2.2.1. Enzymes majeures impliquées
2.2.2. Modalités et contrôle de sécrétion
2.2.3. Aspects comparés
2.3.1. Enzymes impliquées
2.3.2. Modalités et contrôle de sécrétion
2.3.3. Aspects comparés
a. glycogène et amidon
b. cellulose
c. chitine
d. autres polysaccharides
2.4.1. Enzymes impliquées
2.4.2. Modalités et contrôle de sécrétion
2.4.3. Aspects comparés
La digestion concerne l'ensemble des processus au cours desquels les aliments ingérés, constitués en large part d'éléments non directement utilisables par les cellules, sont réduits par hydrolyse enzymatique en nutriments utilisables. La digestion peut être extracellulaire, intracellulaire ou de contact.
Le système de digestion intracellulaire implique l'incorporation d'éléments ingérés par phagocytose aux vésicules lysosomiales dans lesquels ils seront hydrolysés. L'ensemble du processus est encore loin d'être clair et relève essentiellement de la physiologie cellulaire (cfr. livre 2). Le système de digestion extracellulaire implique une sécrétion d'enzymes digestives dans un espace déterminé, extérieur aux cellules, où les éléments ingérés sont hydrolysés complètement ou partiellement. Si la digestion intracellulaire reste essentielle dans le cadre des relations entre cellules au sein d'un organisme, elle n'a d'importance dans la digestion d'éléments extérieurs au niveau organismique que chez quelques groupes primitifs (clentérés, plathelminthes). Elle est de peu d'importance, voire inexistante dans tous les autres groupes. Certains éléments ne sont que partiellement dégradés par le système extracellulaire. Dans ces cas, les molécules résultantes sont souvent digérées par des enzymes associés aux membranes plasmiques avant d'être assimilées. Certains parlent dans ce cas de digestion de contact.
La digestion extracellulaire s'effectue dans certains endroits du tractus digestif ( figure 5-1). L'intestin intervient dans tous les cas, l'estomac dans de nombreux cas et la cavité buccale dans quelques cas seulement.
La digestion met en jeu des enzymes et des structures différentes selon la nature chimique des aliments ingérés: protéines, lipides ou hydrates de carbone (glucides). La plupart des études concernant les mécanismes impliqués sont relatives aux mammifères. Notre examen des systèmes digestifs concernera donc essentiellement ce groupe. Nous nous référerons autant que faire se peut aux données obtenues chez d'autres espèces: elles sont malheureusement souvent peu nombreuses, parfois rares voire inexistantes, surtout pour les invertébrés.
2.2.1. Enzymes majeures impliquées
Les protéines sont formées de chaînes polypeptidiques plus ou moins longues,
elles-mêmes constituées d'acides aminés associés entre eux par une liaison amide
substituée ou liaison peptidique. Cette liaison implique le groupement NH2
d'un acide aminé et le groupement COOH d'un autre.
La digestion des protéines va donc essentiellement consister en l'hydrolyse de ces liaisons par des enzymes digestives appelées peptidases (figure 5-8). Le résultat final est la formation d'acides aminés et de dipeptides qui seront absorbés au niveau de l'intestin.
R
R
NH2 | | | HOOC - CH - NH - C - CH - NH2 +H2O ® 2R - CH - COOH || O |
Les peptidases sont classées en endo et exopeptidases selon qu'elles attaquent une liaison peptidique à l'intérieur ou à l'extérieur d'une protéine. Les exopeptidases sont elles-mêmes classées en carboxypeptidases et aminopeptidases selon que le groupement terminal du dernier acide aminé de la chaîne à cliver est acide (groupement COOH libre) ou aminé (groupement NH2 libre).
Les carboxypeptidases sont sécrétées par le pancréas sous forme inactive : les procarboxypeptidases. Ces procarboxypeptidases sont activées dans le suc pancréatique sous l'action d'une autre enzyme digestive, la trypsine; elle aussi sécrétée au niveau pancréatique. Les aminopeptidases sont sécrétées par les cellules intestinales directement sous forme active.
