CHAPITRE 9
Communication chimique


2. Hormones - modulateurs endocrines (suite)

2.3.3. Régulation hormonale de la glycémie

a. insuline et glucagon
b. contrôle de sécrétion
c. effets de l'insuline et du glucagon
d. déficience en insuline

2.3.4. Réactions hormonales aux stress
2.3.5. Régulation hormonale de la croissance

a. sécrétion et effets de la GH
b. effets synergiques d'autres hormones
c. mues et métamorphoses

2.3.6. Contrôle hormonal de la gamétogenèse

a. gamétogenèse ovarienne

1) Phase préovulatoire
2) Ovulation
3) Phase postovulatoire
4) Effets des hormones produites

b. gamétogenèse testiculaire
c. aspects comparés

1) Gamétogenèse
2) Détermination du sexe

2.4. Glandes endocrines et hormones des invertébrés

2.4.1. Croissance, mues et métamorphoses

a. insectes
b. crustacés
c. autres invertébrés

2.4.2. Iono et osmorégulation

2.3.3. Régulation hormonale de la glycémie
a. insuline et glucagon

Le glucose est chez la plupart des organismes animaux, le substrat de base des séquences du métabolisme énergétique (cfr. chapitre 3). Le maintien d'une concentration sanguine correcte en glucose (glycémie) est donc indispensable au bon déroulement des activités biologiques cellulaires.

Deux hormones sont impliquées au premier chef dans ce processus : l'insuline qui provoque une diminution du taux de glucose dans le sang (effet hypoglycémiant) par activation de son transport vers les cellules et de son utilisation métabolique à la formation de glycogène, lipides et protéines (voir c ci-après). Le glucagon qui, à l'inverse, augmente la teneur sanguine en glucose (effet hyperglycémiant) en favorisant la glycogénolyse et la néoglucogenèse au niveau du foie (voir c ci-après). Les deux hormones sont de nature protéique et sont produites respectivement par les cellules b et a des îlots endocrines du pancréas (îlots de Langerhans, cfr. 2.2.4 et figure 9-13).

Figure 9-13 (10637 octets)

Figure 9-13 : Insuline et glucagon : hormones hypo et hyperglycémiantes produites respectivement par les cellules b et a des îlots endocrines du pancréas (îlots de Langerhans).

b. contrôle de sécrétion
Le contrôle de la sécrétion d'insuline fait intervenir plusieurs facteurs dont le plus important est le taux de glucose sanguin. Toute augmentation au-dessus de la normale (5 mM chez l'homme) induit une synthèse et une sécrétion d'insuline. Il semble que cet effet soit du à une activation directe des cellules b par le glucose. Différents acides aminés, particulièrement la leucine et l'arginine, augmentent également, mais dans une moindre mesure que le glucose, la production d'insuline. Le GIP (gastric inhibitory peptide), produit au niveau de l'intestin au passage du bol alimentaire, ainsi que le glucagon augmentent également la sécrétion. La somatostatine et les catécholamines circulantes, adrénaline et noradrénaline, ont par contre un effet inhibiteur. Les glucocorticoïdes ainsi que l'hormone de croissance sont, comme nous le verrons plus loin, hyperglycémiants. L'hyperglycémie induite peut à son tour avoir un effet insulinosecréteur. Dans ce cadre donc, les effets de ces hormones ne sont pas directs mais liés à l'augmentation du taux de glucose sanguin qu'elles induisent.

Le système nerveux autonome est également impliqué dans le contrôle physiologique de la production d'insuline ; les terminaisons nerveuses sympathiques ont le même effet inhibiteur que les catécholamines circulantes alors que la stimulation parasympathique augmente l'insulinosécrétion. Ce type de stimulation paraît directement mis en jeu lors de l'ingestion de repas contenant des glucides. Ce phénomène, dit phase céphalique d'insulinosécrétion, paraît lié à la perception d'une saveur sucrée au niveau buccal. Il permet une sécrétion anticipée d'insuline en relation avec l'élévation postprandiale du taux de sucre sanguin.

En ce qui concerne le glucagon, le facteur de régulation essentiel est, comme pour l'insuline, le glucose sanguin. Une baisse de la teneur en glucose induira une augmentation de sécrétion. Il en va de même pour la noradrénaline des terminaisons nerveuses sympathiques et les catécholamines circulantes.

L'insuline et le glucagon une fois produits sont dégradés assez rapidement par protéolyse, essentiellement au niveau du foie et du rein. Leur demi-vie dans le sang est de l'ordre de 5 minutes chez l'homme.

c. effets de l'insuline et du glucagon
Les effets des deux hormones pancréatiques sont essentiellement métaboliques. L'insuline agit par ailleurs comme activateur du transport couplé Na - glucose et Na - acides aminés au niveau des membranes plasmiques. Elle favorise ainsi l'entrée de glucose dans les cellules.

Au point de vue métabolique, l'insuline va favoriser l'utilisation du glucose essentiellement au niveau des tissus adipeux, musculaire et hépatique. Dans ce cadre, elle va : stimuler la glycogenèse et inhiber la glycogénolyse aux niveaux hépatique et musculaire ; stimuler la glycolyse et la lipogenèse et inhiber la lipolyse au niveau adipeux ; stimuler la glycolyse et la synthèse des protéines surtout au niveau des muscles. Elle inhibera encore la néoglucogenèse et la cétogenèse hépatiques (figure 9-14).

A l'inverse, le glucagon va favoriser la synthèse du glucose, essentiellement au niveau hépatique, en stimulant la néoglucogenèse et la glycogénolyse et en inhibant la cétogenèse (figure 9-14). Il paraît également avoir un certain effet activateur sur la lipolyse surtout au niveau du tissu adipeux.

Figure 9-14 (10411 octets)

Figure 9-14 : Effets métaboliques de l'insuline et du glucagon. I+ et I- : stimulation et inhibition par l'insuline, G+ et G- : stimulation et inhibition par le glucagon.

d. déficience en insuline
De ce qui précède l'insuline et le glucagon apparaissent comme deux hormones essentielles dans l'économie du glucose et des métabolites énergétiques cellulaires. Le manque d'insuline chez le jeune a dans ce cadre des conséquences sérieuses sur son développement (voir plus loin 2.3.5.b). Chez l'adulte, la privation d'insuline telle qu'elle est observée dans le diabète sucré (ou insulinoprive) grave induit toute une série de problèmes qui, sans intervention, aboutissent inévitablement au coma et à la mort (figure 9-15).

