L’HEMOGRAMME

C’est l’examen de laboratoire le plus demandé .

 

A - DEFINITION (NFP)

Il englobe ce que l’on appelle :

1 - la numération des globules rouges , mieux dénommée " érythrocytométrie " car aux constantes mesurées traditionnelles , hématocrite , hémoglobine , taux de globules rouges , s’ajoutent les constantes calculées de Wintrobe , HCM , VGM , CCHM , et les courbes de popuplation en fonction du volume et même de la concentration individuelle en hémoglobine , voire la numération des réticulocytes , en valeur absolue , et même les constantes réticulocytaires , selon les automates ;

2 - la numération et la formule (differential count ,en anglais) leucocytaires , cette dernière donnant le pourcentage des divers globules blancs et , couplée à la première , leur valeur absolue , maintenant fiable depuis que les formules sont décomptées sur 10 000 et non 100 leucocytes ;

3 - la numération des plaquettes sanguines , logiquement inclue dans l’hémogramme , avec bientôt les plaquettes réticulées (analogues des réticulocytes), maintenant remboursée par la Sécurité Sociale même si elle n’est pas spécifiée !

N.B.: l’expression " numération de formule " est ridicule !

 

B - L’AUTOMATISATION

- L’objectif initial des cytologistes fut d’améliorer le confort des techniciens :

le grand nombre d’hémogrammes à réaliser (500 à 1 000 par jour dans certains gros laboratoires européens , plusieurs milliers dans certains laboratoires américains ou japonais) et l’accélération du rythme des réponses à des cliniciens légitimement pressés (consultants , chimiothérapies en hôpital de jour) ont fait souhaiter la suppression de gestes manuels comme :

- L’embelli de cette course au confort fut l’atteinte d’une précision bien meilleure : la numération des plaquettes est devenue un examen de routine fiable ; le pourcentage des éosinophiles réalisé sur 10 000 cellules , et non plus 100 , voire 50 ou 20 en cas de leucopénie , peut décemment être traduit en valeur absolue ; les réticulocytes peuvent être décomptés de manière précise et humaine .

Remarques importantes :

les automates , plus précis que les techniques manuelles en hématimétrie , sont plus faits pour décharger les laboratoires des formules normales que pour reconnaître les cellules pathologiques , mais leurs " alarmes " , sur lesquelles il faut être particulièrement exigeant , attirent l’oeil du cytologiste qui devra mettre " l’oeil à la pâte " , son temps étant dégagé pour celà ; un tout récent appareil confectionne et colore même automatiquement des frottis de qualité pour la réalisation des révisions !

Il ne se fait pratiquement plus que des hémogrammes automatisés , même dans les petits laboratoires des pays développés , en 1999 .

 

C - L’HEMATIMETRIE (décompte des cellules)

1 -( Généralités )

peut utiliser deux procédés de comptage des éléments figurés du sang :

Il faut accoupler l’un ou l’autre de ces procédés avec la mesure colorimétrique de l’hémoglobine après lyse des globules rouges et transformation en cyan-mét-hémo-globine (méthode de Drabkin ou d’autres sans cyanure , toxique), puis , à partir des trois paramètres mesurés , taux de globules rouges par unité de volume , volume globulaire moyen (VGM), taux d’hémoglobine par unité de volume , calculer les autres constantes de Wintrobe : Hématocrite , ici calculé ,mais plus exact (absence de plasma résiduel), Hémoglobine Corpusculaire Moyenne (HCM), Concentration Corpusculaire Hémoglobinique Moyenne (CCHM).

Ces " six paramètres rouges " , avec le taux des leucocytes et celui des plaquettes par unité de volume , constituent les 8 paramètres de base d’une " numération globulaire ".

2 - Procédé de détection volumétrique par variation d’impédance

a. Description : des particules , c’est à dire des cellules (mais la machine ne le sait pas !) passent à tavers le minuscule orifice d’un tube plongeant dans leur milieu de suspension et , aspirées , déplacent leur propre volume d’électrolytes dans le champ de deux électrodes à qui l’on applique un courant continu d’intensité constante; ceci crée une augmentation d’impédance du circuit , donc une augmentation de la différence de potentiel .

(schéma n° 51)

b. On peut ainsi : compter les particules , les cellules , mesurer le volume de chacune d’elles , établir la courbe de répartition des volumes des globules rouges , et par là calculer le VGM , ou faire de même avec leucocytes et plaquettes .

c. Cause d’erreurs : le passage en coïncidence de plusieurs cellules dans le micro-orifice ; une correction statistique automatique intervient pour les sangs normaux , mais en cas d’agrégats , érythrocytaires ou plaquettaires , repérables par le technicien , une intervention humaine est nécessaire .