Les endopeptidases sont au nombre de trois : pepsine, trypsine et chymotrypsine ( figure 5-8).
Les pepsines agissent sur les liaisons peptidiques dans lesquelles le groupement aminé provient d'un acide aminé aromatique (tyrosine ou phénylalanine) et le groupement acide d'un acide aminé dicarboxylique (aspartate ou glutamate). Elles sont sécrétées au niveau de l'estomac sous formes inactives, les pepsinogènes, par des cellules dites principales ou à zymogène (voir plus loin : 4.2). Les pepsinogènes sont activés en pepsines par le pH gastrique acide, lorsqu'il est compris entre 2 et 4.
La trypsine agit sur les liaisons peptidiques dont le groupement carboxylique provient de la lysine ou de l'argine alors que la chymotrypsine clive avec le plus d'efficacité les liaisons peptidiques dont la fonction carboxylique est fournie par les acides aminés aromatiques (tyrosine ou phénylalanine). Les deux enzymes sont sécrétées sous forme inactive (trypsinogène et chymotrypsinogène) par le pancréas. Le chymotrypsinogène est activé par la trypsine et le trypsinogène par une peptidase spécifique sécrétée par la muqueuse intestinale : l'entérokinase.
Figure 5-8: Les enzymes de la digestion des protéines. Explications dans le texte. * et (Glycine) : la nature de l'acide aminé intervenant ici n'est pas importante. Les liaisons peptidiques apparaissent en bleu.
2.2.2. Modalités et contrôle de sécrétion
La digestion des protéines; de même que celle des autres aliments est contrôlée
dans le cadre d'une séquence générale impliquant différents facteurs. Ces éléments
sont considérés essentiellement dans la section 4.1.2 et
4.2.2 ci-après. Brièvement, l'hydrolyse des protéines
commence au niveau de l'estomac avec la production d'un suc gastrique acide contenant les
pepsinogènes que l'acidité ambiante active en pepsines. Cette sécrétion est
influencée par des facteurs :
a) nerveux : des efférences vagales activent la production de HCl et de pepsinogènes mais aussi de gastrine, une substance qui va elle-même stimuler la production de suc gastrique. Le réflexe vagale est essentiellement en rapport avec des stimuli gustatifs, olfactifs ou visuels associés à la prise de nourriture. Il peut cependant faire facilement l'objet d'un conditionnement (voir système nerveux) permettant ainsi de nombreuses autres influences. L'état psychique, le stress, la peur peuvent également influencer la sécrétion du suc gastrique.
b) locaux : le contact de certains éléments du bol alimentaire (acides aminés notamment) dans les parties profondes de l'estomac provoque la sécrétion de gastrine par la muqueuse pylorique. Il en va de même pour la distension de la partie supérieure de l'estomac qui a lieu lors de l'arrivée du bol alimentaire. La gastrine va activer par voie sanguine la production d'acide chlorhydrique par des cellules se trouvant plus haut, dans l'estomac dit proximal (cfr. 4.1.2). Un pH très acide inhibera la production de gastrine en rétroaction, alors qu'un pH insuffisamment acide l'activera.
c) hormonaux : différentes substances produites par les muqueuses gastriques ou intestinales et sécrétées dans le flot sanguin vont agir sur la production de suc gastrique. C'est le cas notamment de la gastrine, de l'histamine ou du GRP (Gastric Releasing Peptide), produits par la muqueuse gastrique et qui sont activateurs. C'est aussi le cas de la sécrétine et du GIP (Gastric Inhibitory Peptide), deux substances produites par la muqueuse de la partie haute (duodénale) de l'intestin au contact de certains facteurs du chyme provenant de l'estomac: pH acide, présence de glucose, acides aminés ou lipides. Ces substances inhibent la production de suc gastrique.
Une première attaque des protéines par les pepsines a donc lieu au niveau gastrique en milieu acide. Le reste de la séquence a lieu au niveau de l'intestin où vont intervenir trypsine, chymotrypsine, amino et carboxypeptidases. Ces enzymes contrairement aux pepsines, sont actives à des pHs voisins de la neutralité. Le bol alimentaire sera donc ramené à pH neutre à l'entrée de l'intestin par des sécrétions de HCO3 - venant du pancréas et des glandes duodénales (cfr. 4.2.2 et 4.3.1 ci-après).