L'absence de sécrétion endogène d'insuline, lorsqu'elle n'est plus compensée par apport exogène, induit une augmentation du taux de glucagon. Carence en insuline et élévation du glucagon vont induire une diminution de l'utilisation glycolytique du glucose ainsi qu’une augmentation de la glycogénolyse, de la cétogenèse et de la lipolyse. Ces effets auront pour conséquence une augmentation de la glycémie ainsi qu'une élévation des teneurs sanguines en glycérol, acides gras et acides cétoniques conduisant d'une part à une acidose sanguine et d'autre part à de la glycosurie. L’hyperglycémie conduira également à une diurèse osmotique et donc à une certaine déshydratation pouvant entraîner des défaillances circulatoires et éventuellement un coma mortel.

Figure 9-15 (7366 octets)

Figure 9-15 : Effets du manque d'insuline.

2.3.4. Réactions hormonales aux stress
On peut considérer l'état de "stress" comme le résultat d'une réaction physiologique à des perturbations biologiques ou psychiques.

Les perturbations "stressantes" induisent des réactions hormonales mettant essentiellement en jeu les surrénales. Dans les années 30, les réactions engendrées furent considérées dans le cadre d'un "syndrome d'adaptation" qui eut des partisans convaincus comme de sérieux détracteurs. Un des problèmes majeurs rencontré dans ce cadre est que le caractère "stressant" d'une situation est extrêmement variable d'un individu à l'autre. Le niveau de "stress" atteint chez un individu est par ailleurs difficilement quantifiable et peut, de plus, varier, pour une même situation, en fonction de nombreux facteurs qu'il est parfois difficile d'apprécier correctement. Il reste donc malaisé à l'heure actuelle de définir clairement une "physiologie de stress" ou même un ou plusieurs syndromes qui pourraient s'y rattacher. Il apparaît néanmoins clairement que différentes situations stressantes induisent systématiquement une réponse des glandes surrénales, à la fois de la zone corticale et de la zone médullaire (figure 9-16).

Les stimuli induisant ces réponses sont éminemment variables et concernent aussi bien les réactions rapides de défense, d'attaque ou de fuite (peur, chasse, etc.…) que les réactions plus lentes à différentes situations environnementales (exposition au froid par exemple) ou pathologiques (maladies infectieuses, brûlures, intoxications, traumatismes, etc.…) ou encore à différents problèmes psychiques (anxiété, angoisse, frustration, etc.…). Les réponses à ces différents stimuli seront donc de deux types, rapides ou plus lentes, impliquant plus particulièrement la zone médullaire des surrénales pour les réactions rapides et la zone corticale pour les autres (figure 9-16).

 
Figure 9-16 (7151 octets)
 
 
Figure 9-16 : Effet sur le taux d'hormones surrénaliennes d'un stress induit par le changement d'environnement et les manipulations qu'occasionnent la tonte chez le mouton.
 

Les facteurs de stress sont perçus au niveau cérébral qui va réagir par voie endocrine et nerveuse (figure 9-17). La voie endocrine débute au niveau hypothalamique avec production de libérines, la plus importante dans le cadre présent étant un CRF (corticotropic releasing factor, corticolibérine). Ce CRF induit la libération d'ACTH (hormone adrénocorticotrope) de l'adénohypophyse qui va elle-même stimuler la production des glucocorticoïdes du cortex surrénalien (cortisol essentiellement chez de nombreux mammifères, corticostérone chez le rat et la souris). Par ailleurs, la médullaire peut être activée par voie nerveuse sympathique. Comme nous l'avons signalé, la mise en jeu sélective de l'un ou l'autre système dépend du type de stress impliqué.

 
Figure 9-17 (7365 octets)
 
 
Figure 9-17 : Contrôle de production des hormones surrénaliennes chez les mammifères. Détails dans le texte.
 

L'activité de la voie endocrine peut être contrôlée en rétroaction par les hormones elles-mêmes. Les glucocorticoïdes ont un effet inhibiteur marqué sur la production du CRF hypothalamique alors que les catécholamines semblent avoir un léger effet activateur sur la libération d'ACTH.

Glucocorticoïdes et catécholamines ont des effets métaboliques aboutissant à une disponibilité plus grande d'énergie sous forme de glucose et d'acides gras. Les catécholamines ont par ailleurs des effets au niveau circulatoire et respiratoire qui vont favoriser l'utilisation d'énergie dans le cadre d'une demande accrue.

Au plan métabolique (figure 9-18), les catécholamines stimulent essentiellement la glycogénolyse hépatique et la lipolyse au niveau des adipocytes blancs. Les glucocorticoïdes vont essentiellement stimuler la néoglucogenèse hépatique. Ils vont par ailleurs favoriser la libération d'acides aminés à partir de la masse protéique au niveau des muscles. Ils ont également un effet permissif sur la lipolyse des tissus adipeux bien que, semble-t-il, ils n'aient pas d'effets lipolytiques propres. Dans ce cadre, leur présence augmente considérablement la lipolyse induite par les catécholamines.

Figure 9-18 (9659 octets)

Figure 9-18 : Effets métaboliques des hormones surrénaliennes. Cat : catécholamines (adrénaline, noradrénaline), GC : glucocorticoïdes. Détails dans le texte.

Les catécholamines vont d'autre part exercer une série d'effets préparant en quelque sorte l'organisme à une réponse rapide pouvant intervenir dans le cadre de réactions "d'urgence" (choc traumatique, défense, fuite, attaque). Dans ce cadre, elles vont provoquer :
- une accélération du débit cardiaque par augmentation de la fréquence cardiaque et de la puissance de contraction.
- une vasoconstriction périphérique et splanchnique ainsi qu'une vasodilatation au niveau des muscles squelettiques et cardiaques.
- une dilatation des bronches diminuant la résistance au passage de l'air ainsi qu'une augmentation de la ventilation.

A côté de ces effets majeurs, les hormones des surrénales auront encore quelques effets mineurs. Les glucocorticoïdes ont ainsi un effet anti-inflammatoire alors que les catécholamines provoque la contraction des muscles pilomoteurs (chaire de poule) et des muscles dilatateurs de l'iris (dilatation pupillaire). Elles ont aussi des effets sur la musculature de l'urètre, de l'intestin, de la vessie et du sphincter anal.