3 - Procédé de détection optique

a. Principe

Les cellules sont contraintes à passer une par une dans un canal microscopique , interrompant un faisceau lumineux , ce qui permet le comptage , tandis que la diffusion et la diffraction de la lumière permettent de repérer la taille et la forme des cellules .

b. Causes d’erreur : là encore il faut savoir que l’on compte des particules et des interférences de taille peuvent intervenir : macroplaquettes et microcytose méditerranéenne , agrégats , comme ci-dessus , érythroblastes comptés comme des leucocytes .

4 - Au sein des automates , diverses améliorations se sont fait jour : on s’arrange pour réaliser deux dilutions ou pour travailler sur plusieurs canaux et certains appareils parviennent à réaliser trois mesures sur chaque cellule , en signalant les trop fortes discordances ; gros progrès , les leucocytes sont comptés dans plusieurs canaux et la " sécurité des chiffres des blancs " qui ne disposaient pas de trois mesures comme les rouges , est acquise ; pour les plaquettes , on obtient le volume plaquettaire moyen , intéressant dans les thrombopénies et surtout la précision est bien meilleure (CV au dessous de 10 % contre 25 % en manuel).

Le nombre de paramètres rendus aux cliniciens dépasse 20 et on les aide par des H ou des L pour les résultats " hors bornes ".

Les courbes , pour peu qu’ils veuillent bien passer une fois une demi-heure à les comprendre , peuvent aussi les aider considérablement dans l’analyse des anémies ! Le CVGR , coéfficient de variation du volume des globules rouges , chiffre l’importance de l’anisocytose pour les amateurs de chiffres .

La connection informatique aisée permet une transmission fiable et rapide des résultats à distance , mais hélas , il est difficile d’obtenir la transmission des courbes !

Au plan du confort des techniciens , on a fait des progrès énormes avec les passeurs d’échantillons , les aiguilles qui prélèvent à travers les bouchons de caoutchouc (moindre risque de contamination par les hépatites et autre SIDA), la disponibilité de l’appareil qui demande 3 minutes ... plus 3 autres pour arriver à l’impression de plus de 20 paramètres précis .

5 - Au total , les coéfficients de variation en répétabilité sur le même échantillon n’excèdent jamais 5 % et les coéfficients de corrélation entre deux automates modernes excèdent quasi toujours 0,90 même en interlaboratoires !

 

D - L’AUTOMATISATION DE LA FORMULE LEUCOCYTAIRE

1 - a eu deux voies d’approche :

2 - La formule " approchée "

Encore appelée LGM (lympho- , granuleux , mono-) c’est un " ersatz " de formule .

- C’est une analyse affinée des volumes cellulaires dans un sang normal , à partir d’une seule mesure , après dénaturation des cellules par un liquide de lyse dans des conditions très précises ,

- distinguant

- grâce à des méthodes statistiques fines de détection des seuils et une analyse des courbes de distribution .

- Restent cependant deux problèmes majeurs non résolus :

en cas d’anisocytose des granuleux , comme lors d’une infection sévère , il y a chevauchement des pics de distribution devenus dômes et .....échec ; quelle est la valeur d’une formule qui s’interdit de dépister les éosinophiles ?

- Ces appareils n’ont un intérêt qu’en complément d’un automate complet .

3 - La formule complète automatisée est maintenant possible et même souhaitable

- reconnaissant polynucléaires neutro- , éosino- et baso-philes , lymphocytes (sans distinguer grands et petits) , monocytes , et parfois d’autres paramètres

- au moins sur les sangs ne renfermant que des cellules normales, c’est à dire 70 à 90 % selon le recrutement du laboratoire , car s’il recrute dans un service de maladies du sang , ce pourcentage s’abaisse !

a. Diverses technologies sont en général associées avant qu’un ordinateur ne fasse la synthèse de leurs données pour délivrer la formule : principe Coulter d’analyse des volumes , diffraction lumineuse , conventionnelle ou laser , cytochimie (peroxydases , bleu Alcyan) , conductivité d’un courant de haute fréquence ou analyse d’une fréquence radio , lyse sélective de divers éléments figurés du sang .