L'arrivée du bol alimentaire de l'estomac (chyme) dans le duodénum va induire la production par la muqueuse intestinale : a) vers le système circulatoire, de différentes hormones notamment la sécrétine et la pancréozymine. Ces deux hormones ainsi que les stimulations vagales, vont induire la production du suc pancréatique contenant notamment des procarboxypeptidases, des chymotrypsinogènes et des trypsinogènes. La sécrétine inhibe par ailleurs la sécrétion gastrique de HCl. b) vers la lumière intestinale, de l'entérokinase, une enzyme qui activera le trypsinogène en trypsine. La trypsine activera à son tour le chymotrypsinogène en chymotrypsine et les procarboxypeptidases en carboxypeptidases. Les enzymes protéolytiques pancréatiques deviennent donc actives dans l'intestin. Elles fonctionnent dans un milieu à pH neutre. Dans ce cadre, la sécrétion pancréatique contient du HCO3- qui la rend basique et qui a pour effet de tamponner le bol alimentaire dans l'intestin à des pHs proches de la neutralité. c) La production des aminopeptidases par la muqueuse intestinale.
L'ensemble de cette séquence va résulter en l'hydrolyse de l'essentiel des protéines en acides aminés, di- et tripeptides. Ces peptides seront clivés en acides aminés par des peptidases fixées à la membrane plasmique de cellules intestinales, essentiellement de la portion grêle. L'absorption des acides aminés a lieu dans l'intestin et fait intervenir des cotransporteurs Na-acides aminés (cfr. 5.1 et surtout physiologie cellulaire).
Bon nombre d'aliments d'origine carnée contiennent de l'élastine, une protéine fibreuse élastique présente notamment dans les tissus conjonctifs, les ligaments et les parois vasculaires. Cette protéine est mal digérée par les protéases classiques. La sécrétion pancréatique des mammifères contient une élastase spécifique. Elle est produite sous forme de proélastase inactive et est activée par la trypsine.
2.2.3. Aspects comparés
Les recherches concernant les enzymes protéolytiques dans les groupes autres que
mammaliens ne sont que très partielles. En ce qui concerne les vertébrés, des enzymes
à activité de type pepsine, trypsine et chymotrypsine ont été mises en évidence chez
les oiseaux, différents reptiles (tortues, lézards) ainsi que quelques amphibiens,
anoures et urodèles. Chez les anoures, la pepsine stomacale n'apparaît qu'à la
métamorphose. Elle est absente chez le têtard.
Chez les poissons, on trouve les différentes enzymes protéolytiques pancréatiques et intestinaux. La présence d'enzymes de type pepsine est variable. Elles n'existent pas chez les poissons dépourvus d'estomac (sélaciens, chimères, dipneustes). Chez les téléostéens, la pepsine n'est pas toujours présente, même chez les espèces possédant un estomac bien différencié sécrétant de l'acide chlorhydrique. Chez les espèces qui la possèdent, il semble que les cæca pyloriques soient un site important de production.
Les enzymes protéolytiques ont été hautement purifiées chez quelques espèces et leur séquence en acides aminés est connue. Il existe, semble-t-il un haut degré d'homologie entre les différentes peptidases des différents vertébrés.
En ce qui concerne les invertébrés, la situation est moins claire, avec des résultats souvent fragmentaires et préliminaires. Des activités de type trypsine et/ou chymotrypsine ont été mises en évidence dans tous les groupes jusqu'aux urocordés à l'exception des hirudinées (sangsues). La présence d'exopeptidases a également été démontrée chez de nombreuses espèces. Dans la plupart des cas, la source précise de ces enzymes est inconnue.
La présence d'enzymes de type pepsine est douteuse, même chez les espèces, comme les crustacés décapodes par exemple, possédant un estomac bien différencié. En général, le pH dans le tractus digestif des invertébrés varie entre 5 et 8 ce qui exclut la présence d'enzymes travaillant à pH très bas.