2.3.5. Régulation hormonale de la croissance
L'hormone de croissance (GH) est impliquée au premier chef dans la croissance pondérale liée au développement de tous les organes et tissu du jeune animal. Une croissance normale et harmonieuse ne met cependant pas en jeu que la seule GH. Différentes autres hormones vont en effet intervenir en synergie avec elle ; c'est le cas notamment des hormones thyroïdiennes (T3, T4 et calcitonine), de l'insuline, des glucocorticoïdes et des hormones sexuelles.

Ces hormones, et tout particulièrement les thyroïdiennes, jouent par ailleurs un rôle important dans les phénomènes de mues et de métamorphose qui accompagnent la croissance de différentes espèces.

a. sécrétion et effets de la GH
L'hormone de croissance est sécrétée par l'adénohypophyse suivant un rythme pulsé, largement influencé par le nycthémère. Chez l'homme, des "pulses" de sécrétion sont ainsi observés toutes les 3 ou 4 heures, les pics les plus importants intervenant de nuit, notamment au cours de la première phase de sommeil profond. La sécrétion est contrôlée par un facteur hypothalamique activateur (somatocrinine ou GHRF : growth hormone releasing factor) et un facteur inhibiteur (somatostatine ou GHIF : growth hormone inhibiting factor). Dans le cadre d'une boucle de contrôle en rétroaction, la production de somatocrinine est inhibée par certaines somatomédines (voir § suivant) et le taux de GH circulante. Ces deux facteurs stimulent par ailleurs la production de somatostatine (figure 9-19).

Contrairement à la plupart des autres hormones, la GH n'agit pas sur un système cellulaire cible particulier mais bien sur l'ensemble des types cellulaires (sauf les cellules cérébrales). Elle exerce de nombreux effets, certains directement, d'autres indirectement via la production, essentiellement au niveau du foie, de somatomédines (Sm). On trouve deux formes majeures de somatomédines dans le sang humain. L'une, la Sm C, est identique à l'IGF-I (insulin-like growth factor I) ; l'autre est l'IGF-II. Leurs concentrations sériques varient différemment en fonction de l'âge et de différentes pathologies. Leurs rôles respectifs ne sont pas encore clairement définis : l'IGF-I (Sm C) paraît essentiellement stimuler la prolifération de nombreux types cellulaires et particulièrement des chondrocytes. Elle agit ainsi comme "facteur de sulfatation" dans la formation des cartilages de conjugaison (synthèse de chondroïtine - sulfate) et joue dès lors un rôle dans la croissance des os longs (figure 9-19). IGF-I et II possèdent par ailleurs des propriétés "insulin-like" tels que, augmentation du transport de glucose et d'acides aminés ainsi que de la glycémie et de la synthèse des protéines. Les effets sur la synthèse protéiques sont particulièrement marqués au niveau musculaire où ils portent surtout sur un accroissement de la masse contractile. IGF-I est également inhibiteur de la sécrétion de GH.

Les effets directs de la GH s'exerceraient essentiellement sur le métabolisme lipidique, avec un effet "anti-insulinique" de mobilisation des graisses induisant une augmentation du taux d'acides gras libres et une diminution des masses adipeuses (figure 9-19).

Figure 9-19 (13240 octets)

Figure 9-19 : L'hormone de croissance. GH : contrôle de production et effets. T3 et T4 : hormones thyroïdiennes. GC : glucocorticoïdes. Détails dans le texte.

b. effets synergiques d'autres hormones
Différentes hormones à effets métaboliques et morphogénétiques doivent agir en synergie avec l'hormone de croissance pour obtenir une croissance harmonieuse. C'est le cas des hormones thyroïdiennes T3 et T4 d'une part qui augmentent le métabolisme oxydatif et calcitonine d'autre part qui intervient avec la parathormone des parathyroïdes dans la calcification des os. L'insuline avec ses effets sur le métabolisme glucidique et lipidique est également importante. Son rôle sur la croissance apparaît nettement en pathologie humaine où, en cas de dysfonctionnement hypophysaire chez l'enfant, on peut maintenir une certaine croissance en l'absence de toute sécrétion de GH à condition de maintenir un hyperinsulinisme. Les hormones sexuelles avec leurs effets sur la sexualisation des organismes sont également d'importance. Les androgènes accélèrent par ailleurs la maturation des cartilages de conjugaison. Ils vont donc intervenir avec la GH dans la croissance osseuse ; l'hypersécrétion d'androgènes dans l'enfance peut ainsi résulter en une soudure prématurée des cartilages de conjugaison conduisant au nanisme. Dans un cadre similaire, les glucocorticoïdes à haute dose ont un effet inhibiteur sur l'incorporation de sulfate dans le cartilage et donc sur la croissance squelettique.

Les hormones thyroïdiennes, sexuelles et corticosurrénaliennes interviennent par ailleurs directement dans le contrôle de la fonction somatotrope (figure 9-19). Ainsi les hormones thyroïdiennes T3 et T4 ont un effet inducteur sur la synthèse de la GH et du GHRF hypothalamique ainsi que sur la synthèse des récepteurs hypophysaires à ce facteur. La testostérone paraît également stimuler l'expression du gène du GHRF, ce qui n'est pas le cas de l'œstradiol. Dans ce cadre, il semble que la croissance rapide des garçons à la puberté soit largement tributaire d'une sécrétion accrue de GH favorisée par les androgènes. Les glucocorticoïdes paraissent également pouvoir agir, en synergie avec les hormones thyroïdiennes, sur les cellules somatotropes pour promouvoir la production de GH induite par le GHRF. Les mécanismes impliqués dans ces différentes relations sont loin d'être clairs à l'heure actuelle.

c. mues et métamorphoses
Chez de nombreuses espèces la croissance est accompagnée de phénomènes de mue et/ou de métamorphose. Le contrôle hormonal de ces phénomènes reste loin d'être totalement élucidé. La production d'hormones iodées de la thyroïde paraît cependant jouer un rôle important dans de nombreux cas.