b. La précision des résultats pour les cellules normales ,

avec des appareils qui analysent 8 000 à 10 000 cellules par échantillon de sang , est bien plus satisfaisante qu’avec les techniques manuelles qui n’en décomptaient que 100 , voire 50 ou 20 , mais il reste une imprécision importante avec les basophiles et une discordance entre ce qu’appellent " monocytes " l’oeil et les automates , avec semble-t-il plus de vérité du côté des automates !

c. La détection des cellules anormales (fût-ce simplement sous formes d’ " alarmes ") a moins de conséquences pour les cellules " bénignes " cellules granuleuses non complètement mûres , érythroblastes du sang circulant , lymphocytes atypiques , que pour les " blastes " signant une leucémie aiguë mais s’il existe de façon non exceptionnelle des " faux positifs " constituant plutôt une qualité qu’un défaut de l’appareil en se plaçant d’un point de vue pragmatique , les " faux négatifs " sont exceptionnels .

d. Pour les échantillons très leucopéniques , les automates peuvent rendre des résultats quand il y a moins de 1 000 GB / µl (et il est difficile de les contrôler manuellement !).

 

E - LA NUMERATION DES RETICULOCYTES

- doit être automatisée car le décompte manuel sur 1 000 globules rouges est long , fastidieux et imprécis .

- Divers colorants peuvent rendre les ARN fluorescents ou repérables comme en manuel par des cytomètres de flux ou des automates qui font un pourcentage et calculent la valeur absolue à partir du taux de globules rouges , rendant à celui-ci une certaine utilité , ou comptent directement .

- L’intégration à l’hémogramme sur le plan pratique est en cours actuellement , faisant appel et à l’automatisation et à la robotisation .

 

F - DONNEES ESSENTIELLES DE L’HEMOGRAMME

1 - En matière de globules rouges , dans la mesure où le volume sanguin total n’a pas varié (oedèmes , déshydratation , hémorragie aiguë),

a. le taux d’hémoglobine définit :

- une anémie s’il est diminué , avec des différences selon le sexe , l’âge , l’état gravidique , plaçant la " barre " à

- une polyglobulie s’il est augmenté , mais l’hématocrite est plus utilisé en pratique et la masse globulaire totale , mesurée par dilution isotopique , est la seule preuve absolue d’une polyglobulie .

b. Face à une anémie ,

- l’HCM inférieure à 27 pg définit son caractère hypochrome dans 95 % des cas en pratique généraliste ;

. une ferritinémie basse signe une carence martiale : alimentaire (nourrissons , végétariens , émigrés , vieillards.....), par absorption diminuée (maladie coeliaque), par hyperutilisation (grossesses répétées), par FUITES SANGUINES surtout (gynécologiques , digestives);

. une ferritinémie normale ou élevée oriente vers une anémie des syndromes inflammatoires ou cancers , une thalassémie , surtout dans certaines ethnies , une dysérythropoïèse ;

- l’HCM supérieure ou égale à 27 pg définit son caractère normochrome , parfois macrocytaire (VGM élevé); à réticulocytes élevés en valeur absolue dans les anémies régénératives liées à une hémorragie aiguë non extériorisée (pas de signes d’hémolyse),

une hémolyse acquise (auto-anticorps surtout) ou congénitale (membrano- , enzymo- ou hémoglobino-pathies avec une orientation en fonction de l’origine ethnique);

. à réticulocytes normaux ou abaissés en valeur absolue dans les anémies arégénératives

2 - En matière de globules blancs ,

- il faut raisonner en valeur absolue dans chaque famille car les divers leucocytes n’ont ni les mêmes fonctions , ni les mêmes pathologies ;

- ils peut y avoir des élévations :

- ou des diminutions :

neutropénie , voire agranulocytose ;

- des éléments jeunes de la moelle osseuse peuvent passer dans le sang (myélémie avec ou sans érythroblastose sanguine)

- des éléments anormaux peuvent signer l’existence d’une leucémie aiguë , myéloblastique ou lymphoblastique , d’un syndrome mononucléosique bénin (lymphocytes atypiques ou stimulés).

3 - En matière de plaquettes , on observe des thrombopénies ou des hyperplaquettoses , et le volume plaquettaire moyen oriente un peu vers une thrombopénie centrale s’il est normal , vers une thrombopénie périphérique s’il est augmenté ; le décompte des plaquettes réticulées , plaquettes jeunes équivalents des réticulocytes devrait bientôt améliorer ces capacités d’orientation diagnostique .

4 - Conclusion : un hémogramme doit toujours être complet et considéré dans son ensemble , les pancytopénies en sont l’illustration .


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