L'absence totale d'endopeptidases chez les sangsues alors que leurs aliments essentiels sont protéiques (protéines du plasma et des globules rouges sanguins) est curieuse. Elle pourrait rendre compte de la lenteur avec laquelle les repas de sang sont digérés chez ces espèces. Elles ne disposeraient en fait que d'exopeptidases aidées plus ou moins efficacement par des enzymes d'origine bactérienne. Chez les insectes suceurs de sang, on trouve par contre un arsenal complet (sauf pepsine) de peptidases ainsi qu'une protéinase particulière ayant une activité particulièrement élevée contre l'hémoglobine.
2.3.1. Enzymes impliquées
Les enzymes hydrolytiques impliquées dans la digestion des sucres sont assez
spécifiques: elles seront donc plus nombreuses que dans le cas des protéines ou des
lipides où il existe des enzymes "générales" actives sur un type de liaison
plutôt que sur un composé donné. On distingue des enzymes hydrolysant les
polysaccharides (polyholosides) d'autres attaquant les disaccharides et trisaccharides (di
et triholosides). En ce qui concerne les polysaccharides, le glycogène et l'amidon sont
digérés par des amylases, la cellulose par des cellulases, l'inuline par des inulinases,
la chitine par des chitinases, etc. En ce qui concerne les dissacharides, le maltose est
clivé par des maltases, le cellobiose par des cellobiases, le lactose par des lactases,
etc. Le raffinose est le plus répandu des trisaccharides et pratiquement le seul a avoir
été étudié. Il est hydrolysé par des galactosidases (figure 5-9).
Figure 5-9: Les enzymes de la digestion des glucides. * Le raffinose est un trisaccharide.
L'arsenal enzymatique existant chez les animaux pour digérer les glucides est en général très incomplet. Bon nombre d'enzymes intervenant ici seront donc d'origine exogène, provenant de bactéries et/ou de protozoaires logés dans l'estomac ou l'intestin. La digestion de la cellulose par exemple repose essentiellement sur des enzymes d'origine exogène. Elle sera envisagée plus loin dans le cadre des apports symbiotiques de nutriments (cfr. section 3). Les différentes polysaccharidases endogènes sont essentiellement sécrétées par le pancréas. Certaines espèces peuvent également avoir des polysaccharidases salivaires. Ainsi la salive humaine contient une a amylase (ptyaline). Les disaccharidases endogènes paraissent localisées sur la muqueuse de l'intestin, dans sa portion grêle essentiellement. Les enzymes chitinolytiques, chitinase et chitobiase, ont été mises en évidence chez différentes espèces de mammifères. Les chitinases sont gastriques et/ou pancréatiques alors que les chitobiases seraient plutôt intestinales, parfois gastrique également. Les activités chitinolytiques sont généralement très élevées chez les insectivores, elles sont nulles chez l'homme, le lapin ou le mouton. Une hyaluronidase a été mise en évidence dans la salive de tous les mammifères étudiés, l'activité de l'enzyme étant plus élevée chez les carnivores que chez les herbivores.
2.3.2. Modalités et contrôle de sécrétion
La sécrétion des polysaccharidases salivaires et pancréatiques fait intervenir
des facteurs nerveux, hormonaux et locaux (voir plus haut et figure 5-13)
Les influences nerveuses sont vagales (parasympathiques) pour le pancréas, sympathiques
et parasympathiques pour les glandes salivaires. La production de suc pancréatique est en
fait essentiellement contrôlée par les hormones sécrétine et pancréozymine produites
par la portion haute de l'intestin au passage du bol alimentaire acide provenant de
l'estomac (figure 5-13).
Les oses résultant de l'activité hydrolytique sont absorbés au niveau intestinal essentiellement par des cotransporteurs Na-oses, pour le glucose et le galactose en tout cas. Il semble que le passage du fructose soit essentiellement diffusionnel (cfr. 5.1).