Ainsi la mue chez les amphibiens urodèles est-elle sous contrôle direct de la thyroïde. Il n'en va pas de même chez les anoures au niveau desquels la mue paraît essentiellement en relation avec une sécrétion de stéroïdes du cortex surrénalien. Cette différence marquée est surprenante d'autant plus que la métamorphose paraît impliquer un contrôle thyroïdien similaire dans les deux groupes (voir plus loin). Les hormones thyroïdiennes induisent néanmoins dans les deux groupes des changements similaires dans la kératinisation et l'épaisseur de l'épiderme en relation avec le passage du milieu aquatique à un habitat terrestre ou semi-terrestre.

Les sécrétions thyroïdiennes stimulent également directement la mue chez les lézards (mais non chez les serpents). Elles paraissent également jouer un rôle non négligeable dans les mues de plumage et de pelage chez les oiseaux et les mammifères. Dans ces derniers cas cependant différentes autres hormones, notamment sexuelles, paraissent entrer en jeu, rendant l'effet des corticostéroïdes moins déterminants.

La métamorphose chez les amphibiens et les poissons met en jeu des changements dans les sécrétions de différentes hormones parmi lesquelles les hormones thyroïdiennes paraissent prendre une place prépondérante à côté des corticostéroïdes (figure 9-20). La métamorphose implique la régulation de l'activité de différents gènes qui commandent des séquences d'événements morphologiques, comportementaux, biochimiques et physiologiques extrêmement variés. Ainsi par exemple chez les amphibiens : résorption des branchies et de la queue, apparition des pattes et passage de l'ammoniotélisme à l'uréotélisme lors du "land drive" (cf. chapitre 6, section 2.4) ou encore chez les salmonidés : smoltification avec toutes les modifications morphologiques et de caractéristiques d'osmorégulation qui interviennent lors du passage de l'eau douce à l'eau de mer.

Les interactions entre les différentes hormones mises en jeu lors de ces changements profonds restent peu claires. Chez les amphibiens, la prolactine paraît jouer un rôle inhibiteur alors que les hormones iodées ont un effet direct sur l'activité des gènes responsables notamment de l'apparition des enzymes du cycle de l'urée dans le foie (passage de l'ammonio à l'uréotélisme) ou encore de la mort programmée (apoptose) de différents types cellulaires dans le processus de résorption de la queue. Les hormones thyroïdiennes ont également un effet direct marqué sur le comportement de "land drive" que montrent les amphibiens après la métamorphose (la prolactine, à l'inverse, induit un comportement de "water drive"). Chez les poissons, les corticostéroïdes paraissent plus importants. Ainsi les modifications d'activité de transports ioniques branchiaux qui accompagnent la smoltification peuvent être mises directement en relation avec une sécrétion de cortisol.

Figure 9-20 (12707 octets)

Figure 9-20 : Changements hormonaux accompagnant le processus métamorphique chez les poissons (smoltification du saumon) et les batraciens.

2.3.6. Contrôle hormonal de la gamétogenèse
De nombreuses hormones sont impliquées dans le contrôle des différentes phases de la reproduction. Cela va des comportements prénuptiaux et nuptiaux au développement et à la différentiation de l'œuf fertilisé en passant par la sexualisation morphologique, physiologique et psychique des adultes ou encore la formation des gamètes et l'évolution structurale et temporelle des tissus intervenant dans la réception ou la formation des cellules reproductrices (figure 9-21). Bon nombre de ces processus sont extrêmement complexes et restent très mal étudiés dans la plupart des groupes de vertébrés. Nous nous concentrerons donc sur un exemple, parmi les mieux connus actuellement, concernant l'évolution des gamètes et de leurs tissus porteurs chez les mammifères.

Au cours de la gamétogenèse, des cellules reproductrices (gamètes) sont produites au niveau d'organes spécifiques par chacun des parents. Ces cellules résultent d'une réduction chromatique (méiose) et d'une cytodifférentiation leur donnant des caractéristiques morphologiques spécifiques témoignant de leur sexualisation (spermatozoïde chez le mâle, ovule chez la femelle). A la fécondation, deux gamètes de sexes différents fusionnent et forment un œuf fécondé (zygote) ; cellule diploïde à partir de laquelle évoluera un nouvel individu par croissance et différentiation de masses cellulaires.

Dans le cadre qui nous occupe, nous envisagerons successivement très brièvement la maturation des gamètes mâles et femelles, les premières phases de l'évolution de l'œuf fécondé et l'organogenèse des tissus produisant les gamètes (ovaires et testicules). Un schéma résumé des données qui vont suivre est présenté dans la figure 9-24, en fin de section.

a. gamétogenèse ovarienne
Chez les mammifères, la production de l'ovule s'inscrit dans un cycle dit menstruel qui peut être séparé commodément en deux phases, pré et postovulatoires, toutes deux sous contrôle des gonadotropines hypophysaires (LH et FSH). La production de ces hormones est contrôlée par l'hypothalamus qui, sous l'influence des stimuli appropriés, produira des gonadolibérines (LH/FSH-RF).

1) Phase préovulatoire
L'ovule résulte de l'évolution d'un ovocyte au sein des structures ovariennes. Au départ, chaque ovocyte formé dans le cortex ovarien est entouré de quelques cellules folliculaires, l'ensemble formant un follicule primordial. Ce follicule atteindra des stades dits follicule primaire puis secondaire lorsque les cellules folliculaires, qui se sont multipliées, formeront un épithélium continu autour de l'ovocyte et qu'apparaîtra dans la membrane épithéliale une zone nettement différenciée dite pellucide (figure 9-21). Cette zone contient trois glycoprotéines importantes produites par l'ovocyte. Ce sont elles en effet qui conféreront par la suite à la zone pellucide sa capacité à fixer le spermatozoïde et à induire la réaction acrosomique, étape clef de la fécondation. Follicules primordiaux et primaires forment une réserve (environ 106 chez la femme à la naissance) à partir de laquelle quelques-uns entreront en croissance à chaque cycle ovulatoire. Dès la puberté, cette phase de croissance ovocytaire conduira, à chaque cycle ovarien, à un ou plusieurs follicules préovulatoires à antrum (dits de De Graaf) faisant saillie à la surface de l'ovaire et contenant chacun un ovule. Les follicules en trop subissent un phénomène d'atrésie. Les follicules en croissance évoluent dans l'espace cortico - médullaire tout en acquérant une activité stéroïdogène (voir plus loin). La medulla de l'ovaire forme par ailleurs une glande interstitielle constituée à partir des follicules atrétiques et qui possède également une activité stéroïdogène (figure 9-21).

