , pour décroître la première année : à 4 mois , il en reste moins de 10 % , vers 6 mois , le taux adulte est atteint (0,4 %) mais avec des variations individuelles .

(schéma n°42)

 

b. Elle résiste aux alcalins , d’où le test en tube de Singer (test de résistance à la dénaturation alcaline) et aux acides , d’où le test de Kleihauer sur lame , renseignant sur les variations individuelles des hématies .

4 - En électrophorèse standard ,

5 - L’union des chaînes porteuses d’hème est capitale pour permettre le rôle physiologique de la molécule , c’est le problème de la structure quaternaire , tandis que les rapports intermoléculaires dans le globule rouge constituent celui de la structure pentenaire , ou supra-quaternaire .

 

B - STRUCTURES PRIMAIRE ET SECONDAIRE DES CHAINES (HEMO)-GLOBINIQUES

 

- ces peptides ont une structure en hélice alpha sur 70 % de leur longueur ;

- en partant du NH2 terminal , on peut définir :

 

- Cette nomenclature souligne des homologies de structure des diverses chaînes polypeptidiques bêta et gamma n’ont que 39 différences sur 146 résidus d’acides aminés , bêta et delta , 10 seulement ,

(schéma n° 43)

alpha n’a pas d’hélice D , mais possède 40 résidus semblables à ceux des autres chaînes .

- Désigner un résidu d’acide aminé par son numéro (de 1 à 141 ou 146) n’est pas très parlant et la nomenclature ci-dessus précise mieux places et homologies éventuelles (cf fixation de l’hème p80).

- La myoglobine et toutes ces chaînes globiniques doivent ces homologies à une origine commune dans l’évolution des espèces , fort bien documentée .

(schéma n° 44)

 

C - STRUCTURE TERTIAIRE DES CHAINES HEMOGLOBINIQUES

Angulations et courbes des chaînes , constituant la structure secondaire , mais liées à la structure primaire , au départ , amènent au contact des résidus d’acides aminés à numéros éloignés qui vont contracter des "contacts tertiaires " , du type liaison hydrogène ou forces de Van der Waals . C’est ici une structure très dense à contacts hydrophobes qui stabilisent beaucoup la molécule .

(schéma n° 45)

1 - La poche de l’hème est une faille assez étroite , perpendiculaire à la surface du polypeptide .

2 - La liaison hème - peptide

a. était conçue de façon simple :

- deux des six valences du fer ferreux , perpendiculaires au plan de l’hème , vont se fixer aux parois latérales de la poche de l’hème à l’azote imidazole de deux résidus histidine , situés en F 8 et en E 7 (quelle que soit la chaîne et le numéro de ces histidines , cette nomenclature précise l’homologie);

- le première liaison F 8 est forte , la seconde E 7 , plus lâche , pour admettre une molécule d’oxygène , entre E 7 et l’anneau tétrapyrrolique .

(schéma n° 46)

- La nature des liens varie beaucoup entre l’état oxydé et l’état réduit de la chaîne .

- Le fer doit rester bivalent , ferreux , pour pouvoir se coordonner à l’oxygène d’où la nécessité d’une protection permanente contre la méthémo-globinisation , contre le passage du fer ferreux au fer ferrique , liée à la mét-hémoglobine-réductase et aussi au caractère hydrophobe de l’environnement de l’hème .

b. En réalité , plus de 5O atomes de l’hème entrent en contact avec une trentaine d’atomes de 16 résidus d’acides aminés globiniques , qui de plus diffèrent suivant les chaînes et l’état d’oxydation !

c. Cette zone de fixation est fragile et peut être altérée par : des anomalies de l’hémoglobine : hémoglobines M , hémoglobines instables , des troubles enzymatiques du globule rouge .

 

D - STRUCTURE QUATERNAIRE DES CHAINES GLOBINIQUES

Les quatre subunités se situent aux quatre sommets d’un tétraèdre et chacune est ainsi en contact avec les trois autres .

Les poches de l’hème sont en surface , ouvertes à l’extérieur .

1 - Les distances entre les quatre fers héminiques (points de repère) sont inégales et varient au cours de l’oxygénation - désoxygénation .

2 - Les contacts entre subunités

a. subunités identiques (alpha 1 - alpha 2 ou bêta 1 - bêta 2) sont de caractère pôlaire mais à peu près limités aux carbones et azotes terminaux ;

b. subunités différentes sont de caractère apôlaire , mais beaucoup plus nombreux ;

- entre subunités du même dimère (alpha 1 - bêta 1 ou alpha 2 - bêta 2) (non séparés immédiatement , lors de la dégradation " in vitro " qui conduit à des dimères alpha-bêta), les contacts sont étroits et étendus , portant sur 39 résidus d’acides aminés , zone dont les anomalies entraînent la formation d’hémoglobines instables ;

- entre subunités de dimères différents (alpha 1 - bêta 2 ou alpha 2 - bêta 1), les contacts sont moins étendus , portant sur 19 résidus d’acides aminés , ce qui permet le glissement d’une chaîne sur l’autre lors de l’oxygénation et la désoxygénation par transition allostérique ; les résidus de ce contact sont presque tous les mêmes dans toutes les hémoglobines .