2.3.3. Aspects comparés
a. glycogène et amidon
Ces composés sont des produits de réserve majeurs des animaux (glycogène) et des
plantes supérieures (amidon) Ils sont tous deux constitués d'unités glucose en liaison
a -1,4 pour les chaînes droite et a -1,6
au niveau des points de branchement pour les chaînes ramifiées. Dans l'amidon, les
chaînes droites portent le nom d'amylose et les chaînes ramifiées d'amylopectine.
Glycogène et amidon sont hydrolysés en maltose par des amylases puis en glucose par des disaccharidases spécifiques. On a trouvé des amylases pancréatiques et des maltases intestinales chez tous les vertébrés étudiés jusqu'à présent, des sélaciens aux mammifères. On a également trouvé ces enzymes dans le tube digestif de tous les invertébrés testés sauf les sangsues.
b. cellulose
La cellulose est un polysaccharide de structure majeur des végétaux. C'est un
constituant essentiel des parois cellulaires. Constituée de longues chaînes d'unités
glucose en liaison b -1,4, elle n'est pas hydrolysable par les
amylases du tube digestif des vertébrés. La cellulose est digérée chez eux par des
enzymes d'origine exogène. La situation est moins claire chez les invertébrés où l'on
trouve des cellulases endogènes à activité réduite chez certaines espèces dans la
plupart des groupes. Dans la plupart des cas, ces activités ne sont pas suffisantes pour
rendre compte d'une digestion effective et il existe une contribution d'origine exogène
importante.
La contribution exogène à la digestion de la cellulose est dans la plupart des cas le fait de bactéries et d'unicellulaires présents en symbiotes dans différentes parties du tractus digestif; cæca sophagiens, estomac, intestin et/ou cæca intestinaux (voir section 3 ci-après). Certaines espèces peuvent obtenir une aide non négligeable d'organismes se trouvant normalement dans leur alimentation et présentant une activité cellulolytique élevée. Chez les poissons, il pourra s'agir d'invertébrés présents sur les plantes par exemple. Dans d'autres cas, il peut s'agir de champignons. Ainsi, l'isopode marin xylophage Limnoria tripunctata se nourrit généralement de vieux bois infestés de champignons eux-mêmes xylophages. Son tube digestif ne présente pas de flore microbienne particulière. De même, certaines espèces de termites comme Macrotermes natalensis trouvent une aide à la digestion de la cellulose dans les champignons qu'elles cultivent (Termitomyces sp.).
c. chitine
La chitine est un polymère de N - acétylglucosamine dont les molécules sont unies
en enchaînements linéaires par des liaisons b -1,4. Associée
à des sels minéraux et à des protéines, elle constitue l'exosquelette des arthropodes.
Des chitinases et des chitobiases ont été mises en évidence dans tous les groupes de vertébrés et dans de nombreux groupes d'invertébrés. L'activité chitinolytique est en général élevée chez les insectivores ou chez des espèces mangeant occasionnellement insectes ou crustacés. Elle est basse ou nulle chez les autres, notamment chez les herbivores. Chez les vertébrés, les chitinases sont essentiellement d'origine gastrique et/ou pancréatique. Dans bien des cas, comme pour la cellulose, il semble que la décomposition par enzymes exogènes puisse contribuer de manière non négligeable à la digestion de la chitine.
d. autres polysaccharides
Les recherches concernant d'autres composés sont restées peu nombreuses à ce jour.