La croissance folliculaire intervient donc spécifiquement dans la phase préovulatoire, appelée d'ailleurs également phase folliculaire. Cette phase est caractérisée par une multiplication des cellules folliculaires dont la masse entourant l'ovocyte formera la granulosa (follicule préantral). L'ensemble est alors entouré de deux thèques conjonctives (interne et externe) séparées de la granulosa par une membrane basale. Une fois formée la granulosa commence à sécréter des stéroïdes. La thèque interne acquiert également une activité stéroïdogène. La granulosa sécrète essentiellement vers une cavité, l'antrum, qui se forme en son sein et ne cesse de grandir ; la thèque interne secrète vers le système circulatoire extérieur, les follicules à antrum étant richement irrigués.

L'apparition de l'activité stéroïdogène des cellules de la granulosa et de la thèque interne est liée à l'apparition sur leurs membranes plasmiques de récepteurs à la LH d'abord puis à la FSH. Ces cellules sécrètent un mélange de stéroïdes : progestérone, œstrogènes (17-b -œstradiol et œstrone) et androgènes (testostérone et androstérédione). La granulosa et la thèque interne peuvent synthétiser la progestérone mais seule la thèque interne à la capacité de métaboliser cette hormone en androgènes (cfr. figure 9-21). Les androgènes thèquaux devront donc diffuser jusqu'aux cellules de la granulosa qui les aromatisera alors en œstrogènes (figure 9-21). En fin de compte, les stéroïdes essentiellement accumulés dans la granulosa sont la progestérone et surtout des œstrogènes.

La granulosa produira encore, essentiellement en fin de croissance folliculaire, une inhibine qui pourra bloquer la production des gonadotropines hypophysaires après l'ovulation, des prostaglandines de type E2 et F2a qui joueront un rôle dans la rupture du follicule à l'ovulation et un facteur OMI (oocyte maturation inhibitor) qui intervient dans le blocage de la méiose jusqu'à l'ovulation.

Le follicule ovarien produira encore un TGFb (transforming growth factor b ) et une activine qui vont stimuler l'action de la FSH sur la production de progestérone et sur l'aromatisation des androgènes de la granulosa.

Figure 9-21 (32550 octets)

Figure 9-21 : Organisation de l'ovaire et production hormonale chez une espèce mammalienne de type mono-ovulaire (primate, homme).

2) Ovulation
Le processus de croissance aboutit à de gros follicules préovulatoires avec un antrum constituant une cavité très large dans laquelle baigne l'ovocyte, attaché à une granulosa devenue périphérique par un cumulus oophorus (figure 9-21). A ce stade, l'antrum contient de grandes quantités de stéroïdes (concentration de 100 à 1000 fois plus élevée que dans le sang ovarien) qui seront libérés brusquement lors de l'ovulation.

L'ovulation est provoquée par une augmentation brusque des gonadotropines (LH et FSH) dans le sang (figure 9-22). Cette décharge ovulante est en rapport avec une augmentation de l'œstradiol folliculaire circulant (figure 9-22) qui paraît induire une production accrue de LH/FSH-RF hypothalamique. Chez les mammifères à ovulation provoquée (lapin, chat, furet), il y a en plus un stimulus nerveux lié à l'accouplement qui joue un rôle permissif. La décharge des gonadotropines va provoquer : 1) la fragilisation des membranes thèquales des follicules de De Graaf, ce qui va induire leur rupture suite à des contractions de l'ovaire. 2) La dissociation des cellules du cumulus oophorus et la libération de l'ovocyte. 3) La fin de la maturation ovocytaire avec reprise de la méiose et l'émission du premier globule polaire.

L'ensemble de la phase ovulatoire est très complexe et loin d'être clairement compris à l'heure actuelle. Il aboutit en tout cas à l'expulsion de l'ovocyte, laissant le follicule rompu qui va évoluer au cours d’une phase postovulatoire (ou phase lutéale) en une glande endocrine temporaire : le corps jaune.

3) Phase postovulatoire
Après l'ovulation, les cellules de la granulosa se transforment en cellules lutéales qui vont sécréter de la progestérone en quantité (figure 9-22). Cette transformation, dont le contrôle hormonal reste mal compris, dépend essentiellement de la présence de LH mais ne paraît possible que si des taux de FSH suffisants ont pu être atteints. Il semble par ailleurs que la prolactine exerce un effet permissif en stimulant et prolongeant l'effet de la LH. Le corps jaune sécrète encore différents composés tels qu'ocytocine, inhibine, prostaglandines et, chez différentes espèces telles que primates, œstrogènes. Le rôle de ces substances n'est pas clair. Elles pourraient être impliquées dans la régulation de la production de progestérone ainsi que dans l'évolution et la régression du corps jaune lui-même.

Une fois différenciées, les cellules lutéales subissent peu de modifications et ne se divisent guère. En l'absence d'une fécondation et d'un début de gestation, elles régressent rapidement mettant fin à la phase postovulatoire et permettant l'initiation d'un nouveau cycle tandis que chute la sécrétion de progestérone (figure 9-22). Ocytocine et prostaglandine F2a apparaissent comme deux facteurs importants de cette lutéolyse.

 
Figure 9-22 (9515 octets)
 
 
Figure 9-22 : Evolution des taux d'hormones circulantes au cours du cycle menstruel chez la femme. Schéma semi-conceptuel.
 

4) Effets des hormones produites
Les productions hormonales essentielles des gonades femelles durant le cycle ovarien sont la progestérone en phase postovulatoire et les œstrogènes en phase préovulatoire.

Les œstrogènes produits par le follicule ont des effets multiples, notamment sur :
- la croissance et le développement de l'utérus, du vagin et des glandes annexes.
- le développement des caractères sexuels secondaires.
- les sécrétions hypophysaires : inhibition de la production de gonadolibérines.
- la croissance en général, notamment par inhibition de la production des somatomédines (voir 2.3.5.a).