3 - La cavité centrale de 50 angströms de long au centre des quatre chaînes , est tapissée de résidus pôlaires , mais surtout fixe une molécule de 2-3 DPG entre les deux chaînes bêta alors que ce n’est pas possible entre les chaînes gamma (de l’hémoglobine F).

(schéma n° 47)

4 - Transport de l’oxygène par l’hémoglobine

a. Il a ses spécificités :

- il diffère du transport de l’oxygène par la myoglobine par exemple : la courbe de Barcroft du pourcentage de l’hémoglobine oxygénée en fonction de la pression partielle en oxygène P O2 , est sigmoïde , et non hyperbolique ; l’affinité de l’hémoglobine s’accroît en fonction du taux d’hémoglobine déjà oxygénée car les sites déjà oxygénés favorisent l’oxygénation des autres sites par " effet de coopération ".

(schéma n° 48)

- De même , l’élévation de la P CO2 et la baisse du pH (effet Bohr) abaissent l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène , décalant la courbe de Barcroft vers la droite et accentuant son aspect sigmoïde , facteurs plus favorables au transport de l’oxygène nécessitant de rapides échanges au niveau des poumons et des tissus , à P O2 , P CO2 et pH donnés .

- Les composés voisins de l’hémoglobine ne bénéficient pas de tels avantages : myoglobine , monomérique , tétramères homologues de chaînes globiniques (gamma 4 ou bêta 4) en pathologie .

b. Seule la structure quaternaire à deux paires globiniques différentes

- permet une transition allostérique lors des relations avec l’oxygène , rapprochant les hèmes bêta et écartant les hèmes alpha , tandis qu’un pivotement des subunités ménage la symétrie moléculaire permis par la flexibilité des liaisons alpha 1 - bêta 2 ou alpha 2 - bêta 1 .

- Perutz a d’ailleurs démontré que l’oxygénation commence par les chaînes alpha à large poche de l’hème , ce qui modifie la structure de la poche et de la chaîne alpha toute entière , ce qui retentit sur les contacts alpha 1 - bêta 2 et alpha 2 - bêta 1 , ce qui élargit finalement les poches de l’hème bêta , les ouvrant à l’oxygénation .

(schéma n° 49)

c. Le 2-3 DPG (2-3 di-phospho-glycérate)

- fixé dans la cavité centrale de l’hémoglobine A , diminue son affinité pour l’oxygène ;

- l’hémoglobine F du sang foetal , dépourvue de 2-3 DPG , a une affinité plus grande que l’hémoglobine A pour l’oxygène , ce qui faciliterait les échanges d’oxygène transplacentaires .

- Mais les hémoglobines A et F pures , sans 2-3 DPG fixé , ont la même affinité .

(schéma n° 50)

- Des polyglobulies sont liées à une affinité accrue du sang pour l’oxygène , relevant soit d’une anomalie de l’hémoglobine , soit d’une baisse du taux de 2-3 DPG .

 

E - STRUCTURE SUPRAQUATERNAIRE DES HEMOGLOBINES

1 - Dans les globules rouges , la concentration en hémoglobine , la CCHM , est toujours voisine de la saturation (elle est maximale)

2 - Ceci implique : des liens inter-moléculaires par des liaisons hydrogène pôlaires , un certain degré d’orientation des molécules intra-globulaires , surtout en surface du globule rouge où l’hémoglobine s’unirait aux lipoprotéines membranaires ; ceci aura des conséquences pour les hémoglobines S et C dans leurs rapports avec le globule rouge .

 

F - EN CONCLUSION , on peut se demander

pourquoi faut-il de l’hémoglobine , pourquoi faut-il de l’hémoglobine intra-érythrocytaire ?

- L’hémoglobine transporte l’oxygène moléculaire à raison de 1,34 ml d’oxygène par gramme d’hémoglobine (pouvoir oxyphorique du sang), soit 100 fois plus que le plasma pour l’oxygène dissous .

- L’hémoglobine doit être enfermée dans un globule rouge :

le pigment libre des invertébrés permet seulement un métabolisme très réduit (" performances " limitées de la limace ou de l’escargot); l’hémoglobine libre dans le plasma sature très vite l’haptoglobine qui est éliminée par le rein (hémoglobinurie des hémolyses intravasculaires); l’hémoglobine liée à une grosse molécule retenue dans le plasma n’est plus protégée de la mét-hémo-globinisation et ne bénéficie plus de l’effet Bohr en présence du CO2 .

- C’est tout le problème - non résolu - du sang artificiel , substitut possible à la transfusion sanguine (au troisième millénaire)!


Commentaires et Questions