Des hyaluronidases ont été mises en évidence chez les poissons, dans l'estomac chez certains, dans l'intestin chez d'autres. La sangsue Hirudo medicinalis possède une hyaluronidase salivaire très active qu'elle injecte, en même temps qu'un anticoagulant, dans la blessure qu'elle fait aux animaux qu'elle attaque. L'acide hyaluronique est un constituant important des conjonctifs. C'est un polymère linéaire de disaccharides en liaison b -1,4 dont chaque unité est constituée d'une acide glucuronique et d'une N - acétylglucosamine en liaison b -1,3. L'enzyme d'Hirudo hydrolyse uniquement ces dernières liaisons. Il diffère en cela des hyaluronidases des venins de serpents ou d'abeilles qui s'attaquent aux liaisons b -1,4 entre les disaccharides. La laminarine (glucoses en b -1,3) et l'acide alginique (chaînes d'acides mannuronique et guluronique) sont des constituants majeurs des algues brunes. Ces composés ne paraissent pas pouvoir être digérés par les vertébrés, y compris les poissons vivants parmi ces algues. Une activité d'hydrolyse de la laminarine a pu être mise en évidence dans le tube digestif de différents invertébrés : anémone de mer, nombreux polychètes, oligochètes, crustacés, mollusques et échinodermes. De même, des alginases sont présentes chez de nombreuses espèces, essentiellement marines. Le niveau d'activité des alginases comme des laminarinases paraît essentiellement fonction du régime alimentaire. Ces enzymes seraient d'origine endogène, quoique le lieu de production reste non précisé dans la plupart des cas.
2.4.1. Enzymes impliquées
Les enzymes lipolytiques sont classées en lipases et estérases. Les lipases
hydrolysent les triglycérides alors que les autres composés lipidiques sont hydrolysés
par des estérases plus ou moins spécifiques. Les triglycérides (tri-acylglycérols)
sont des constituants de réserve essentiels chez les animaux. Ils représentent en
général plus de 90 % des lipides du bol alimentaire chez les mammifères. Le reste est
constitué de phospholipides, cholestérol, esters de cholestérol et cérides.
L'essentiel des enzymes lipolytiques provient du pancréas où elles paraissent sécrétées sous forme de pro-enzymes inactives, activées dans l'intestin par la trypsine. Chez différentes espèces, il existe également une lipase salivaire, produite au niveau des glandes sublinguales. Cette enzyme peut être assez active. On estime ainsi que chez l'homme 20 à 30 % des triglycérides peuvent être hydrolysés par la lipase salivaire avant d'atteindre l'intestin. On trouve par ailleurs une lipase non spécifique dans le lait maternel, ce qui apporte au nourrisson en allaitement la graisse du lait en même temps que son enzyme de digestion. Cette enzyme peut hydrolyser les triglycérides mais aussi les phospholipides, les esters de cholestérol ainsi que de nombreux autres esters. Une lipase de même type est également sécrétée par le pancréas en même temps que les autres enzymes lipolytiques plus spécifiques. Parmi ces dernières on trouve notamment une lipase 1 hydrolysant les triglycérides au niveau des acides gras extérieurs (1 et 3). L'acide gras restant, en position 2, est libéré du glycérol par une lipase 2 ou par la lipase non spécifique (figure 5-10). Le pancréas sécrète encore une colipase dont le rôle est de lever l'inhibition qu'exerce les sels biliaires sur l'activité des lipases (voir ci-après).
Figure 5-10: Lipases 1 et 2 dans la digestion des triglycérides.
2.4.2. Modalités et contrôle de sécrétion
La sécrétion des enzymes lipolytiques salivaires et pancréatiques fera intervenir
les facteurs nerveux, locaux et hormonaux que nous avons déjà mentionnés en envisageant
la digestion des glucides et des protéines (voir plus haut et figure
5-13).
Les lipides et leurs produits de dégradation sont peu solubles dans l'eau alors que les enzymes lipolytiques sont hydrosolubles ce qui rend les contacts difficiles. De plus, dans les solutions aqueuses, les lipides s'agglomèrent pour former de gros agrégats diminuant largement le rendement de l'hydrolyse enzymatique puisque seules les molécules situées à la surface des agrégats sont accessibles aux enzymes. La digestion des lipides est rendue plus efficace par un processus d'émulsification transformant les agrégats lipidiques en micelles de faibles diamètres (3 à 6 nm seulement). Ce processus commence dans l'estomac avec le brassage mécanique intense que subit le bol alimentaire. Il est complété dans l'intestin par un brassage mécanique auquel s'ajoute l'action des sels biliaires. Ces sels vont en fait stabiliser l'émulsion produite par le brassage mécanique. Leurs molécules possèdent des régions polaires et non polaires et adhérent par ces dernières aux molécules lipidiques. Les parties polaires, dirigées vers la phase aqueuse établissent des attractions avec l'eau et se repoussent ce qui maintient la division physique des micelles et forme une émulsion stable (figure 5-11). Chez les mammifères, les sels biliaires sont essentiellement des tauro et des glyco-conjugués d'acides biliaires. Ils sont synthétisés par le foie et stocker dans la vésicule biliaire pour être déversés dans le duodénum lors du passage du bol alimentaire (voir aussi 4.3.2 et 5.3).