La progestérone va essentiellement agir sur l'utérus et le reste de l'appareil reproducteur, le préparant à la gestation de l'œuf fécondé. Elle est d'ailleurs souvent appelée hormone de gestation. Dans ce cadre, elle exerce :
- des effets sur les structures de l'endomètre, du vagin et des glandes mammaires en activant la prolifération des acini.
- un effet inhibiteur sur la production hypothalamique de prolactostatine, ce qui induit une augmentation de la production de prolactine.
- un effet relaxant sur la musculature utérine.
- un effet inhibiteur sur l'effet lactogène de la prolactine et un effet activateur sur le développement de la glande mammaire, en synergie avec la prolactine, les corticostéroïdes, l'œstradiol et l'hormone de croissance.

Chez différentes espèces, dont l'homme, le corps jaune régresse après la nidification de l'œuf fécondé dans l'utérus. Il est alors remplacé par le placenta qui intervient comme source majeure d'hormones de gestation. Dans ce cadre, il va produire progestérone et autres gonadostéroïdes ainsi que des facteurs lactogènes, corticotropes et thyréotropes. Il produira également, pendant les premiers temps suivant l'implantation, une gonadotropine chorionique (CG) qui possède une activité LH marquée. La CG a pour rôle essentiel de retarder l'évolution du corps jaune, maintenant ainsi sa production de progestérone en attendant que les sécrétions placentaires s'installent. La production de CG diminue avec la croissance placentaire. C'est sur sa présence que sont basés les tests immunologiques de détection précoce de grossesse.

b. gamétogenèse testiculaire
Les spermatozoïdes sont formés dans les tubes séminifères des testicules à partir des spermatogonies. L'épithélium bordant les tubes est essentiellement constitué de grandes cellules pyramidales (cellules de Sertoli) qui les supportent et les nourrissent, d'un tissu interstitiel renfermant l'innervation et l'irrigation du tube ainsi que d’îlots de petites cellules dites cellules de Leydig (figure 9-23).

Le développement des spermatogonies en spermatozoïdes est organisé selon un ordre spatial et temporel rigoureux. L'entrée en spermatogenèse de différents îlots de spermatogonies se fait en effet de façon régulière et cyclique : tous les 10 jours chez le bélier, tous les 16 jours chez l'homme par exemple. Un cycle complet dure par ailleurs 49 jours chez le bélier et 74 jours chez l'homme. Chaque cycle implique 3 divisions successives de spermatogonies en spermatocytes de 1er puis de 2ème ordre et enfin en spermatides qui vont mûrir pour devenir des spermatozoïdes libres en se détachant du compartiment apical des cellules de Sertoli (figure 9-23).

Ces différentes étapes sont sous contrôle des gonadotropines hypophysaire et des androgènes produits par les cellules de Leydig. La LH intervient essentiellement en contrôlant la production de testostérone des cellules de Leydig alors que la FSH agit directement sur les cellules de Sertoli qui jouent un rôle important dans le contrôle du métabolisme et de la différentiation des cellules germinales. Sous l'influence de la FSH, elles sécrètent en effet différents composés intervenant dans la nutrition des cellules de la lignée germinale (lactate, pyruvate, etc.…) ainsi que de nombreux facteurs spermatogéniques et endocrines parmi lesquels :
- une inhibine ou une activine, inhibant ou activant, selon les cas, en rétroaction la production des gonadotropines hypophysaires ainsi que les productions des cellules de Leydig.
- un facteur de liaison des androgènes (ABP, pour androgènes binding protein), liant la testostérone et assurant son maintien en concentration élevée dans les fluides tubulaires et épididymaires.
- différents facteurs de croissance et de différentiation des spermatogonies (TGFa , TGFb , IGF1, interleukine II,...).
- une hormone antimullérienne (AMH) induisant la régression des canaux de Muller dans le développement embryonnaire ; l'apparition des testicules s'oppose ainsi à l'évolution des voies génitales femelles. Rappelons à ce sujet que, chez les mammifères, le programme constitutif de la différentiation sexuelle est féminin ; il se réalise de cette façon que les ovaires soient présents ou non. La masculinisation doit donc s'imposer activement contre cette tendance fondamentale ; les productions d'AMH et d'androgènes du testicule fœtal jouent un rôle primordial dans ce processus. Dans ce cadre, les testicules, qui apparaissent comme les organes différenciateurs du sexe, ont une organogenèse plus précoce que les ovaires. Formés très tôt, ils peuvent bloquer le processus nettement plus lent de différentiation des ovaires.

Figure 9-23 (39536 octets)

Figure 9-23 : Organisation d'un tube séminifère de mammifère eutérien. Inspiré de Junqueira et Carneiro 1980 et Dupouy 1993. Détails dans le texte.

c. aspects comparés
1) Gamétogenèse
Bien que la physiologie de la reproduction soit extrêmement différente d'un groupe de vertébrés à l'autre, on retrouve un pattern général commun, du moins dans les grandes lignes.

Chez tous les vertébrés en effet :
- les facteurs endocriniens impliqués (LH, FSH, PRL, androgènes, œstrogènes) sont similaires, voire identiques.
- les structures testiculaires et la spermatogenèse sont organisées de façon similaire avec tubes séminifères, cellules de Sertoli et de Leydig depuis les anoures jusqu'aux mammifères. Chez les poissons et les batraciens urodèles, l'arrangement en tubules est remplacé par un arrangement en lobules, chaque lobule présentant des cellules germinales à un même stade de développement. Ceci mis à part, les contrôles hormonaux sont en gros les mêmes que ceux décrits ci-dessus.
- les structures ovariennes et l'ovogenèse sont également similaires avec follicules, granulosa et cellules théquales depuis les poissons jusqu'aux mammifères. Une différence essentielle concerne les annexes embryonnaires et le devenir de l'ovule une fois libéré. Les annexes embryonnaires sont en effet placentaires chez les mammifères marsupiaux et euthériens (espèces vivipares). Elles sont le plus souvent organisées en œuf avec réserve vitelline présentant (reptiles, oiseaux, mammifères monotrèmes) ou ne présentant pas (poissons, amphibiens) une coquille isolante et une cavité amniotique (œuf cléidoïque). Rappelons cependant qu'il existe des espèces vivipares avec annexes de type plus ou moins placentaire dans tous les groupes sauf oiseaux et cyclostomes qui sont tous strictement ovipares. Les œstrogènes jouent un rôle essentiel dans la vitellogenèse et l'organisation de l’œuf. La progestérone ne paraît par contre guère impliquée. Elle paraît essentiellement mise en jeu dans l'évolution des annexes embryonnaires des espèces vivipares, mammaliennes ou autres.