La production de sels biliaires et de bile par le foie est continue ( ±700 ml/24h chez l'homme). La bile n'est cependant déversée dans le duodénum que par intervalles, essentiellement lors du passage du bol alimentaire. La bile produite par le foie est en fait stockée dans la vésicule biliaire au niveau de laquelle elle est également concentrée de 5 à 10 fois par pompage d'eau. La vésicule biliaire et le foie sont en relation avec la portion haute de l'intestin par le canal cholédoque, fermé par un muscle constricteur (sphincter d'Oddi). La sécrétion biliaire est contrôlée par voie nerveuse réflexe (vagale) mais surtout par voie humorale. La pancréozymine libérée dans le sang par les cellules duodénales lors du passage du bol alimentaire provoque en effet la contraction de la vésicule biliaire et le relâchement du sphincter d'Oddi (effets cholagogues). La sécrétine a par ailleurs des effets stimulants sur la production de bile par le foie (effets cholérétiques).
Les sels biliaires déversés dans la portion antérieure de l'intestin grêle sont réabsorbés dans sa portion postérieure (iléon) après absorption des micelles lipidiques qu'ils ont aidés à stabiliser. Ils peuvent ainsi être réutilisés à la formation de bile en un cycle dit entéro-hépatique (voir section 5.3).
Les sels biliaires sont synthétisés dans le foie à partir d'acides biliaires dits primaires (acides cholique et désoxycholique) eux-mêmes synthétisés dans le foie à partir du noyau cyclopentanophénanthrénique dérivé du cholestérol (figure 5-11). Une partie de ces acides peut être transformée en acides biliaires secondaires dans l'intestin par action bactérienne. Ces derniers, après réabsorption participent dans le foie avec les acides biliaires primaires à la formation de conjugués notamment avec de la glycine, de la taurine mais aussi des sulfates. Les conjugués sont salifiés par des ions monovalents (Na et K essentiellement) pour former les sels biliaires.
Figure 5-11: Sels biliaires et formation de micelles lipidiques - Le noyau cyclopentanophénanthrénique et le cholestérol, base des acides et sels biliaires - Les acides glyco et taurodésoxycholique ont la même structure que les conjugués de l'acide cholique présentés à ceci près qu'en position 7 (colorée), il y a un H au lieu d'un OH.
2.4.3. Aspects comparés
On trouve des lipases et des estérases chez tous les vertébrés. Elles sont
essentiellement d'origine pancréatique. Chez certaines espèces, on trouve également des
lipases gastriques et salivaires. Chez les serpents, les sécrétions des glandes à venin
peuvent ainsi contenir des phospholipases et des cholinestérases inhibant la transmission
nerveuse. L'origine des lipases actives dans le suc gastrique n'est pas claire. Il
n'existe en effet aucune démonstration probante à l'heure actuelle des possibilités de
synthèse de telles enzymes par la muqueuse gastrique. Peut être s'agit-il de lipases
salivaires ou d'enzymes exogènes, amenées avec le bol alimentaire ou produites par des
bactéries de l'estomac. Dans de nombreux cas, des enzymes d'origine bactérienne
contribuent de façon non négligeable et parfois essentielle à la digestion des lipides
du bol alimentaire (voir section 3).
Les vertébrés terrestres trouvent surtout des triglycérides dans leur nourriture. Pour certaines espèces marines, le zooplancton constitue une source essentielle de nourriture ou un appoint non négligeable. Ces animaux sont capables de digérer les cires (esters d'alcools supérieurs et d'acides gras non saturés à chaînes longues) se trouvant en abondance dans les animaux planctoniques. On ignore encore si les enzymes impliquées sont essentiellement d'origine endogène ou exogène et s'il s'agit d'estérases spécifiques ou non spécifiques.
Des lipases et des estérases ont été mises en évidence dans le tube digestif de la plupart des invertébrés étudiés jusqu'à présent. Le suc digestif du priapulide Priapulus caudatus paraît cependant dépourvu d'activité lipolytique. Peut être la digestion des lipides a-t-elle lieu essentiellement chez ces espèces dans le milieu intracellulaire après absorption des micelles lipidiques. Les hirudinées paraissent également dépourvues d'enzymes lipolytiques digestives d'origine endogène. La digestion des lipides impliquerait ici des enzymes bactériennes.
Des sels biliaires sont présents chez tous les vertébrés depuis les agnathes. Chez ces derniers de même que chez les sélaciens, les téléostéens et les amphibiens, il s'agit essentiellement de sulfo-conjugués d'alcools biliaires tel le sulfate de scymnol ( figure 5-12) mis en évidence pour la première fois par Hammarsten dès 1898 (Hoppe-Seyl Z., 24, 322). Les conjugués d'alcools biliaires disparaissent à partir des reptiles à partir desquels on ne trouve plus que des conjugués d'acides biliaires. Les glyco-conjugués paraissent limités aux mammifères euthériens.
On a également mis en évidences les propriétés émulsifiantes des sucs du tube digestif chez de nombreux invertébrés. Dans la plupart des cas, la nature des émulsifiants reste inconnue. Chez les crustacés décapodes, un des composés majeurs est un acide gras combiné avec de la taurine et de la sarcosine : la N-dodécénoyl-sarcosyl-taurine (figure 5-12).
Figure 5-12: Emulsifiants d'invertébrés et de vertébrés inférieurs. A: Le sulfate de scymnol, un sulfo - conjugué d'alcool biliaire présent chez les sélaciens; le noyau de base cyclopentanophénanthrénique est le même que celui des conjugués présents chez les mammifères (cfr. Figure 5-11). B: Le N dodécénoyl sarcosyl taurine, un émulsifiant majeur des crustacés décapodes.
Les étapes majeures de la digestion des protéines, des glucides et des lipides intervenant chez les mammifères sont résumées dans le schéma de la figure 5-13. Cette figure reprend également les mécanismes du contrôle de la sécrétion des différents sucs qui imprègnent le bol alimentaire. Dans ce cadre, la portion antérieure, duodénale, de l'intestin joue un rôle particulièrement important. Outre les hormones sécrétine et pancréozymine qui exercent des effets déterminants essentiellement sur les sécrétions biliaires et pancréatiques, le duodénum produit également une série de substances à action hormonale ou locale tels l'entérokinase, une enzyme activant le trypsinogène en trypsine, la motiline (ou villikinine), une substance favorisant la motricité, le VIP (Vaso active Intestinal Peptide) qui a un effet vasodilatateur sur les capillaires irriguant l'intestin ou le GIP (Gastric Inhibitory Peptide) qui inhibe la production du suc gastrique. La portion terminale de l'intestin grêle et le gros intestin produisent par ailleurs un PYY (peptide tyrosine - tyrosine) qui inhibe de nombreuses fonctions digestives (voir 4.2.2 ci-après).
Figure 5-13: La digestion des aliments chez les mammifères. G S: glandes salivaires pouvant produire des lipases et des amylases chez certaines espèces, V B: vésicule biliaire. Explications dans le texte (sections 2.2, 2.3 , 2.4 et aussi 4.1 et 4.2).
Les étapes de la digestion résumées dans le schéma considèrent uniquement des processus endogènes, propres à l'organisme considéré. Le tube digestif contient en général des micro-organismes en quantités plus ou moins importantes qui vont sécréter leurs propres enzymes digestives. Ces enzymes "exogènes" participeront de façon plus ou moins importante à la digestion. Dans certains cas, les micro-organismes pourront par ailleurs servir d'apport de nourriture non négligeable. Nous allons maintenant envisager ces points particuliers plus en détail en considérant les apports symbiotiques de nutriments.