2) Détermination du sexe
La différentiation sexuelle est génétique, comme chez les mammifères, chez les oiseaux et la plupart des amphibiens ainsi que chez différents poissons et reptiles. L'acquisition des caractéristiques phénotypiques d'un sexe est dans ces cas, tout comme chez les mammifères, liée à la présence des stéroïdes sexuels. Différentes espèces de poissons et de reptiles n'ont pas de chromosomes sexuels. La détermination du sexe ne peut dès lors être génétique et se fait suivant des critères environnementaux, les deux plus connus étant la température et la structure du groupe social.

Tous les crocodiliens, la plupart des tortues ainsi que quelques lézards et poissons ont une détermination du sexe basée sur la température. En général, des températures plus élevées qu'un certain point critique donnent des mâles et des températures plus basses des femelles. La situation est inversée chez les tortues ou les femelles sont produites à température élevée. Les mécanismes impliqués dans ce processus sont loin d'être clairs. Il semble que la température puisse induire l'activité de gènes déclenchant la formation des gonades. L'apparition des caractéristiques phénotypiques du sexe acquis serait alors essentiellement hormonale.

Le sexe peut également être déterminé dans un cadre comportemental. Il paraît alors dépendre essentiellement de l'évolution sociale d'un groupe. C'est le cas chez de nombreux poissons de récif qui sont au départ hermaphrodites (ovaires et testicules présents) et présentent un sexe phénotypique mâle ou femelle en fonction de l'organisation du groupe. Le plus souvent, la disparition du mâle dominant entraîne le changement de sexe d'une ou de plusieurs femelles dominantes. Les mécanismes physiologiques impliqués dans ces changements de sexe restent inconnus à ce jour. Ils pourraient faire intervenir des productions hormonales suite à stimulation nerveuse cérébrale.

Figure 9-24 (22207 octets)

Figure 9-24 : Schéma conceptuel résumant les contrôles hormonaux majeurs intervenant dans la gametogenèse et les premières étapes de la reproduction. Inspiré de Bentley dans Goldstein 1977. Détails dans le texte.

2.4. Glandes endocrines et hormones des invertébrés

Les sécrétions endocrines ont été nettement moins étudiées chez les invertébrés que chez les vertébrés. Il semble par ailleurs que les homologies entre les différents groupes soient ici beaucoup moins nombreuses. Il est donc impossible dans les conditions actuelles d'opter pour une approche intégrée de l'étude des relations hormonales telle qu'elle peut être pratiquée avec les vertébrés. Nous nous contenterons dès lors d'envisager quelques exemples de contrôles hormonaux parmi les mieux connus.

2.4.1. Croissance, mues et métamorphoses
Ces processus ont été le mieux étudiés chez les insectes et les crustacés, essentiellement pour des raisons économiques.

a. insectes
Le développement postembryonnaire des insectes peut s'effectuer selon quatre modalités différentes suivant l'importance plus ou moins grande des changements métamorphiques qui les font passer d'une larve sans organes sexuels fonctionnels à un adulte capable de se reproduire. On distinguera ainsi des insectes amétaboles, paurométaboles, hémimétaboles et holométaboles.

Chez les amétaboles, insectes primitifs aptérygotes (collemboles, protoures, thysanoures), les jeunes sont semblables aux adultes mis à part la taille et l'absence d'organes sexuels fonctionnels. Ils ont également le même mode de vie que les adultes. La croissance résulte d'une suite de mues. Au cours de l'une d'entre elles, que l'on qualifie de mue imaginale, l'insecte acquiert des gonades fonctionnelles le transformant en adulte capable de se reproduire (imago). L'insecte adulte continuera de grandir au cours de mues postimaginales.

Certains insectes ptérygotes dits paurométaboles (dictyoptères, hémiptères, orthoptères, phasmoptères) ont un mode de croissance assez semblable. La différence essentielle est l'apparition des ailes au cours de l'avant dernière mue, qualifiée de nymphale. La mue suivante, la dernière, est la mue imaginale au cours de laquelle les organes sexuels deviennent fonctionnels.

Chez les hémimétaboles (éphéméroptères, odonatoptères), la larve a un habitat et un mode de vie différent de l'adulte (aquatique contre terrestre). La mue imaginale entraîne donc des transformations plus importantes. Comme chez les paurométaboles, les ébauches des ailes apparaissent à la mue nymphale. La nymphe reste libre, mobile et capable de se nourrir.

Chez les holométaboles (coléoptères, diptères, lépidoptères, névroptères), la mue nymphale donne naissance à une pupe caractérisée par son immobilité extérieure quasiment totale. C'est au cours de ce stade pupal que la nymphe va se métamorphoser en adulte.

Bien que la métamorphose soit pour les morphologistes caractéristique des holométaboles, des changements importants de type métamorphique s'effectuent également dans les autres groupes lors des mues nymphales et imaginales. La croissance présente par ailleurs dans tous les groupes un même caractère discontinu, étant réglée par des "sauts" (mues) successifs. Le contrôle endocrinien du développement, tel qu'il a été étudié jusqu'à présent, présente d'ailleurs des caractéristiques communes dans les différents groupes. Il ne semble pas y avoir de différences essentielles en fonction de l'importance plus ou moins grande des changements s'opérant lors des mues nymphales ou imaginales ou de la pupaison.

Le système hormonal impliqué dans les différents types de mues met en jeu une glande endocrine située dans le thorax ainsi que des cellules neurosecrétrices localisées dans le cerveau et l'organe périviscéral (figure 9-25). Ces cellules produisent des facteurs intervenant soit directement dans différents processus soit comme facteurs trophiques activant les productions hormonales.

Il paraît clair à l'heure actuelle que l'entrée en mue, quel que soit le type de celle-ci, dépende essentiellement de la production, au niveau de cellules neurosecrétrices cérébrales, d'une hormone prothoracotrope (PTTH, ecdysiotropine, prothoracotropine). Cette hormone passe par transport axonal dans les corpora cardiaca, organes neurohumoraux associés au cerveau, où elle est stockée. Sa sécrétion, suite à une série de stimuli externes et internes appropriés, va induire la production d'a -ecdysone (figure 9-25) par la glande prothoracique. L'a -ecdysone est rapidement hydroxylée en C20 dans les tissus adipeux pour donner la b -ecdysone (HM, hormone de mue), beaucoup plus active que la forme a (figure 9-25). Cette dernière doit donc être considérée plus comme un précurseur que comme l'hormone de mue elle-même. La b -ecdysone paraît à la base de l'ensemble des modifications préparant et accompagnant les différents types de mue.

Figure 9-25 (25917 octets)

Figure 9-25 : Contrôle hormonal des différents types de mue chez les insectes. Détails dans le texte. L'hormone juvénile existe sous différentes formes, variables suivant le type de radicaux, méthyle ou diméthyle, se trouvant aux positions *.

Le caractère larvaire ou non d'une mue paraît essentiellement déterminé par la sécrétion plus ou moins abondante d'une hormone juvénile (HJ : figure 9-25, 9-26) les corpora allata. Ces structures neurohumorales sont voisines des corpora cardiaca et sont sous contrôle direct d'allatostatines et d'allatolibérines produites par le cerveau. C’est en fait la présence de HJ en concentration plus ou moins importante par rapport à l'hormone de mue qui paraît déterminer le caractère larvaire, nymphal ou imaginal de la mue (figure 9-26). Au cours de la mue imaginale donc, l'activité des corpora allata et la production de HJ sont pratiquement nulles. Elles reprennent après cette mue alors que l'activité des corpora cardiaca et de la glande prothoracique régresse. L'hormone juvénile produite par l'imago va intervenir dans le contrôle du comportement sexuel, l'activité des glandes génitales et la gamétogenèse.

Figure 9-26 (11729 octets)

Figure 9-26 : Evolution schématique des taux d'hormone de mue (HM) et juvénile (HJ) aux cours de différentes mues chez Manduca sexta.

Les mues s'accompagnent d'une exuviation suivie d'un tannage et d'un durcissement de la nouvelle exocuticule. Ces processus sont sous contrôle hormonal. Un facteur neurohumoral, l'hormone d'exuviation (EH : éclosion hormone), ayant des effets directs sur différents phénomènes impliqués dans ce processus (assouplissement des structures alaires, contractions musculaires, etc.…) est en effet produit par des cellules spécialisées du complexe corpora cardiaca - corpora allata. L'hormone d'exuviation induit par ailleurs la production de bursicon, par le complexe nerveux périviscéral. Cette hormone est directement impliquée dans l'expansion des ailes, la sclérotinisation de l'exocuticule de même que dans sa mélanisation éventuelle.

Bon nombre d'insectes peuvent suspendre l'essentiel de leurs activités biologiques pendant des temps plus ou moins longs à différents moments de leur développement ou de leur vie adulte. Ces périodes, dites de diapause, coïncident généralement avec des moments où les conditions de vie deviennent défavorables (hibernation, estivation, déshydratation, etc.…). Les diapauses larvaires, nymphales et imaginales semblent essentiellement en rapport avec la mise en repos du système endocrine. On observe ainsi une diminution importante de la production de PTTH et du taux d'ecdysone circulante. Il en va de même pour la HJ dans différents cas. Chez certaines espèces cependant, le taux de HJ est élevé au cours des diapauses larvaires et pupales. L'hormone paraît ici exercer un contrôle inhibiteur sur la production de PTTH.

Les facteurs déclenchant les différents types de mues et de diapauses restent en général très mal connus. Dans la plupart des cas, il semble qu'il faille faire intervenir le jeu de facteurs internes et externes. L'ingestion de nourriture est chez beaucoup d'espèces un facteur externe important. Ainsi, chez la tique Rhodnus prolixus, la mue ne se produit qu'après la prise d'un important repas de sang qui provoque une distension abdominale servant de facteur déclenchant. Une larve de 50 mg peut ainsi absorber jusqu'à 300 mg de sang. Chez le criquet Locusta migratoria, la propagation de messages sensoriels provoqués par la déglutition au niveau pharyngien paraît indispensable à la sécrétion des hormones de mue. Chez le papillon Bombyx mori, la diapause embryonnaire paraît déterminée par les conditions photopériodiques subies par la mère. Ainsi les reproductrices élevées en jours longs produisent des œufs à diapause tout à fait caractéristiques, riches en hydroxykynurénine et de teinte violette. En jours courts, la diapause embryonnaire n’apparaît pas.

b. crustacés
Le développement des crustacés, comme celui des insectes, se fait par mues successives, certaines pouvant impliquer des changements morphologiques importants de type métamorphique.

Le déterminisme endocrine des mues est nettement moins bien connu encore que celui des insectes. A l'heure actuelle, deux structures sécrétrices paraissent jouer un rôle majeur dans le contrôle des mues. L'organe X, de type neurohumoral et localisé dans les pédoncules oculaires produit une hormone inhibitrice (MIH : molt inhibiting hormone). Cette hormone passe par transport axonal dans une glande sinusale d'où elle est sécrétée. La MIH inhibe la production d'une hormone de mue de type ecdystéroïde, comparable à celle des insectes. Cette hormone est produite au niveau d'un organe Y, thoracique, comparable à la glande prothoracique des insectes.

c. autres invertébrés
De nombreuses expériences d'ablation ou de cautérisation de structures nerveuses indiquent l'existence d'un déterminisme hormonal dans la croissance et le développement des mollusques, des vers ou des échinodermes. Les résultats obtenus jusqu'à présent restent cependant trop largement préliminaires que pour être discuter dans le cadre d'un traité général.

2.4.2. Iono et osmorégulation
Le contrôle endocrinien du volume et de l'osmolarité sanguine reste extrêmement mal connu chez les invertébrés.

Une hormone de type diurétique a été mise en évidence chez différents insectes. Ce facteur, de nature protéique, agit essentiellement sur les tubes de Malpighi (cfr. chapitre 1) et induit une augmentation de la production d'urine. A notre connaissance, il n'existe que très peu de données, par ailleurs préliminaires et fragmentaires, sur le contrôle de la diurèse dans les autres groupes.

Quelques travaux ont été effectués, essentiellement chez les crustacés hyperosmorégulateurs (cfr. chapitre 1), sur le contrôle du pompage actif de NaCl au niveau branchial. Il semble que la dopamine, ainsi que d'autres facteurs, relargués par l'organe péricardique puissent intervenir dans ce cadre.


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